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25/06/2024 | FRANCE | N°23VE02018

France | France, Cour administrative d'appel de VERSAILLES, 6ème chambre, 25 juin 2024, 23VE02018


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 30 janvier 2023 par lequel le préfet des Yvelines a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il sera renvoyé en cas d'exécution d'office.



Par un jugement n° 2302365 du 27 juillet 2023, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa dem

ande.



Procédure devant la cour :



Par une requête, enregistrée le 14 août 2023, M...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 30 janvier 2023 par lequel le préfet des Yvelines a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il sera renvoyé en cas d'exécution d'office.

Par un jugement n° 2302365 du 27 juillet 2023, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 14 août 2023, M. D..., représenté par Me Walkadi, avocate, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet des Yvelines de réexaminer sa situation et de prendre une nouvelle décision dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle ou de lui accorder le bénéfice provisoire de l'aide juridictionnelle.

Il soutient que :

S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :

- son recours devant le tribunal administratif de Versailles n'était pas tardif de sorte que le tribunal a retenu à tort une irrecevabilité pour rejeter sa demande ;

- l'auteur de la décision attaquée ne bénéficiait pas d'une délégation de signature ;

- sa situation n'a pas fait l'objet d'un examen particulier ;

- cette décision méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; il réside chez son frère depuis son arrivée sur le territoire français en 2015, il parle couramment le français ;

S'agissant de la décision fixant un délai de départ volontaire :

- cette décision est illégale par voie d'exception ;

- elle n'est pas suffisamment motivée ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

S'agissant de la décision fixant le pays de destination :

- cette décision est illégale par voie d'exception.

La requête a été communiquée au préfet des Yvelines qui n'a pas produit d'observations.

Par une décision du 9 janvier 2024 du bureau d'aide juridictionnelle, M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience dans la présente instance.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Pilven a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... D..., ressortissant marocain né le 23 octobre 1995, est entré sur le territoire français le 28 décembre 2015 selon ses déclarations et a sollicité le 9 décembre 2021 son admission au séjour sur le fondement des stipulations de l'article 3 de l'accord franco-marocain. Par un arrêté du 30 janvier 2023, le préfet des Yvelines a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il sera renvoyé en cas d'exécution d'office. M. D... fait appel du jugement du 27 juillet 2023 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement :

2. En vertu de l'article L. 614-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lorsque la décision portant obligation de quitter le territoire français, assortie d'un délai de départ volontaire, résulte d'un refus de délivrance d'un titre de séjour, en application du 3° de L. 611-1 du même code, " (...) le tribunal administratif est saisi dans le délai de trente jours suivant la notification de la décision. / L'étranger peut demander le bénéfice de l'aide juridictionnelle au plus tard lors de l'introduction de sa requête en annulation (...) ". Par ailleurs, aux termes du I de l'article R. 776-2 du code de justice administrative : " Conformément aux dispositions de l'article L. 614-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la notification d'une obligation de quitter le territoire français avec délai de départ volontaire (...) fait courir un délai de trente jours pour contester cette obligation ainsi que les décisions relatives au séjour, au délai de départ volontaire, au pays de renvoi et à l'interdiction de retour ou à l'interdiction de circulation notifiées simultanément ".

3. Il incombe à l'administration, lorsqu'elle oppose une fin de non-recevoir tirée de la tardiveté d'une action introduite devant une juridiction administrative, d'établir la date à laquelle la décision attaquée a été régulièrement notifiée à l'intéressé. Dans le cas où le pli contenant la décision attaquée, envoyé en recommandé à l'adresse de l'administré, a été retourné à l'administration avec la mention " Pli avisé et non réclamé ", le délai mentionné ci-dessus court à compter de la date à laquelle l'administré doit être regardé comme ayant été régulièrement avisé que ce pli était à sa disposition au bureau de poste dont il relève. Cette date résulte des mentions précises, claires et concordantes portées sur l'enveloppe et de l'avis de réception retournés à l'expéditeur ou, à défaut, des attestations de l'administration postale ou de tout autre élément de preuve.

4. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté préfectoral du 30 janvier 2023, comportant la mention des voies et délais de recours, a été adressé par lettre recommandée avec avis de réception, chez le frère du requérant, avenue de Poissy à Achères, adresse déclarée par l'intéressé lors de sa demande de titre de séjour. Il ressort du suivi informatique du pli par l'administration postale, produit par le requérant, que ce courrier a été réexpédié le 1er février 2023 à l'adresse située au 75 rue Marius Sidobre à Arcueil. S'il ressort du suivi informatique du pli par l'administration postale que, le 20 février 2023, le pli n'a pas été retiré par son destinataire dans les délais impartis et a été retourné à son expéditeur et des mentions figurant sur le pli postal que le " pli a été avisé et non réclamé ", aucune date de présentation ou de mise en instance ne figure sur l'avis de passage ou sur le suivi informatique du pli, permettant d'établir que la lettre a été présentée à cette dernière adresse et que l'intéressé a été informé de sa mise à disposition au bureau de poste où il était invité à venir le retirer dans un délai de quinze jours. Dès lors, la simple mention " Pli avisé et non réclamé " figurant sur le pli retourné à l'expéditeur le 20 février 2023 ne permet pas, à elle-seule, de retenir, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif, qu'il ressort des mentions précises, claires et concordantes figurant sur l'enveloppe retournée aux services de la préfecture des Yvelines que l'intéressé doit être regardé comme ayant eu notification régulière le 6 février 2023 de l'arrêté en cause et que M. D... disposait ainsi d'un délai de 30 jours expirant le 7 mars 2023 pour saisir le tribunal administratif d'un recours contentieux. M. D... est ainsi fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Versailles a jugé qu'à la date du 23 mars 2023, date à laquelle la requête a été enregistrée au greffe du tribunal, le délai de recours contentieux imparti par l'article L. 614-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile était expiré.

