La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/09/2024 | FRANCE | N°22VE02900

France | France, Cour administrative d'appel de VERSAILLES, 4ème chambre, 17 septembre 2024, 22VE02900


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Par deux requêtes séparées, Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler, d'une part, l'arrêté du 24 novembre 2020 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine a prononcé son expulsion du territoire français et, d'autre part, la décision du 17 décembre 2020 par laquelle ce même préfet a procédé à la rétention de ses documents d'identité.



Par un jugement nos 2100463 et 2115851 du 7 novembre 2022, le tribunal administrat

if de Cergy-Pontoise a joint ces deux demandes et les a rejetées.



Procédure devant la cour :

...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par deux requêtes séparées, Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler, d'une part, l'arrêté du 24 novembre 2020 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine a prononcé son expulsion du territoire français et, d'autre part, la décision du 17 décembre 2020 par laquelle ce même préfet a procédé à la rétention de ses documents d'identité.

Par un jugement nos 2100463 et 2115851 du 7 novembre 2022, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a joint ces deux demandes et les a rejetées.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 29 décembre 2022, Mme A..., représentée par Me Nunes, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 24 novembre 2020 et la décision du 17 décembre 2020 ;

3°) d'enjoindre au préfet des Hauts-de-Seine de lui restituer son passeport, son dernier titre de séjour et son ultime récépissé de demande de renouvellement de son titre de séjour dans le délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 500 euros à verser à son avocat, Me Nunes, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé en ce qui concerne la motivation des décisions attaquées ; les premiers juges n'ont répondu ni au moyen tiré de ce qu'elle ne constituerait pas une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société française ni au moyen tiré de la voie de fait que constitue la rétention d'office par l'administration d'un document qui n'est ni un passeport, ni un document de voyage ;

- le jugement attaqué est entaché d'erreur de droit ;

- l'arrêté du 24 novembre 2020 est insuffisamment motivé au regard de l'absence ou de l'existence d'une menace pour l'ordre public ;

- cet arrêté est entaché d'un vice de procédure dès lors, d'une part, qu'elle a été convoquée à la commission d'expulsion alors qu'elle n'avait pas encore reçu de réponse à sa demande d'aide juridictionnelle et n'a donc pu être assistée par un avocat de son choix et que, d'autre part, elle n'a pas été destinataire d'un bulletin énonçant les faits motivant la procédure d'expulsion, en méconnaissance de l'article R. 522-5 2° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- cet arrêté est entaché d'erreur manifeste d'appréciation, d'erreur de droit et viole les articles L. 521-1 et L. 521-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision du 17 décembre 2020 de rétention de ses documents d'identité est entachée d'incompétence ;

- cette décision est insuffisamment motivée dès lors qu'elle n'indique pas les modalités de restitution des documents retenus, d'une part, et qu'elle ne mentionne pas la durée limitée de cette rétention, d'autre part ;

- cette décision a été prise en méconnaissance du devoir de loyauté ;

- cette décision est inopposable dès lors qu'elle n'a pas été régulièrement notifiée ;

- cette décision viole l'article 2§1 du protocole additionnel n° 4 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 1er du protocole additionnel n° 4 de cette même convention ;

- cette décision viole l'article 5 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 4 du protocole additionnel n° 4 de cette même convention ;

- cette décision méconnaît l'article L. 814-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- cette décision constitue une voie de fait.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 janvier 2023, le préfet des Hauts-de-Seine conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 7 mars 2023 du bureau d'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire de Versailles.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Pham,

