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05/11/2024 | FRANCE | N°22VE01284

France | France, Cour administrative d'appel de VERSAILLES, 1ère chambre, 05 novembre 2024, 22VE01284


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler la décision du 22 novembre 2019 par laquelle la directrice de l'établissement public de santé (EPS) Barthélémy Durand l'a révoquée et radiée des cadres de la fonction publique.



Par un jugement no 2000523 du 29 mars 2022, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête et un mémo

ire, enregistrés les 25 mai et 26 septembre 2022, Mme A..., représentée par Me Cohen, avocate, demande à la cour :



...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler la décision du 22 novembre 2019 par laquelle la directrice de l'établissement public de santé (EPS) Barthélémy Durand l'a révoquée et radiée des cadres de la fonction publique.

Par un jugement no 2000523 du 29 mars 2022, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 25 mai et 26 septembre 2022, Mme A..., représentée par Me Cohen, avocate, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 29 mars 2022 ;

2°) d'annuler cette décision du 22 novembre 2019 ;

3°) d'enjoindre à la directrice de l'EPS Barthélémy Durand de la réintégrer et de reconstituer sa carrière, dans un délai et sous une astreinte à déterminer ;

4°) de condamner l'EPS Barthélémy Durand au versement d'une somme de 5 000 euros en réparation du préjudice moral subi augmentée des intérêts moratoires ;

5°) de mettre à la charge de l'EPS Barthélémy Durand la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La requérante soutient que :

- le tribunal a méconnu les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales relatives au procès équitable, ainsi que les droits de la défense, en ne prenant pas en compte les pièces qu'elle a produites devant lui afin de démontrer que son état psychologique ne permettait pas la tenue d'une séance du conseil de discipline aussi longue et éprouvante que celle à laquelle elle a assisté ;

- le tribunal a méconnu l'article 81 de la loi du 19 janvier 1986 ;

- le tribunal a méconnu l'article 5 du décret du 25 octobre 1984 ;

- la décision de révocation en litige la sanctionne une seconde fois pour les mêmes faits que ceux qui sont à l'origine de la décision du 29 juillet 2019 par laquelle elle a été suspendue à titre conservatoire ;

- la convocation au conseil de discipline ne mentionnait pas avec suffisamment de précision la possibilité pour elle de se faire assister d'un représentant syndical ou d'un avocat pendant toute la durée de la procédure ;

- l'avis du conseil de discipline ne mentionne pas qu'elle aurait eu, à l'issue de la séance du conseil, la parole en dernier ; l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales relatif au procès équitable doit ainsi être regardé comme ayant été méconnu, de même que l'article 5 du décret du 25 octobre 1984 relatif à la procédure disciplinaire concernant les fonctionnaires de l'Etat ;

- la séance du conseil de discipline a été trop longue compte tenu de son état psychologique ;

- la décision litigieuse a été prise à l'issue d'une procédure dont la durée est " déraisonnable " ;

- elle ne comporte pas la mention complète des voies et délais de recours, puisqu'elle n'indique pas la possibilité de saisir le conseil supérieur de la fonction publique hospitalière ;

- les faits sur lesquels la décision de révocation litigieuse est fondée ne sont pas réels ;

- cette décision est entachée d'une erreur dans la qualification juridique des faits qui la fondent ;

- elle est disproportionnée.

Par deux mémoires en défense, enregistrés les 29 août et 25 octobre 2022, l'EPS Barthélémy Durand, représenté par Me Adeline-Delvolvé, avocat, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête de Mme A... ;

2°) de mettre à la charge Mme A... la somme de 4 000 euros à lui verser en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- la demande est irrecevable faute de comporter une critique du jugement formulée en temps utile ;

- la demande indemnitaire est irrecevable faute d'avoir été précédée d'une demande ;

- les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 10 septembre 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 24 septembre 2024, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Un mémoire présenté pour Mme A... par Me Cohen a été enregistré le 14 octobre 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

- décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ;

- décret n° 88-386 du 19 avril 1988 ;

- le décret n° 89-822 du 7 novembre 1989 ;

- le décret n° 2012-739 du 9 mai 2012 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Hameau,

- les conclusions de M. Lerooy, rapporteur public,

- et les observations de Me Bouniol, représentant l'EPS Barthélémy Durand.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... A..., aide-soignante titulaire, a été suspendue de ses fonctions à titre conservatoire alors qu'elle était affectée au sein de l'unité Campanule de l'établissement public de santé (EPS) Barthélémy Durand. Une procédure disciplinaire a été engagée à son encontre. Le 17 octobre 2019, le conseil de discipline a rendu un avis favorable à la sanction de révocation proposée à son encontre et, par une décision du 22 novembre 2019, la directrice de l'établissement a prononcé sa révocation et sa radiation des cadres. Mme A... fait appel du jugement du 29 mars 2022 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

