Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société par actions simplifiée (SAS) Moua a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2014 et 2015, des prélèvements sociaux mis à sa charge au titre de l'exercice clos en 2015, des rappels de taxe sur les véhicules de société qui lui ont été réclamés pour la période du 1er octobre 2014 au 30 septembre 2016 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2015 au 31 janvier 2017, ainsi que des pénalités correspondantes.
Par un jugement n° 1903849 du 10 mai 2022, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 8 juillet 2022 et 12 janvier 2023, la SAS Moua, représentée par Me Tourrou, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement attaqué ;
2°) de prononcer la décharge des impositions en litige ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- en renouvelant la vérification de comptabilité sur la période du 1er janvier au 31 décembre 2014 en matière de taxe sur la valeur ajoutée, l'administration a méconnu la prohibition des doubles vérifications prévue par l'article L. 51 du Livre des procédures fiscales ;
- il n'a pas été donné suite à sa demande d'interlocution.
Par un mémoire en défense enregistré le 8 décembre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Le ministre fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 18 mars 2024, la clôture de l'instruction a été fixée, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative au 8 avril 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Dorion,
- les conclusions de M. Lerooy, rapporteur public,
- et les observations de Me Nkot Mapouna, substituant Me Tourrou, pour la SAS Moua.
Une note en délibéré a été présentée le 8 mai 2024 pour la SAS Moua.
Considérant ce qui suit :
1. La SAS Moua, qui exerce une activité de négociation, acquisition, location, prise en location-gérance de tous fonds de commerce, installation et exploitation de tous établissements et fonds de commerce, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité sur la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2015, étendue au 31 janvier 2017 en matière de taxe sur la valeur ajoutée, à l'issue de laquelle lui ont été notifiés des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et de taxe sur les véhicules des sociétés, et des rehaussements en matière d'impôt sur les sociétés et des cotisations supplémentaires de prélèvements sociaux, selon la procédure de rectification contradictoire. Elle relève appel du jugement du 10 mai 2022 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande de décharge de ces impositions.
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 51 du livre des procédures fiscales : " Lorsque la vérification de la comptabilité, pour une période déterminée, au regard d'un impôt ou taxe ou d'un groupe d'impôts ou de taxes est achevée, l'administration ne peut procéder à une nouvelle vérification de ces écritures au regard des mêmes impôts ou taxes et pour la même période. / Toutefois, il est fait exception à cette règle : (...) 2° Dans les cas prévus à l'article L. 176 en matière de taxes sur le chiffre d'affaires (...) ". Aux termes de l'article L. 176 du même code : " Pour les taxes sur le chiffre d'affaires, le droit de reprise de l'administration s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année suivant celle au cours de laquelle la taxe est devenue exigible conformément aux dispositions du 2 de l'article 269 du code général des impôts. (...) ".
3. Il résulte de ces dispositions, ainsi que l'a jugé à bon droit le tribunal, que par dérogation aux prescriptions de l'article L. 51 du livre des procédures fiscales, l'administration peut comprendre dans une nouvelle vérification une fraction de période d'imposition ayant déjà fait l'objet d'une vérification, dès lors que cette fraction se trouve incluse dans un exercice qui se situe à l'intérieur du délai de reprise prévu à l'article L. 176 du même livre. Il s'ensuit que le service vérificateur a pu, sans entacher d'irrégularité la procédure de contrôle, dès lors que le délai de reprise n'était pas expiré, inclure dans le contrôle la période du 1er janvier au 31 décembre 2014 bien qu'elle ait fait l'objet d'un précédent contrôle en matière de taxe sur la valeur ajoutée.
4. En second lieu, aux termes de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction alors en vigueur : " Avant l'engagement d'une des vérifications prévues aux articles L. 12 et L. 13, l'administration des impôts remet au contribuable la charte des droits et obligations du contribuable vérifié ; les dispositions contenues dans la charte sont opposables à l'administration. ". Dans sa partie relative à la conclusion du contrôle, la charte des droits et obligations du contribuable vérifié prévoit, dans son texte applicable à la procédure en litige, que : " Si le vérificateur a maintenu totalement ou partiellement les rectifications envisagées, des éclaircissements supplémentaires peuvent vous être fournis si nécessaire par l'inspecteur divisionnaire ou principal. Si, après ces contacts, des divergences importantes subsistent, vous pouvez faire appel à l'interlocuteur spécialement désigné par le directeur dont dépend le vérificateur. "
5. La SAS Moua soutient qu'elle avait demandé, à l'issue de l'entretien avec le supérieur hiérarchique, à rencontrer l'interlocuteur départemental, et que le service n'a pas donné suite à sa demande. Il résulte de l'instruction que, dans le compte rendu de l'entretien qui s'est tenu le 25 octobre 2017 avec le supérieur hiérarchique, il est mentionné qu'à l'issue de cet entretien, le représentant de la société a été informé de ce que le service n'entendait pas revoir sa position concernant l'application des majorations et que ce représentant avait alors " précisé qu'il souhaitait rencontrer l'interlocuteur départemental ". Si ce compte-rendu précise que cette demande devra être matérialisée par écrit par retour de courrier, aucune disposition du livre des procédures fiscales ne prévoit que la demande de faire appel à l'interlocuteur départemental doit être présentée par écrit. Dans ces conditions, en soumettant à une confirmation écrite la demande de la SAS Moua de porter devant l'interlocuteur départemental le différend subsistant à l'issue de l'entretien avec le supérieur hiérarchique, qui portait sur les pénalités pour manquement délibéré appliquées à la taxe sur la valeur ajoutée collectée, l'administration fiscale a entaché d'irrégularité la procédure d'imposition de ces pénalités.
6. Il résulte de ce qui précède que la SAS Moua est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande de décharge des pénalités appliquées aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée collectée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2015 au 31 janvier 2017.
7. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions tendant à application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La SAS Moua est déchargée des pénalités appliquées aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée collectée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2015 au 31 janvier 2017.
Article 2 : Le jugement n° 1903849 du 10 mai 2022 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la SAS Moua est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Moua et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré après l'audience du 7 mai 2024, à laquelle siégeaient :
Mme Versol, présidente de chambre,
Mme Dorion, présidente-assesseure,
M. Tar, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 28 mai 2024.
La rapporteure,
O. DORION La présidente,
F. VERSOLLa greffière,
A. GAUTHIER
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
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N° 22VE01663