Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 3 août 2022 par lequel le préfet du Val-d'Oise a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de sa destination, et d'enjoindre au préfet territorialement compétent, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation administrative dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte.
Par un jugement n° 2212386 du 4 juillet 2023, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 8 novembre et le 5 décembre 2023, M. A..., représenté par Me Lengrand, avocate, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet compétent de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation administrative dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail dans l'attente de ce réexamen ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 800 euros, au titre de la première instance, et de la somme de 1 800 euros, au titre de l'appel, en application des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est entaché d'une erreur de droit au regard du vice de procédure et des dispositions des articles L. 114-2 et L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration, d'une erreur de droit au regard du moyen tiré du défaut d'examen complet et sérieux de sa situation par le préfet, de l'insuffisance de motivation de l'arrêté attaqué et de la méconnaissance par le préfet de l'étendue de sa compétence, d'une erreur de droit au regard des dispositions des articles L. 425-9 et L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le préfet a entaché son arrêté d'un vice de procédure dès lors qu'il était tenu de l'inviter à produire les pièces complémentaires nécessaires à l'instruction de son dossier par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) ;
- la décision portant refus de titre de séjour est entachée d'un défaut d'examen complet et sérieux de sa situation personnelle dès lors que le préfet ne disposait d'aucun document médical pour apprécier son état de santé ;
- elle est entachée d'une erreur de droit tirée de ce que le préfet du Val-d'Oise s'est cru lié par l'avis du collège des médecins de l'OFII ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il est toujours atteint d'une pathologie qui nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et que son traitement ainsi que le générique sont indisponibles dans son pays d'origine ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'il justifie de son séjour en France depuis 2013 et qu'il bénéficie d'un titre de séjour " maladie " depuis le 5 avril 2017 ;
- il maintient ses moyens formulés à l'encontre des autres décisions contestées devant le tribunal administratif.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 août 2024, le préfet de l'Essonne demande à la cour de rejeter la requête de M. A....
Il s'en remet à ses écritures de première instance.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Versailles du 9 octobre 2023.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Camenen a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant sénégalais né le 16 juin 1970, fait appel du jugement du 4 juillet 2023 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Val-d'Oise du 3 août 2022 refusant de renouveler son titre de séjour sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays de sa destination.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
2. D'une part, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " "L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'État. Sous réserve de l'accord de l'étranger et dans le respect des règles de déontologie médicale, les médecins de l'office peuvent demander aux professionnels de santé qui en disposent les informations médicales nécessaires à l'accomplissement de cette mission. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. Si le collège de médecins estime dans son avis que les conditions précitées sont réunies, l'autorité administrative ne peut refuser la délivrance du titre de séjour que par une décision spécialement motivée. ". Aux termes de l'article R. 425-11 du même code : " Pour l'application de l'article L. 425-9, le préfet délivre la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'office et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. Les orientations générales mentionnées au troisième alinéa de l'article L. 425-9 sont fixées par arrêté du ministre chargé de la santé. ". Aux termes de l'article R. 425-12 de ce code : " Le rapport médical mentionné à l'article R. 425-11 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement le demandeur ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa du même article. Le médecin de l'office peut solliciter, le cas échéant, le médecin qui suit habituellement le demandeur ou le médecin praticien hospitalier. Il en informe le demandeur. Il peut également convoquer le demandeur pour l'examiner et faire procéder aux examens estimés nécessaires ".