5. Il y a lieu, par suite, d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. D... devant le tribunal administratif de Versailles.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

6. En premier lieu, M. D... soutient que la décision litigieuse aurait été prise par une autorité ne bénéficiant pas d'une délégation de signature. Toutefois, l'arrêté contesté a été pris par M. B... C..., directeur des migrations, qui bénéficiait d'une délégation de signature du préfet des Yvelines en vertu d'un arrêté du 23 septembre 2022, publié au recueil des actes administratifs de l'Etat dans le département des Yvelines le 23 septembre 2022, aux fins de signer tous arrêtés, décisions, documents et correspondances relevant de ses attributions. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté contesté aurait été pris par une autorité incompétente doit être écarté.

7. En deuxième lieu, le préfet des Yvelines a pris en compte dans son arrêté, que si l'employeur de M. D... a formé une demande d'autorisation de travail pour un poste d'employé polyvalent, M. D... n'établit toutefois pas être en possession d'un visa de long séjour ni d'un contrat de travail visé par les services en charge de l'emploi, qu'il a bénéficié d'un contrat de travail signé le 2 janvier 2019 obtenu par fraude, qu'il ne justifie d'aucune considération humanitaire ou motif exceptionnel de nature à permettre sa régularisation en qualité de salarié, qu'en raison de sa situation personnelle, de célibataire sans charge de famille et de la présence d'attaches familiales à l'étranger, il n'est pas porté d'atteinte disproportionnée à sa situation personnelle. Dès lors, le moyen tiré de ce que le préfet des Yvelines n'aurait pas procédé à un examen sérieux de sa demande, au titre de son activité professionnelle ou de sa vie privée, doit être écarté.

8. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

9. M. D... soutient que ses attaches privées et familiales se situent en France dès lors qu'il réside chez son frère, avec lequel il est très proche, depuis son arrivée sur le territoire français et qu'il parle couramment français. Toutefois, il n'est pas contesté qu'il est célibataire, sans charge de famille, qu'il a obtenu une activité salariée par fraude, en utilisant une fausse carte d'identité française, et que ses parents et six frères et sœurs résident encore au Maroc. Dans ces conditions, le préfet des Yvelines, en prenant la décision d'obligation de quitter le territoire français n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

10. Dès lors que la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas entachée d'illégalité, le moyen soulevé de l'illégalité de la décision fixant le pays de destination par voie d'exception d'illégalité doit être écarté.

En ce qui concerne fixant un délai de départ volontaire :

11. En premier lieu, dès lors que la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas entachée d'illégalité, le moyen soulevé de l'illégalité de la décision fixant un délai de départ volontaire de trente jours par voie d'exception d'illégalité doit être écarté.

12. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger faisant l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de cette décision. / 1. L'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. / Elle peut prolonger le délai accordé pour une durée appropriée s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. L'étranger est informé par écrit de cette prolongation. ".

13. Le préfet des Yvelines a retenu que M. D... ne faisait état d'aucune circonstance justifiant qu'un délai de départ supérieur à trente jours lui soit accordé. Dès lors, le moyen tiré d'une absence de motivation de cette décision doit être rejeté.

14. Enfin, le requérant soutient que le préfet n'a pas pris en compte les circonstances tenant à la durée de sa présence en France, à son excellente insertion et à la présence de son frère sur le territoire français. Toutefois, aucune de ces circonstances n'est de nature à justifier que le préfet des Yvelines aurait dû à titre exceptionnel accorder un délai de départ volontaire supérieur à trente jours de sorte que le préfet des Yvelines ne peut être regardé comme ayant commis une erreur manifeste d'appréciation.

15. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du préfet des Yvelines du 30 janvier 2023. Par voie de conséquence, les conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées. Enfin, s'il demande son admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle, il ressort des pièces du dossier que le bureau d'aide juridictionnelle de Versailles lui a accordé le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 9 janvier 2024, sa demande est donc devenue sans objet.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Versailles du 27 juillet 2023 est annulé.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. D... tendant à son admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Article 3 : La demande de première instance de M. D... et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet des Yvelines.

Délibéré après l'audience du 30 mai 2024, à laquelle siégeaient :

M. Albertini, président de chambre,

M. Pilven, président assesseur,

Mme Florent, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 juin 2024.

Le rapporteur,

J-E. PILVENLe président,

P.-L. ALBERTINILa greffière,

S. DIABOUGA

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

N° 23VE02018 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 23VE02018
Date de la décision : 25/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. ALBERTINI
Rapporteur ?: M. Jean-Edmond PILVEN
Rapporteur public ?: Mme VILLETTE
Avocat(s) : WALKADI

Origine de la décision
Date de l'import : 07/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-25;23ve02018 ?
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