Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. E... A... B... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler les décisions des 1er août 2018, 31 janvier 2019 et 30 avril 2019, par lesquelles les commissaires de France Galop ont décidé de suspendre ses agréments de bailleur, de propriétaire en nom propre et d'associé, à titre conservatoire, pour une durée de six mois, renouvelée deux fois pour trois mois.
Par un jugement nos 1811182, 1901566, 1905997 du 22 novembre 2021, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé ces décisions.
Procédure devant la cour :
Par une requête, un mémoire en réplique et des pièces, enregistrés les 20 janvier 2022, 12 août 2022 et le 5 juillet 2023, l'association France Galop, représentée par Me Sigler, avocate, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement attaqué ;
2°) de rejeter les demandes de M. A... B... ;
3°) de mettre à la charge de M. A... B... la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
L'association France Galop soutient que :
- en retenant que les trois décisions contestées étaient fondées sur l'existence de poursuites pénales, les premiers juges ont dénaturé les pièces du dossier ;
- il découle de cette dénaturation que le jugement est insuffisamment motivé, le tribunal s'étant abstenu de se prononcer de façon précise sur les moyens invoqués à l'encontre de chacun des griefs et précisément celui fondé sur l'article 216 du code des courses au galop ;
- c'est à tort que le tribunal a considéré que les décisions contestées étaient entachées d'erreur de droit ; seule la décision du 1er août 2018 est fondée sur la notion de " poursuites pénales " ; ces poursuites étaient caractérisées au sens du code des courses au galop ; les décisions de prolongation du 31 janvier 2019 et 30 avril 2019 sont justifiées par la menace potentielle pour la sécurité des personnels mineurs des établissements d'entraînement que constituerait la restitution des agréments de M. A... B... ;
- les mesures conservatoires adoptées par les commissaires de France Galop l'ont été en conformité avec les dispositions des articles 213 et 216 du code des courses au galop ; l'article 213 du code des courses au galop autorise les commissaires de France Galop à prendre toute mesure appropriée sur toute situation qui nécessite leur intervention ;
- les autres moyens soulevés par M. A... B... ne sont pas fondés ; les décisions contestées ne sont pas entachées d'erreur de fait, ni d'erreur d'appréciation ; elles sont proportionnées ; elles ne relèvent pas d'un détournement de pouvoir.
Par des mémoires en défense enregistrés les 10 juin 2022, 17 août 2022 et 17 juillet 2023, M. A... B..., représenté par Me Bougassas, avocat, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge de l'association France Galop au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 20 juin 2023, la clôture de l'instruction a été fixée, en application de l'article L. 613-1 du code de justice administrative, au 31 juillet 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des courses au galop ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Dorion,
- les conclusions de M. Lerooy, rapporteur public,
- et les observations de Me Sigler pour l'association France Galop.
Une note en délibéré présentée par Me Sigler a été enregistrée le 13 mars 2023.
Considérant ce qui suit :
1. A la suite de la parution d'articles de presse révélant l'existence de plaintes pour agressions sexuelles le mettant en cause, les commissaires de France Galop ont, par une décision du 1er août 2018, suspendu à titre conservatoire les agréments délivrés à M. A... B... par France Galop en qualité de bailleur, propriétaire en nom propre, associé, gérant de l'Ecurie centrale et président mandataire et actionnaire de l'Ecurie mansonnienne, pour une durée de six mois, en application des articles 213 IV et 216 du code des courses au galop. Cette mesure a ensuite été prorogée par deux décisions du 31 janvier 2019 et du 30 avril 2019, chacune pour trois mois. L'association France Galop relève appel du jugement du 22 novembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé ces trois décisions.
Sur la régularité du jugement :
2. En premier lieu, l'association France Galop soutient qu'en retenant que les mesures de suspension litigieuses étaient motivées par l'existence de poursuites pénales, alors que les mesures de prolongation des 31 janvier 2019 et 30 avril 2019 se bornent à faire état d'une enquête pénale et sont fondées sur la menace potentielle sur la sécurité des personnels mineurs des établissements d'entraînement que constituerait la restitution des agréments de M. D... A... B... , le tribunal aurait dénaturé les pièces du dossier. Ce moyen, qui relève du bien-fondé du jugement attaqué, est sans incidence sur sa régularité.
3. En second lieu, l'association requérante fait valoir que le jugement est insuffisamment motivé, en ce que le tribunal ne se serait pas prononcé avec suffisamment de précision sur les moyens invoqués à l'encontre de chacun des griefs et précisément celui du non-respect de l'article 216 du code des courses au galop. Cependant, les premiers juges ont exposé, aux points 4 et 5 du jugement attaqué, les motifs pour lesquels ils ont estimé que l'article 216 du code des courses au galop ne pouvait légalement fonder les mesures de suspension en litige. Il s'ensuit que le moyen manque en fait.
Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal :
4. Aux termes de l'article 216 du code des courses au galop : " (...) Les Commissaires de France Galop peuvent suspendre, à titre conservatoire l'autorisation de monter, entraîner, faire courir ou la perception des primes à l'élevage de toute personne dans les cas suivants : / - si la personne fait l'objet de poursuites pénales pour des faits susceptibles de porter gravement atteinte à l'image des courses et de nuire à l'organisation des paris, / - si le maintien des autorisations de cette personne ne permet pas de s'assurer de la régularité des courses et de leur sécurité. / Ils peuvent également, à titre conservatoire, interdire de courir aux chevaux appartenant à cette personne ou entraînés par elle. ".
5. En premier lieu, il est constant qu'à la date de la décision du 1er août 2018, puis des deux décisions de prolongation du 31 janvier 2019 et du 30 avril 2019, les faits reprochés à M. A... B... avaient donné lieu, à l'initiative des victimes présumées, d'une assignation en référé expertise devant une juridiction civile et d'une plainte simple, sans constitution de partie civile. Si le parquet avait également saisi les services de police d'une enquête préliminaire, dès le 31 juillet 2018, cette enquête, qui ne constitue pas un acte de poursuite, n'a pas pour effet de mettre en mouvement l'action publique, laquelle est déclenchée par l'ouverture d'une information sur réquisitoire du ministère public, une plainte avec constitution de partie civile ou une citation directe de la victime. Il s'ensuit que, à la date à laquelle elles ont été prises, les mesures conservatoires contestées ne pouvaient pas être fondées sur les dispositions de l'article 216 du code des courses au galop qui permettent de suspendre à titre conservatoire l'autorisation de faire courir de monter, entraîner, faire courir ou percevoir des primes à l'élevage, de toute personne faisant l'objet de poursuites pénales.
6. En deuxième lieu, l'association France Galop soutient que les décisions des 31 janvier et 30 avril 2019 ne se fondent pas sur l'existence de poursuites pénales mais sur la menace potentielle sur la sécurité des personnels mineurs des établissements d'entraînement que constituerait la restitution des agréments. Toutefois, alors même que l'association France Galop est investie, en sa qualité de société-mère des courses au galop, d'une large mission de service public, et que les plaintes dont M. A... B... a fait l'objet ont été déposées par deux personnes qui étaient à l'époque des faits jeune jockey et fils de jockey, compte tenu de la nature de ces faits, de leur ancienneté et des conditions dans lesquelles ils ont été commis, au domicile des parents des deux plaignants, les faits en cause ne peuvent être regardés comme justifiant les mesures de prolongation du 31 janvier 2019 et du 30 avril 2019 au motif que le maintien de l'agrément de l'intéressé ne permettrait pas d'assurer la sécurité des courses. Il s'ensuit que le second cas de suspension à titre conservatoire prévu par l'article 216 du code des courses au galop ne peut constituer la base légale de ces décisions.
7. En dernier lieu, aux termes de l'article 213 du code des courses au galop : " (...) IV. Les Commissaire de France Galop peuvent enquêter directement sur tout cas qui semble nécessiter leur intervention et prendre une décision appropriée en application du présent Code. (...) ".
8. L'association requérante soutient que les décisions contestées seraient également fondées sur les dispositions du IV de l'article 213 du code des courses au galop qui autorisent les commissaires de France Galop à prendre toute mesure appropriée en application de ce code. Toutefois, ces dispositions ne sauraient conférer aux commissaires de France Galop un pouvoir général de suspension des agréments, hors des cas prévus par ce code. Il s'ensuit que les décisions de suspension d'agrément dont M. A... B... a fait l'objet ne peuvent être légalement fondées sur ces seules dispositions.
9. Il résulte de tout ce qui précède que l'association France Galop n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé pour erreur de droit les décisions des 1er août 2018, 31 janvier 2019 et 30 avril 2019 par lesquelles les commissaires de France Galop ont décidé de suspendre, à titre conservatoire, les agréments de bailleur, de propriétaire et d'associé, de M. A... B....
Sur les frais de l'instance :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. A... B..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que l'association France Galop demande au titre des frais exposés dans la présente instance. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'association France Galop une somme de 1 500 euros en application de ces dispositions.
DECIDE :
Article 1er : La requête de l'association France Galop est rejetée.
Article 2 : L'association France Galop versera la somme de 1 500 euros à M. A... B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'association France Galop et à M. C... B....
Délibéré après l'audience du 12 mars 2024, à laquelle siégeaient :
Mme Versol, présidente de chambre,
Mme Dorion, présidente-assesseure,
Mme Troalen, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 26 mars 2024.
La rapporteure,
O. DORION La présidente,
F. VERSOL La greffière,
S. LOUISERE
La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
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N° 22VE00144