Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 10 février 2023 par lequel le préfet des Yvelines a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné à l'expiration de ce délai, et d'enjoindre au préfet des Yvelines de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", ou, à défaut, de réexaminer sa situation.
Par un jugement n° 2301764 du 25 mai 2023, le tribunal administratif de Versailles a, d'une part, annulé l'ensemble de l'arrêté du 10 février 2023, et, d'autre part, enjoint au préfet des Yvelines, ou à tout autre préfet territorialement compétent, sous réserve d'un changement dans les circonstances de droit ou de fait, de délivrer à M. A... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification du même jugement.
Procédure devant la cour :
I. Par une requête, enregistrée le 27 juin 2023, sous le n° 23VE01456, le préfet des Yvelines, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande de M. A....
Il soutient que :
- la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 423-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est fondée dès lors que M. A... est entré sur le territoire français de manière irrégulière et sans justifier d'un visa long séjour ;
- les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de destination sont également fondées dès lors que, malgré son mariage avec une ressortissante française le 20 décembre 2020, l'intéressé ne justifie pas de liens suffisamment anciens, intenses et stables sur le territoire français, que ses parents et son frère ou sa sœur résident toujours dans son pays d'origine, qu'il a déjà fait l'objet d'une mesure d'éloignement à laquelle il s'est soustrait et que, enfin, malgré la naissance d'un enfant français en 2023, sa demande de titre de séjour était fondée sur sa qualité de conjoint de français et non de parent d'enfant français.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 octobre 2023, M. A..., représenté par Me Liger, avocat, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'arrêté attaqué est entaché d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il méconnaît les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle.
II. Par une requête enregistrée le 27 juin 2023, sous le n° 23VE01458, le préfet des Yvelines, demande à la cour d'ordonner le sursis à exécution de ce jugement.
Il soutient que les moyens qu'il a invoqués dans sa requête d'appel, enregistrée sous le n° 23VE01456, sont sérieux et de nature à justifier l'infirmation de la solution retenue par les premiers juges et, par conséquent, le rejet des conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 10 février 2023 présentées par M. A....
Par deux mémoires en défense, enregistrés les 29 septembre et 16 octobre 2023, M. A..., représenté par Me Liger, avocat, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens soulevés par le préfet des Yvelines ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Even,
- et les observations de Me Liger pour M. A....
Considérant ce qui suit :
1. Les requêtes susvisées n° 23VE01456 et n° 23VE01458, qui tendent respectivement à l'annulation et au prononcé du sursis à exécution du même jugement, présentent à juger les mêmes questions. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.
2. M. A..., ressortissant Sri lankais, né le 28 avril 1994 à Palai (Sri Lanka), déclare être entré sur le territoire français le 21 juillet 2015. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 17 octobre 2016, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 3 octobre 2018. Il a contracté mariage avec une ressortissante française le 24 octobre 2020. Par un arrêté du 26 mai 2021, le préfet de police de Paris a rejeté la demande de titre de séjour de M. A... et a pris à son encontre une mesure d'éloignement, à laquelle il s'est soustrait. Il a sollicité son admission au séjour en sa qualité de conjoint de français le 22 décembre 2022 en invoquant le bénéfice des dispositions énoncées par l'article L. 423-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 10 février 2023, le préfet des Yvelines a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné à l'issue de ce délai. Le préfet des Yvelines fait appel du jugement du 25 mai 2023 par lequel le tribunal administratif de Versailles a annulé cet arrêté.
Sur la requête n° 23VE01456 :
En ce qui concerne le motif d'annulation retenu par le tribunal administratif :
3. Aux termes de l'article L. 412-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicable au litige : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues aux articles L. 412-2 et L. 412-3, la première délivrance d'une carte de séjour temporaire ou d'une carte de séjour pluriannuelle est subordonnée à la production par l'étranger du visa de long séjour mentionné aux 1° ou 2° de l'article L. 411-1 ". Aux termes de l'article L. 423-1 de ce code : " L'étranger marié avec un ressortissant français, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an lorsque les conditions suivantes sont réunies : / 1° La communauté de vie n'a pas cessé depuis le mariage ; / 2° Le conjoint a conservé la nationalité française ; / 3° Lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, il a été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français ".
4. Par ailleurs, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
5. Pour prononcer l'annulation de l'ensemble de l'arrêté du 10 février 2023, les premiers juges ont considéré, au point 4 de leur jugement, que la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 423-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile portait au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels elle a été prise. Si le préfet des Yvelines fait valoir que M. A... est entré sur le territoire français de manière irrégulière et sans justifier d'un visa long séjour, il ressort néanmoins des pièces du dossier qu'il justifie d'une présence continue sur le territoire national depuis au moins sept ans à la date de l'arrêté attaqué, qu'il est marié à une ressortissante française depuis le 24 octobre 2020, soit depuis plus de deux ans à compter de cette même date, et qu'il justifie d'une insertion professionnelle stable et continue depuis le mois de mai 2019. Par ailleurs, si le préfet des Yvelines fait valoir que M. A... ne justifie d'aucune communauté de vie avec son épouse avant leur mariage, il ressort néanmoins de leur avis de situation déclarative relatif à l'impôt sur leurs revenus de 2021 et de plusieurs justificatifs de domicile qu'elle est établie de manière continue depuis l'année 2021, soit depuis deux ans à la date de l'arrêté attaqué. Enfin, l'intimé produit, pour la première fois en appel, l'acte de naissance de son enfant ainsi que son passeport, permettant d'établir que son épouse était enceinte depuis au moins quatre mois à la date de l'arrêté attaqué. Dans ces conditions, nonobstant le fait que l'intéressé soit entré irrégulièrement sur le territoire national le 21 juillet 2015 et qu'il se soit soustrait à une première mesure d'éloignement du 26 mai 2021, c'est à bon droit que les premiers juges ont annulé, sur le fondement de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la décision portant refus de séjour et, par voie de conséquence, celles portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixation du pays de destination.
6. Il résulte de ce qui précède que le préfet des Yvelines n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a annulé l'ensemble de l'arrêté du 10 février 2023 par lequel il a refusé de délivrer un titre de séjour à M. A..., l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il était susceptible d'être éloigné d'office.
Sur la requête n° 23VE01458 :
7. Aux termes de l'article R. 811-15 du code de justice administrative : " Lorsqu'il est fait appel d'un jugement de tribunal administratif prononçant l'annulation d'une décision administrative, la juridiction d'appel peut, à la demande de l'appelant, ordonner qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement si les moyens invoqués par l'appelant paraissent, en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation ou la réformation du jugement attaqué, le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par ce jugement ".
8. Dès lors que la cour statue par le présent arrêt sur la requête présentée par le préfet des Yvelines enregistrée sous le n° 23VE01456 tendant à l'annulation du jugement attaqué, la requête n° 23VE01458 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement est devenue sans objet. Il n'y a dès lors pas lieu d'y statuer.
Sur les frais liés au litige :
9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser au requérant au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du préfet des Yvelines enregistrée sous le n° 23VE01456 est rejetée.
Article 2 : Il n'y a plus lieu de statuer sur la requête n° 23VE01458.
Article 3 : L'Etat versera à M. A... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au préfet des Yvelines, à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Délibéré après l'audience du 8 février 2024, à laquelle siégeaient :
M. Even, président de chambre,
Mme Aventino, première conseillère,
M. Cozic, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 février 2024.
Le président-rapporteur,
M. EVEN
L'assesseure la plus ancienne,
B. AVENTINOLa greffière,
C. RICHARD
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
2
N° 23VE01456...