- et les conclusions de Mme Villette, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... A..., ressortissante du Guyana née le 2 février 1965, a été titulaire de plusieurs titres de séjour successifs mention " vie privée et familiale " depuis l'année 2010. Le 14 janvier 2020, elle a sollicité le renouvellement de son titre de séjour qui avait expiré le 15 novembre 2019. Par un arrêté du 24 novembre 2020, le préfet des Hauts-de-Seine a prononcé son expulsion du territoire français et, par une décision du 17 décembre 2020, il a procédé à la rétention de ses documents d'identité. Par deux demandes séparées, Mme A... a sollicité auprès du tribunal administratif de Cergy-Pontoise l'annulation de l'arrêté du 24 novembre 2020 et de la décision du 17 décembre 2020. Par un jugement nos 2100463 et 2115851 du 7 novembre 2022, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a joint ces deux demandes et les a rejetées. Mme A... relève appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, aux points 6 et 18 du jugement attaqué, les premiers juges ont énoncé les motifs de droit et de fait contenus dans les décisions attaquées et en ont conclu que celles-ci étaient suffisamment motivées. Le moyen tiré de ce que les premiers juges n'auraient pas suffisamment répondu aux moyens tirés du défaut de motivation des décisions attaquées doit en conséquence être écarté.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction en vigueur en novembre 2020 : " Sous réserve des dispositions des articles L. 521-2, L. 521-3 et L. 521-4, l'expulsion peut être prononcée si la présence en France d'un étranger constitue une menace grave pour l'ordre public. ". Aux termes de l'article L. 521-3 du même code : " Ne peuvent faire l'objet d'une mesure d'expulsion qu'en cas de comportements de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de l'Etat, ou liés à des activités à caractère terroriste, ou constituant des actes de provocation explicite et délibérée à la discrimination, à la haine ou à la violence contre une personne déterminée ou un groupe de personnes : 1° L'étranger qui justifie par tous moyens résider habituellement en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de treize ans ; 2° L'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de vingt ans ; 3° L'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de dix ans et qui, ne vivant pas en état de polygamie, est marié depuis au moins trois ans soit avec un ressortissant français ayant conservé la nationalité française, soit avec un ressortissant étranger relevant du 1°, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé ; 4° L'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de dix ans et qui, ne vivant pas en état de polygamie, est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins un an ; 5° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. Les dispositions du présent article ne sont toutefois pas applicables à l'étranger mentionné au 3° ou au 4° ci-dessus lorsque les faits à l'origine de la mesure d'expulsion ont été commis à l'encontre de son conjoint ou de ses enfants. Les étrangers mentionnés au présent article bénéficient de ses dispositions même s'ils se trouvent dans la situation prévue au dernier alinéa de l'article L. 521-2. ".

4. Il ressort des pièces du dossier que le préfet s'est fondé, pour expulser Mme A..., sur l'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et non l'article L. 521-3 de ce code. Par suite, Mme A... ne pouvait utilement soutenir que sa présence ne constituerait pas une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société française. Les premiers juges n'avaient donc pas à répondre à ce moyen inopérant.

5. En troisième lieu, Mme A... soutient que les premiers juges n'ont pas répondu au moyen tiré de la voie de fait que constituerait la rétention d'office par l'administration d'un document qui n'est ni un passeport, ni un document de voyage. Toutefois, au point 21 du jugement attaqué, les premiers juges ont répondu à ce moyen en indiquant que l'autorité administrative pouvait régulièrement procéder à la rétention du titre de séjour de l'intéressée ainsi que du dernier récépissé de sa demande de titre de séjour.

6. En quatrième et dernier lieu, si Mme A... soutient que le jugement attaqué est entaché de plusieurs erreurs de droit, de tels moyens relèvent du bien-fondé et non de la régularité de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne l'arrêté du 24 novembre 2020 prononçant l'expulsion de Mme A... :

S'agissant de la légalité externe :

7. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ; / (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ". En l'espèce, l'arrêté du 24 novembre 2020 vise les articles L. 521-1, L. 521-5, L. 522-1, L. 522-2, L. 523-1, R. 522-1 et R. 522-4 à R. 522-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, indique que Mme A... a été condamnée le 6 décembre 2018 par le tribunal correctionnel de Paris à trois ans d'emprisonnement et 5 000 euros d'amende pour des faits de transport non autorisé de stupéfiants, de détention de stupéfiants sans document justificatif, d'importation en contrebande et de participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un délit puni de dix ans d'emprisonnement et qu'elle était également connue des services de police pour des faits de recel et de revente de stupéfiants en 2000, infractions à la législation des stupéfiants en 2003 et entrée ou séjour irrégulier en France en 2004. Par suite, et quand bien même l'arrêté attaqué n'aurait pas mentionné les efforts de réinsertion dont elle se prévaut, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que cet arrêté serait insuffisamment motivé au regard de l'existence d'une menace grave pour l'ordre public.

8. En deuxième lieu, Mme A... soutient que l'arrêté contesté est entaché d'un vice de procédure dès lors qu'elle a été convoquée à la commission d'expulsion alors qu'elle n'avait pas encore reçu de réponse à sa demande d'aide juridictionnelle et n'a donc pu être assistée par un avocat de son choix. Il ressort toutefois des pièces du dossier que Mme A... était assistée d'un conseil lors de la séance de la commission d'expulsion du 9 octobre 2020 qui a examiné sa situation et que la commission d'expulsion a prononcé son admission provisoire à l'aide juridictionnelle. Si Mme A... soutient qu'il lui aurait été attribué d'office un avocat présent à la séance qui ne connaissait pas son dossier, elle n'établit pas la réalité de cette allégation, qui ne ressort pas non plus des termes de l'avis de la commission d'expulsion. Le moyen doit en conséquence être écarté.

9. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 522-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf en cas d'urgence absolue, l'étranger à l'encontre duquel une procédure d'expulsion est engagée doit en être avisé au moyen d'un bulletin spécial. (...) ". L'article R. 522-5 de ce même code dispose : " Le bulletin de notification doit : (...) 2° Enoncer les faits motivant cette procédure (...). ". Il ressort des pièces du dossier que Mme A... s'est vu notifier un bulletin en date du 12 octobre 2020 l'informant qu'une procédure d'expulsion était engagée à son encontre et précisant " cette procédure est motivée par le fait que votre présence en France représente une menace grave pour l'ordre public, telle que visée par l'article L. 521-1 précité ". S'il est vrai que ce bulletin ne précise pas les faits qui lui sont reprochés, cette omission n'a privé Mme A... d'aucune garantie dès lors qu'elle a pu discuter utilement des faits qui lui étaient reprochés devant la commission d'expulsion, laquelle a émis un avis favorable à son égard. Le moyen doit en conséquence être écarté.

S'agissant de la légalité interne :

10. En premier lieu, aux termes de l'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction en vigueur en novembre 2020 : " Sous réserve des dispositions des articles L. 521-2, L. 521-3 et L. 521-4, l'expulsion peut être prononcée si la présence en France d'un étranger constitue une menace grave pour l'ordre public. ". Il ressort des pièces du dossier que Mme A... a été condamnée le 6 décembre 2018 par le tribunal correctionnel de Paris à trois ans d'emprisonnement et 5 000 euros d'amende pour des faits commis en 2016 de transport non autorisé de stupéfiants, de détention de stupéfiants sans document justificatif, d'importation en contrebande et de participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un délit puni de dix ans d'emprisonnement. En outre, il ressort des termes de l'arrêté attaqué, qui n'est pas contesté sur ce point par la requérante, qu'elle est défavorablement connue des services de police pour des faits de recel et de revente de stupéfiants en 2000, des infractions à la législation des stupéfiants en 2003 et d'entrée ou séjour irrégulier en France en 2004. Mme A... se prévaut néanmoins d'une parfaite réinsertion sociale et produit un rapport social indiquant qu'elle a intégré un dispositif d'hébergement d'urgence en novembre 2018, qu'elle honore ses rendez-vous de suivi social, qu'elle a obtenu un diplôme " assistante de vie aux familles " dont la formation s'est déroulée de juin à décembre 2020 et qu'elle a effectué son dernier emploi avec la société Domidom jusqu'en avril 2021, étant alors employée en contrat à durée indéterminée. Toutefois, elle n'établit pas être employée depuis avril 2021 et se contente d'affirmer qu'elle a changé de vie sans produire aucun élément en ce sens. Par suite, au vu de la gravité des faits à l'origine de la condamnation prononcée à son encontre en 2018 et de ses antécédents judiciaires, le préfet des Hauts-de-Seine n'a pas méconnu l'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en estimant que Mme A... constituait une menace grave pour l'ordre public au sens de l'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

11. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Il ressort des termes de l'arrêté attaqué, que Mme A... ne conteste pas utilement, qu'elle a bénéficié d'une carte de séjour temporaire du 11 août 1993 au 10 août 1994, renouvelée jusqu'au 1er août 1995, puis d'un récépissé en qualité de parent d'enfant français délivré le 10 novembre 2010 et renouvelé jusqu'à l'obtention d'une carte " parent d'enfant français " valable du 22 mars 2012 au 21 mars 2013, enfin, d'une carte mention " vie privée et familiale " le 31 mars 2014, renouvelée en 2015 puis en 2018. Ainsi, Mme A... n'établit pas résider continûment et régulièrement en France depuis 1993, ainsi qu'elle le prétend, mais seulement depuis 2010. Par ailleurs, elle est célibataire. Deux de ses enfants majeurs résident en France métropolitaine et un troisième dans la collectivité de Saint-Martin, mais ces enfants ne sont plus à sa charge. La requérante n'a donné aucune précision sur sa situation professionnelle mentionnant seulement un dernier emploi en avril 2021, alors que les seules fiches d'imposition qu'elle produit, de 2003 à 2014, montrent un revenu nul. Ainsi qu'il a été relevé au point précédent, sa présence en France constitue une menace grave pour l'ordre public. Au vu de ces éléments, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Pour les mêmes motifs, le préfet n'a pas davantage entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.

12. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 521-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " Ne peuvent faire l'objet d'une mesure d'expulsion qu'en cas de comportements de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de l'Etat, ou liés à des activités à caractère terroriste, ou constituant des actes de provocation explicite et délibérée à la discrimination, à la haine ou à la violence contre une personne déterminée ou un groupe de personnes : (...) 2° L'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de vingt ans ; (...) 4° L'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de dix ans et qui, ne vivant pas en état de polygamie, est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins un an ". Le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté dès lors que, comme il a été relevé aux points précédents, Mme A... ne justifie pas résider régulièrement en France depuis plus de vingt ans et que ses enfants sont majeurs. Par ailleurs, comme indiqué au point 4, le moyen tiré de ce que la requérante ne constituerait pas une menace pour un intérêt fondamental de la société française doit être écarté comme inopérant.

13. En quatrième et dernier lieu, aux termes de l'article 4 du protocole additionnel n° 4 à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Les expulsions collectives d'étrangers sont interdites ". Mme A... ne peut invoquer la méconnaissance de ces stipulations dès lors que l'arrêté d'expulsion la concernant revêt un caractère individuel.

En ce qui concerne la décision du 17 décembre 2020 par laquelle le préfet des Hauts-de-Seine a procédé à la rétention des documents d'identité de Mme A... :

S'agissant de la légalité externe :

14. En premier lieu, Mme A... ne peut utilement invoquer l'absence de notification de la décision du 17 décembre 2020 par laquelle le préfet des Hauts-de-Seine a procédé à la rétention de ses documents d'identité dès lors que les conditions et les modalités de notification d'un acte administratif sont sans influence sur sa légalité. Par ailleurs, le récépissé de rétention des documents d'identité, remis à l'intéressée en préfecture le 17 décembre 2020, révèle l'existence de la décision prise par le préfet des Hauts-de-Seine le même jour.

