Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler la décision implicite de rejet née le 8 décembre 2020, par laquelle le président du conseil départemental de l'Essonne a rejeté sa demande tendant à sa réintégration dans les fonctions de chef d'équipe de maintenance des bâtiments, et d'enjoindre à ce département de faire figurer à nouveau son titre et ses fonctions sur ses bulletins de salaire, le cas échéant depuis le mois de mai 2020.
Par un jugement n° 2101633 du 26 mai 2023, le tribunal administratif de Versailles a annulé la décision du 8 décembre 2020 et a enjoint au département de l'Essonne de réexaminer la situation de M. B....
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés les 17 juillet 2023 et 21 décembre 2023, le département de l'Essonne, représenté par Me de Froment, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Versailles du 26 mai 2023 ;
2°) de rejeter les demandes de première instance de M. B... ;
3°) et de mettre à la charge de M. B... la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier dès lors qu'il n'est pas suffisamment motivé s'agissant de la recevabilité de la demande ;
- c'est à tort que le tribunal a estimé que les nouvelles missions attribuées à M. B... ne recouvraient pas celles qui lui étaient auparavant confiées ;
- les responsabilités confiées à l'intéressé n'ont pas été amoindries, ses fonctions impliquant notamment la mise en œuvre, comme les précédentes, de compétences spécialisées de haute technicité ;
- l'absence de certaines missions facultatives ne suffit pas à établir le caractère nouveau du poste de M. B... ;
- c'est à tort que les premiers juges ont considéré que des mesures de publicité relatives à la création ou à la vacance d'un poste auraient dû être prises ; en tout état de cause, cette circonstance n'a pas exercé d'influence sur le sens de la décision prise, ni privé l'intéressé d'une garantie.
Par deux mémoires en défense enregistrés les 13 octobre 2023 et 10 janvier 2024, M. B..., représenté par Me Diarra, demande à la cour :
1°) de rejeter la requête ;
2°) d'enjoindre au département de l'Essonne de faire figurer la fonction " chef d'équipe " ou toute fonction équivalente sur ses bulletins de paie ;
3°) et de mettre à la charge du département de l'Essonne la somme de 2 400 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Par un courrier du 20 septembre 2024, les parties ont été informées de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce que la demande de première instance était tardive et donc irrecevable, dès lors que la décision implicite de rejet de la demande de M. B..., agent public, à la personne publique qui l'emploie, est née le 8 décembre 2020, et que la demande a été enregistrée au tribunal administratif de Versailles le 24 février 2021.
M. B... a présenté des observations sur ce moyen le 23 septembre 2024.
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration,
- le décret n° 2007-913 du 15 mai 2007 portant statut particulier du cadre d'emplois des adjoints techniques territoriaux des établissements d'enseignement,
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Mornet,
- les conclusions de M. Frémont, rapporteur public,
- et les observations de Me Diarra, représentant M. B....
Une note en délibéré a été produite par M. B... le 11 octobre 2024.
Considérant ce qui suit :
1. Le département de l'Essonne a décidé, en 2018, de modifier l'organisation du travail des agents techniques chargés de la maintenance et de l'entretien des établissements d'enseignement dont il a la charge, en créant notamment des " équipes mobiles territoriales " intervenant au sein de plusieurs établissements, grâce à la mutualisation des agents. Une note de service du 6 juin 2018 a fixé les principes de cette nouvelle organisation, et a été présentée au comité technique paritaire. Dans ce contexte, M. B..., adjoint technique territorial principal de première classe, affecté au collège Louise Michel de Corbeil-Essonnes depuis 1999, a été informé, par un courrier de son employeur du 5 juillet 2019, de ce qu'à compter du 1er décembre 2019, il serait affecté de manière " mutualisée " aux deux collèges Louise Michel et Chantermerle de Corbeil-Essonnes. Par un courrier du 6 octobre 2020, reçu le 8 octobre 2020 par le département de l'Essonne, M. B... a contesté la modification des fonctions qui lui étaient attribuées, et a demandé à son employeur de le réintégrer dans sa fonction de chef d'équipe, ou, à défaut, de lui transmettre une décision " actant sa mutation de la fonction de chef d'équipe vers celle d'agent polyvalent de maintenance, accompagnée de la fiche de poste correspondant à sa situation nouvelle ". Une décision implicite est née le 8 décembre 2020 du silence gardé par l'autorité territoriale sur cette demande. Le département de l'Essonne demande à la cour d'annuler le jugement du 26 mai 2023 par lequel le tribunal administratif de Versailles a annulé cette dernière décision et a enjoint au département de l'Essonne de réexaminer la situation de M. B....
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. D'une part, aux termes de l'article R. 421-2 du code de justice administrative : " Sauf disposition législative ou réglementaire contraire, dans les cas où le silence gardé par l'autorité administrative sur une demande vaut décision de rejet, l'intéressé dispose, pour former un recours, d'un délai de deux mois à compter de la date à laquelle est née une décision implicite de rejet. Toutefois, lorsqu'une décision explicite de rejet intervient avant l'expiration de cette période, elle fait à nouveau courir le délai de recours. / La date du dépôt de la demande à l'administration, constatée par tous moyens, doit être établie à l'appui de la requête. (...) ". Il résulte par ailleurs des dispositions de l'article L. 112-2 du code des relations entre le public et l'administration que les dispositions des articles L. 112-3, R. 112-4, R. 112-5 et L. 112-6 du même code, relatives à la délivrance d'un accusé de réception par l'administration, mentionnant notamment la date de naissance, le cas échéant, d'une décision implicite, ne sont pas applicables aux relations entre l'administration et ses agents.