3. D'autre part, aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23, devenus R. 425-11 et R. 425-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui dépose une demande de délivrance ou de renouvellement d'un document de séjour pour raison de santé est tenu, pour l'application des articles R. 313-22 et R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de faire établir un certificat médical relatif à son état de santé par le médecin qui le suit habituellement ou par un médecin praticien hospitalier (...) ". Aux termes de l'article 2 de ce même arrêté : " Le certificat médical, dûment renseigné et accompagné de tous les documents utiles, est transmis sans délai, par le demandeur, par tout moyen permettant d'assurer la confidentialité de son contenu, au service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dont l'adresse a été préalablement communiquée au demandeur. ". Aux termes de l'article 4 de cet arrêté : " Pour l'établissement de son rapport médical, le médecin de l'office peut demander, dans le respect du secret médical, tout complément d'information auprès du médecin ayant renseigné le certificat médical et faire procéder à des examens complémentaires. / Le médecin de l'office, s'il décide, pour l'établissement du rapport médical, de solliciter un complément d'information auprès du médecin qui a renseigné le certificat médical, en informe le demandeur (...) Lorsque le demandeur n'a pas accompli les formalités lui incombant conformément aux deux alinéas précédents ou lorsqu'il n'a pas justifié de son identité à l'occasion de sa convocation à l'office, le service médical de l'office en informe le préfet dès l'établissement du rapport médical ".
4. Il résulte des dispositions combinées susmentionnées que, dans le cas où le médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) chargé d'établir un rapport médical, sur la base duquel le collège de médecins de l'Office doit rendre un avis destiné au préfet auquel a été adressée une demande de titre de séjour en qualité d'étranger malade ou de parents d'étranger malade, n'est pas à même de se prononcer sur l'état de santé du demandeur, faute d'avoir reçu, de la part du médecin qui suit habituellement l'étranger ou du médecin praticien hospitalier, le certificat médical que celui-ci doit établir, il appartient au médecin de l'OFII d'en informer l'autorité préfectorale. Il incombe alors à cette dernière de porter cet élément, qui fait obstacle à la poursuite de l'instruction de la demande de séjour, à la connaissance de l'étranger afin de le mettre à même soit d'obtenir de son médecin ou du praticien hospitalier initialement saisi qu'il accomplisse les diligences nécessaires soit, le cas échéant, de choisir un autre médecin ou praticien.
5. Pour refuser de renouveler le titre de séjour de M. A... sur le fondement des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet du Val-d'Oise s'est principalement fondé sur le fait que l'intéressé " n'a pas effectué les démarches nécessaires, dans les délais demandés, auprès du collège des médecins de l'OFII, pour obtenir un avis sur son état de santé ". Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier, notamment des courriels échangés entre la préfecture et l'OFII, dont le préfet a produit la copie devant le tribunal administratif, que M. A... aurait été informé par l'autorité préfectorale du caractère incomplet de son dossier et mis à même soit d'obtenir de son médecin ou du praticien hospitalier initialement saisi qu'il accomplisse les diligences nécessaires soit, le cas échéant, de choisir un autre médecin ou praticien. Dans ces conditions, M. A... est fondé à soutenir que la décision refusant le renouvellement de son titre de séjour est entachée d'un vice de procédure et qu'elle méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
7. Eu égard au motif d'annulation retenu, l'exécution du présent arrêt implique seulement le réexamen de la situation de M. A.... Il y a lieu d'enjoindre au préfet du Val-d'Oise d'y procéder dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés à première instance et à l'instance d'appel :
8. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Lengrand de la somme de 1 500 euros, au titre des frais exposés en première instance et en appel.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2212386 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 4 juillet 2023 est annulé.
Article 2 : L'arrêté du préfet du Val-d'Oise du 3 août 2022 est annulé.
Article 3 : Il est enjoint au préfet du Val-d'Oise de procéder au réexamen de la situation de M. A... dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à Me Lengrand la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer, au préfet du Val-d'Oise et à Me Lengrand.
Délibéré après l'audience du 5 septembre 2024, à laquelle siégeaient :
Mme Signerin-Icre, présidente de chambre,
M. Camenen, président assesseur,
Mme Florent, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 septembre 2024.
Le rapporteur,
G. CAMENEN
La présidente,
C. SIGNERIN-ICRE
La rapporteure,
Le président,
B. EVEN
La greffière,
C. RICHARD
La greffière,
A. GAUTHIER ou C. RICHARD
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
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N° 23VE02456