15. En deuxième lieu, il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges aux points 17 et 19 du jugement attaqué, d'écarter les moyens tirés de l'incompétence du signataire de cette décision et de la déloyauté dont aurait fait preuve la préfecture des Hauts-de-Seine à l'égard de la requérante.

16. En troisième et dernier lieu, aux termes de l'article L. 611-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative compétente, les services de police et les unités de gendarmerie sont habilités à retenir le passeport ou le document de voyage des personnes de nationalité étrangère en situation irrégulière. Ils leur remettent en échange un récépissé valant justification de leur identité et sur lequel sont mentionnées la date de retenue et les modalités de restitution du document retenu. ". En indiquant que les documents d'identité de Mme A... lui seront restitués le jour de son départ, la décision attaquée a suffisamment indiqué les modalités de restitution des documents retenus et a bien donné à cette rétention une durée limitée. Mme A... n'est pas fondée à se prévaloir d'une insuffisance de motivation sur ce point.

S'agissant de la légalité interne :

17. En premier lieu, l'article 5 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qui concerne les mesures privatives de liberté, et l'article 4 du protocole additionnel n° 4 de cette même convention, qui concerne les mesures d'expulsion collectives, ne sont pas applicables à la décision de rétention des documents d'identité attaquée.

18. En deuxième lieu, aux termes de l'article 1er du quatrième protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Nul ne peut être expulsé, par voie de mesure individuelle ou collective, du territoire de l'État dont il est le ressortissant. 2. Nul ne peut être privé du droit d'entrer sur le territoire de l'État dont il est le ressortissant. ". Mme A... n'étant pas une ressortissante française, elle ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance de ces stipulations.

19. En troisième lieu, aux termes de l'article 2 du quatrième protocole additionnel à cette même convention : " 1. Quiconque se trouve régulièrement sur le territoire d'un État a le droit d'y circuler librement et d'y choisir librement sa résidence. (...) / 3. L'exercice de ces droits ne peut faire l'objet d'autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au maintien de l'ordre public, à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Eu égard, d'une part, au nombre et à la gravité des infractions pénales que Mme A... a commises, et, d'autre part, à la circonstance que le récépissé qui lui a été remis lui permet de justifier de son identité le temps nécessaire à l'exécution de la mesure d'expulsion dont elle fait l'objet, la décision de rétention de ses documents d'identité n'a pas porté à la liberté d'aller et de venir de Mme A... une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et ne viole pas les stipulations précitées.

20. En quatrième lieu, Mme A... ne peut invoquer utilement la méconnaissance de l'article L. 814-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que la décision de rétention attaquée ne repose pas sur ces dispositions, mais sur celles de l'article L. 611-2 du même code.

21. En cinquième et dernier lieu, contrairement à ce que soutient Mme A..., son dernier titre de séjour et l'accusé de réception de sa demande de titre de séjour constituent des documents de voyage au sens de l'article L. 611-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, la décision de retenir de tels documents se rattache à un pouvoir reconnu au préfet et n'est pas constitutive d'une voie de fait.

22. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté ses demandes. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet des Hauts-de-Seine.

Délibéré après l'audience du 3 septembre 2024, à laquelle siégeaient :

M. Etienvre, président de chambre,

M. Pilven, président-assesseur,

Mme Pham, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 septembre 2024.

La rapporteure,

C. PHAM Le président,

F. ETIENVRELa greffière,

S. DIABOUGA

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

N° 22VE02900 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22VE02900
Date de la décision : 17/09/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-02 Étrangers. - Expulsion.


Composition du Tribunal
Président : M. BROTONS
Rapporteur ?: Mme Christine PHAM
Rapporteur public ?: Mme VILLETTE
Avocat(s) : NUNES

Origine de la décision
Date de l'import : 20/09/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-09-17;22ve02900 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award