3. Il ressort des pièces du dossier, notamment de l'accusé de réception postal produit au dossier de première instance, que la demande de M. B... tendant notamment à sa réintégration dans les fonctions de chef d'équipe, a été reçue le 8 octobre 2020 par le département de l'Essonne. Une décision implicite de rejet de sa demande est donc née le 8 décembre 2020. Il résulte des dispositions mentionnées au point 2 du présent arrêt que l'intéressé disposait, à compter de cette date, d'un délai franc de deux mois pour former un recours, soit jusqu'au 9 février 2021. Or, sa demande de première instance a été enregistrée devant le tribunal administratif de Versailles le 24 février 2021. Elle était donc tardive et par suite irrecevable. La circonstance que, le 22 décembre 2020, le département de l'Essonne a accusé réception de la demande de M. B..., lui indiquant un délai de recours erroné, est à cet égard sans incidence, dès lors, d'une part, que l'intéressé, agent public, ne peut utilement se prévaloir, dans le cadre de ses relations avec son employeur, des dispositions énoncées par les articles L. 112-3, R. 112-4, R. 112-5 et L. 112-6 du code des relations entre le public et l'administration, et d'autre part, que le courrier du département de l'Essonne du 22 décembre 2020 ne saurait être regardé comme constituant une décision explicite de rejet susceptible de faire courir un nouveau délai de recours, alors même qu'elle mentionne un délai de recours erroné. Enfin, M. B... ne peut utilement invoquer en l'espèce l'absence d'expiration du délai raisonnable d'un an au-delà duquel le destinataire d'une décision ne peut exercer de recours juridictionnel, dès lors que ce principe jurisprudentiel ne trouve à s'appliquer que lorsque le délai de recours contentieux n'a pas été déclenché.
4. D'autre part, les mesures prises à l'égard d'agents publics qui, compte tenu de leurs effets, ne peuvent être regardées comme leur faisant grief, constituent de simples mesures d'ordre intérieur insusceptibles de recours. Il en va ainsi des mesures qui, tout en modifiant leur affectation ou les tâches qu'ils ont à accomplir, ne portent pas atteinte aux droits et prérogatives qu'ils tiennent de leur statut ou à l'exercice de leurs droits et libertés fondamentaux, ni n'emportent perte de responsabilités ou de rémunération. Le recours contre de telles mesures, à moins qu'elles ne traduisent une discrimination, est irrecevable.
5. Il ressort des pièces du dossier que l'évolution des fonctions confiées à M. B..., à compter du 1er décembre 2019, ne s'est pas accompagnée d'un changement de résidence administrative, le second collège au sein duquel l'intéressé était susceptible d'intervenir étant situé à seulement deux kilomètres de son collège d'affectation initiale, sur le territoire de la même commune de Corbeil-Essonnes. Par ailleurs, il est constant, et n'est pas contesté, que la rémunération de l'agent n'a pas été modifiée. Enfin, si la fiche de poste de " chef d'équipe maintenance des bâtiments " du requérant prévoyait, outre des activités principales tenant, en particulier, à des tâches maintenance, de nettoyage, de manutention et de prévention sécurité, des missions de coordination technique d'une équipe et d'organisation de l'atelier, ces dernières étaient facultatives et ne correspondaient pas à des fonctions d'encadrement, l'intéressé n'étant, en outre, le supérieur hiérarchique d'aucun agent. Alors au demeurant que le statut particulier des adjoints techniques territoriaux des établissements d'enseignement ne mentionne l'exercice de telles fonctions qu'à titre subsidiaire, la nouvelle fiche de poste attribuée à M. B... ne révèle pas d'évolution significative des missions qui lui sont confiées, comprenant des tâches de maintenance, d'entretien, d'organisation et de planification, et exigeant un degré de spécialisation comparable, correspondant à son grade. Dans ces conditions, et nonobstant le changement d'intitulé d'emploi figurant sur les bulletins de paie de l'intéressé, l'évolution des fonctions de ce dernier n'a pas porté atteinte aux droits et prérogatives qu'il tient de son statut, ni emporté de perte de responsabilités. Il s'ensuit que la décision implicite du 8 décembre 2020, rejetant les demandes de l'agent tendant à la contestation de la modification des fonctions qui lui ont été attribuées, et à sa " réintégration " dans sa fonction de chef d'équipe, ou, à défaut, à la transmission d'une décision " actant sa mutation de la fonction de chef d'équipe vers celle d'agent polyvalent de maintenance, accompagnée de la fiche de poste correspondant à sa situation nouvelle ", doit être regardée comme constituant une mesure d'ordre intérieur qui, en l'absence de discrimination, n'est pas susceptible de recours.
6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que le département de l'Essonne est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a annulé la décision implicite de rejet du 8 décembre 2020 et lui a enjoint de réexaminer la situation de M. B..., et que la demande de ce dernier devant le tribunal ainsi que ses conclusions d'appel à fin d'injonction doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
7. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B... le versement d'une somme au département de l'Essonne sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces dernières font obstacle à ce que soit mis à la charge du département de l'Essone, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement d'une somme à M. B... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Versailles n° 2101633 du 26 mai 2023 est annulé.
Article 2 : La demande de M. B... devant le tribunal administratif de Versailles ainsi que ses conclusions d'appel sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions du département de l'Essonne tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au département de l'Essonne et à M. C... B....
Délibéré après l'audience du 10 octobre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. A..., premier vice-président, président de chambre,
- Mme Mornet, présidente assesseure,
- M. Cozic, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 octobre 2024.
La rapporteure,
G. MornetLe président,
B. A...
La greffière,
S. de Sousa
La République mande et ordonne au préfet de l'Essonne, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
2
N° 23VE01714