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18/07/2024 | FRANCE | N°23VE02459

France | France, Cour administrative d'appel de VERSAILLES, 6ème chambre, 18 juillet 2024, 23VE02459


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 6 septembre 2023 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.



Par un jugement n° 2311781 du 10 octobre 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif d

e Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête e...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 6 septembre 2023 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.

Par un jugement n° 2311781 du 10 octobre 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 9 novembre 2023, M. A..., représenté par Me Calvo-Pardo, avocate, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet compétent de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :

- la décision méconnaît les dispositions de l'article L. 611-1 code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il remplit les conditions pour obtenir un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 435-1 du même code ;

- elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

S'agissant de la décision de refus de délai de départ volontaire :

- le préfet a entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation en refusant de lui accorder un délai de départ volontaire ;

S'agissant de la décision portant interdiction de retour :

- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est insuffisamment motivée ;

- elle est disproportionnée par rapport au but poursuivi et par suite entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 janvier 2024, le préfet des Hauts-de-Seine conclut au rejet de la requête en s'en remettant à ses écritures et au jugement de première instance.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience dans la présente instance.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Pilven a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant tunisien né le 7 février 1993, est entré en France le 14 octobre 2012, selon ses déclarations. Il a fait l'objet d'un contrôle d'identité le 6 septembre 2023. Par un arrêté, pris le même jour, le préfet des Hauts-de-Seine lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il sera renvoyé en cas d'exécution d'office et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an. M. A... fait appel du jugement du 10 octobre 2023 par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droits d'asile " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : (...) 2° L'étranger, entré sur le territoire français sous couvert d'un visa désormais expiré ou, n'étant pas soumis à l'obligation du visa, entré en France plus de trois mois auparavant, s'est maintenu sur le territoire français sans être titulaire d'un titre de séjour ou, le cas échéant, sans demander le renouvellement du titre de séjour temporaire ou pluriannuel qui lui a été délivré ; ".

3. M. A... soutient que le préfet des Hauts-de-Seine ne pouvait pas prendre la décision attaquée à son encontre dès lors qu'il remplit, eu égard à son activité professionnelle stable et pérenne et à la durée de son séjour sur le territoire de plus de dix ans, les conditions pour se voir délivrer un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, pour lequel il tente en vain de déposer une demande en préfecture. Toutefois, l'admission exceptionnelle au séjour dont se prévaut M. A..., prévue par les dispositions de l'article L. 435-1 précité, ne constitue pas un cas d'attribution de plein droit d'un titre de séjour. Par ailleurs, à la date de la décision contestée, M. A..., qui ne fait état de difficultés rencontrées que ces quatre derniers mois pour obtenir un rendez-vous auprès des services de la préfecture, sans aucune pièce au soutien de ces affirmations, n'avait pas sollicité son admission exceptionnelle au séjour sur le fondement de ces dispositions et le préfet n'avait pas examiné d'office la possibilité de prononcer une telle admission exceptionnelle. Dès lors, M. A..., qui ne conteste pas être entré en France sous couvert d'un visa désormais expiré et s'est maintenu sur le territoire français sans être titulaire d'un titre de séjour, n'est pas fondé à soutenir que le préfet ne pouvait l'obliger à quitter le territoire français sur le fondement des dispositions du 2° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile du fait qu'il pouvait bénéficier de plein droit d'un titre de séjour.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale. / 2. Il ne peut y avoir d'ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

5. M. A... soutient résider en France de manière continue depuis plus de dix ans de sorte qu'il a nécessairement reconstruit sa vie personnelle, professionnelle, familiale et sociale sur le territoire et se prévaut de son activité professionnelle en qualité de cuisinier dans le cadre de contrat à durée indéterminée depuis cinq ans. Toutefois, par les pièces apportées au débat, l'intéressé n'établit sa présence sur le territoire de manière continue qu'à compter de 2018. Par ailleurs, si l'intéressé justifie travailler en qualité de cuisiner depuis le 20 novembre 2018 pour la société 4YOU, il ressort des pièces du dossier qu'il est célibataire et sans enfant à charge, qu'il est hébergé par son cousin et ne justifie pas des liens sociaux dont il se prévaut. Enfin, le requérant n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où il n'est pas contesté qu'y résident ses parents et où il a vécu au moins jusqu'à l'âge de 20 ans. Dans ces conditions, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au but en vue duquel elle a été prise. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

