Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 6 janvier 2023 par lequel le préfet des Yvelines a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit.
Par une ordonnance n° 2305207 du 28 septembre 2023, la présidente de la 6ème chambre du tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des pièces enregistrées les 29 octobre 2023 et 27 juin 2024, M. C..., représenté par Me Liger, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler l'ordonnance attaquée et l'arrêté contesté ;
2°) d'enjoindre au préfet des Yvelines de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " vie privée et familiale " ou, à défaut, une autorisation provisoire de séjour, dans le délai de trente jours, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des article L. 761-1 du code de la justice.
Il soutient que :
- c'est à tort que le tribunal a rejeté sa requête pour tardiveté ;
- l'arrêté contesté est insuffisamment motivé ; le préfet ne s'est pas prononcé sur l'absence de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels d'admission au séjour en qualité de salarié ;
- l'arrêté contesté est entaché d'un défaut d'examen de sa situation personnelle, alors qu'il travaille à temps plein en qualité de chauffagiste depuis octobre 2019, soit depuis plus de trois années ;
- le préfet a méconnu l'étendue de sa compétence en ne faisant pas usage de son pouvoir discrétionnaire ;
- le refus de délivrance d'un titre de séjour est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation et porte une atteinte excessive à sa vie privée et familiale, en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'illégalité par exception d'illégalité de la décision portant refus d'admission au séjour ;
- les décisions l'obligeant à quitter le territoire et fixant le pays de renvoi sont entachées des mêmes illégalités que la décision portant refus de séjour.
Par un mémoire en défense enregistré le 11 juin 2024, le préfet des Yvelines conclut au rejet de la requête.
Le préfet fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Dorion ;
- et les observations de Me Liger pour M. C....
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant tunisien né le 23 juin 1978, entré en France en dernier lieu le 2 octobre 2018 avec un visa de court séjour, a demandé, le 17 août 2022, son admission exceptionnelle au séjour en qualité de salarié. Par l'arrêté contesté du 6 janvier 2023, le préfet des Yvelines a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit. M. C... relève appel de l'ordonnance du 28 septembre 2023 par laquelle la présidente de la 6ème chambre du tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande, au motif qu'elle était tardive et par suite irrecevable.
Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :
2. Aux termes de l'article L. 614-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque la décision portant obligation de quitter le territoire français prise en application des 3°, 5° ou 6° de l'article L. 611-1 est assortie d'un délai de départ volontaire, le tribunal administratif est saisi dans le délai de trente jours suivant la notification de la décision (...) ".
3. L'administré comme le justiciable, à qui il appartient en principe, en cas de déménagement, de faire connaître à l'administration ou au greffe de la juridiction son changement d'adresse, prend néanmoins les précautions nécessaires pour que le courrier lui soit adressé à sa nouvelle adresse, et ne puisse donc lui être régulièrement notifié qu'à celle-ci, lorsqu'il informe les services postaux de sa nouvelle adresse en demandant que son courrier y soit réexpédié.
4. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté contesté a été notifié à M. C... le 7 janvier 2023, date de présentation du pli recommandé à l'adresse connue de l'administration, et que la requête par laquelle il a saisi le tribunal, enregistrée le 28 juin 2023, a été présentée après l'expiration du délai de recours de trente jours, prévu à l'article L. 614-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Cependant, M. C... justifie que son frère, M. B... C..., qui l'héberge depuis son entrée en France en 2018, a déménagé de l'appartement situé rue Aristide Briand aux Mureaux (78130), où l'arrêté contesté a été notifié, vers un appartement situé dans la même commune, rue Paul Curien, et a fait suivre le courrier des membres de la famille, au nombre desquels figure le requérant, à cette nouvelle adresse, à compter du 30 décembre 2022. Il ne ressort pas du pli que celui-ci a été présenté au requérant à sa nouvelle adresse où son courrier devait être réexpédié. Dans ces conditions, en dépit du défaut d'information de l'administration par le demandeur sur son changement de situation, le délai de recours ne lui étant pas opposable, sa demande n'était pas tardive.
5. Il y a lieu pour la cour de statuer immédiatement, par la voie de l'évocation, sur la demande présentée par M. C....
6. Aux termes de l'article L. 211-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui (...) constituent une mesure de police (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".
7. L'arrêté contesté mentionne que M. C... est entré en France le 2 octobre 2018 et s'y est maintenu sans être en possession d'un visa de long séjour et qu'il a produit à l'appui de sa demande une demande d'autorisation de travail présentée en sa faveur le 14 août 2022 par la société PCA BAT et des bulletins de paie d'octobre 2019 à juillet 2022, sans toutefois avoir été muni d'une autorisation de travail pour exercer cette activité salariée. Le préfet a, ainsi, suffisamment indiqué les motifs pour lesquels il a estimé que M. C... ne justifiait pas de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels justifiant son admission exceptionnelle au séjour en qualité de salarié.
8. Dès lors que l'article 3 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, un ressortissant tunisien souhaitant obtenir un titre de séjour au titre d'une telle activité ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 435-1 à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national. Il appartient au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation de la situation d'un ressortissant tunisien qui ne remplirait pas les conditions auxquelles est subordonnée la délivrance de plein droit d'un titre de séjour en qualité de salarié, et au juge de l'excès de pouvoir, saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation portée sur la situation personnelle de l'intéressé.
9. Il ressort des pièces du dossier que M. C..., ressortissant tunisien né le 23 juin 1978, scolarisé en France de 1983 à 1987, entré en France en dernier lieu en octobre 2018 avec un visa C de court séjour, travaille à temps plein en qualité de chauffagiste depuis octobre 2019. Si son père et trois des quatre membres de sa fratrie, dont deux de nationalité française, résident régulièrement en France, l'épouse et les deux enfants mineurs du requérant résident hors de France. Dans ces conditions, en dépit de l'emploi de chauffagiste occupé par M. C... depuis trois ans et deux mois à la date de l'arrêté contesté et de la présence en France de ses proches parents, en estimant que celui-ci ne justifiait pas de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels d'admission exceptionnelle au séjour, le préfet des Yvelines n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.
10. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
11. Dans les conditions énoncées au point 9, alors notamment que l'épouse et les deux enfants mineurs de M. C... résident hors de France, le refus de séjour qui lui a été opposé n'a pas porté une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale.
12. Aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / (...) 3° L'étranger s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour (...) ".
13. Pour les motifs exposés aux points 9 et 11 du présent arrêt, en faisant obligation à M. C... de quitter le territoire français, le préfet des Yvelines n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation, ni méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
14. Il résulte de ce qui précède que la demande de M. C... doit être rejetée, ainsi que ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La demande de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet des Yvelines.
Délibéré après l'audience du 2 juillet 2024, à laquelle siégeaient :
Mme Versol, présidente de chambre,
Mme Dorion, présidente-assesseure,
M. Tar, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 juillet 2024.
La rapporteure,
O. DORION La présidente,
F. VERSOLLa greffière,
A. GAUTHIER
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
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N° 23VE0239500