Sur la décision lui refusant un délai de départ volontaire :

6. Aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : (...) / 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet. ". Et aux termes de l'article L. 612-3 du même code " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) / 3° L'étranger s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après l'expiration de son titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour, sans en avoir demandé le renouvellement ; ".

7. Pour contester le risque de soustraction à la mesure d'obligation de quitter le territoire français sur lequel le préfet s'est fondé pour lui refuser un délai de départ volontaire, le requérant se prévaut de la durée de son séjour et de son activité professionnelle. Toutefois, le requérant ne conteste pas que, comme l'a relevé le préfet dans la décision litigieuse, il s'est maintenu sur le territoire français à l'expiration de la validité de son visa sans solliciter la délivrance d'un titre de séjour et qu'en tout état de cause, il a explicitement déclaré, lors de son audition, son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français. Enfin, la circonstance qu'il ne soit pas une menace à l'ordre public et qu'il ne se soit jamais soustrait à une mesure d'éloignement ne constitue pas une circonstance exceptionnelle de nature à faire obstacle au refus de délai de départ volontaire. Dans ces conditions, et à supposer même que M. A... présente des garanties de représentation suffisantes, le préfet des Hauts-de-Seine était fondé à lui refuser un délai de départ volontaire et cette décision ne peut être regardée comme entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Sur la décision portant interdiction de retour :

8. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". Aux termes de l'article L. 612-10 de ce code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 (...), l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français ". Aux termes de l'article L. 613-2 de ce code : " Les (...) décisions d'interdiction de retour (...) prévues aux articles L. 612-6 (...) sont distinctes de la décision portant obligation de quitter le territoire français. Elles sont motivées. "

9. En premier lieu, la décision en litige a été prise au visa notamment des articles L. 612-6 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En outre, elle comporte l'énoncé des considérations de fait qui en constituent le fondement, en mentionnant que M. A... ne justifie d'aucune circonstance humanitaire particulière et qu'il ne fait pas état de fortes attaches sur le territoire. Cette motivation atteste de la prise en compte par l'autorité préfectorale, de l'ensemble des critères prévus par les dispositions de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an doit être écarté.

10. En second lieu, d'une part, si le requérant se prévaut d'une présence en France depuis plus de dix ans et de son activité professionnelle, il ne justifie d'aucune circonstance humanitaire de nature à s'opposer à une mesure d'interdiction de retour sur le territoire français. Dans ses conditions, et dès lors que l'obligation faite à M. A... de quitter le territoire n'est assortie d'aucun délai de départ volontaire, le préfet des Hauts-de-Seine était légalement fondé à assortir cette décision d'une interdiction de retour. D'autre part, eu égard à sa situation personnelle et familiale rappelée au point 5 du présent arrêt, en dépit de l'absence de menace à l'ordre public, le requérant n'est pas fondé à soutenir que l'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an est disproportionnée par rapport au but poursuivi. Pour les mêmes motifs, elle n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 6 septembre 2023 du préfet des Hauts-de-Seine. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet des Hauts-de-Seine.

Délibéré après l'audience du 4 juillet 2024, à laquelle siégeaient :

M.Albertini, président,

M. Pilven, président assesseur,

Mme Florent, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 juillet 2024.

Le rapporteur,

J.-E. PILVENLe président,

P.-L. ALBERTINI

La greffière,

F. PETIT-GALLAND

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

N° 23VE02459002


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 23VE02459
Date de la décision : 18/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. ALBERTINI
Rapporteur ?: M. Jean-Edmond PILVEN
Rapporteur public ?: Mme VILLETTE
Avocat(s) : CALVO PARDO

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-18;23ve02459 ?
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