Sur la régularité du jugement :

2. Contrairement à ce que soutient la requérante, les termes du point 4 du jugement attaqué démontrent que les pièces produites par l'intéressée afin de démontrer que son état psychologique ne lui permettait pas de participer à une séance du conseil de discipline aussi longue et éprouvante que celle du 17 octobre 2019 ont été prises en compte par le tribunal. Si celui-ci les a estimées dépourvues de caractère probant, cette appréciation relève du bien-fondé du jugement et n'est pas susceptible de critique utile dans le cadre de l'examen de la régularité du jugement.

3. De la même façon, Mme A... ne se prévaut pas utilement de la méconnaissance par le tribunal de dispositions légales ou réglementaires, ces prétendues erreurs de droit étant sans incidence sur la régularité du jugement.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

En ce qui concerne la régularité de la procédure disciplinaire :

4. Aux termes des dispositions de l'article 1er du décret du 7 novembre 1989 relatif à la procédure disciplinaire applicable aux fonctionnaires de la fonction publique hospitalière : " Le fonctionnaire contre lequel est engagée une procédure disciplinaire doit être informé qu'il a le droit (...) de se faire assister par un ou plusieurs défenseurs de son choix (...) ".

5. Mme A..., assistée de son conseil, a pris part à la séance du conseil de discipline qui s'est tenue le 17 octobre 2019. Il résulte de l'examen du procès-verbal de séance qu'elle-même et son conseil ont présenté des observations orales et que, d'ailleurs, elles ont été formellement invitées par le président du conseil de discipline à présenter d'ultimes observations avant que le conseil ne délibère. En mentionnant de façon suffisante et appropriée la possibilité pour Mme A... de se faire assister " par un ou plusieurs défenseurs de son choix ", la lettre du 17 septembre 2019 portant convocation à la séance du conseil de discipline a permis à Mme A... de choisir un conseil afin de défendre ses intérêts. Mme A... indique d'ailleurs que, si elle n'a pas été assistée d'un représentant syndical, cela résultait d'un choix personnel.

6. Pour contester la régularité du déroulement de la séance du conseil de discipline, Mme A... ne peut utilement se prévaloir des stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors que le conseil de discipline n'est pas une juridiction. Elle ne peut pas davantage utilement se prévaloir de l'article 5 du décret du 25 octobre 1984 qui concerne les fonctionnaires de l'Etat. Si la requérante a ainsi entendu se prévaloir de la méconnaissance du principe du contradictoire et des droits de la défense, ce moyen, qui manque en fait, ne peut qu'être écarté.

7. Mme A..., qui a fait le choix d'assister à la séance du conseil de discipline alors qu'elle pouvait s'y faire représenter, n'établit pas par les pièces produites, notamment des messages échangés avec une collègue, dans lesquels elle-même fait état de sa propre fatigue psychologique, et des ordonnances et certificats peu circonstanciés, dont certains ont été délivrés postérieurement à la décision contestée, par un psychiatre en ville, qu'au regard de son état psychologique, la durée de la séance du conseil de discipline, qui aurait excédé trois heures, était excessive.

8. La requérante reprend en appel les moyens tirés de ce que la décision de révocation la sanctionne une seconde fois pour les mêmes faits que ceux qui sont à l'origine de la décision du 29 juillet 2019 par laquelle elle a été suspendue à titre conservatoire, de ce que la décision de révocation en litige a été prise à l'issue d'une procédure dont la durée est déraisonnable et, enfin, de ce que cette décision ne comporte pas la mention complète des voies et délais de recours, puisqu'elle n'indique pas la possibilité de saisir le conseil supérieur de la fonction publique hospitalière. Cependant, Mme A... ne fait état d'aucun élément de nature à remettre en cause les motifs des premiers juges. Dès lors, par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal et exposés aux points 5 à 8 du jugement attaqué, ces moyens doivent être écartés.

En ce qui concerne le bien-fondé de la sanction :

9. Aux termes aux termes de l'article 25 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Le fonctionnaire exerce ses fonctions avec dignité, impartialité, intégrité et probité. (...) Le fonctionnaire traite de façon égale toutes les personnes et respecte leur liberté de conscience et leur dignité (...) ". L'article 28 de cette même loi précise : " Tout fonctionnaire, quel que soit son rang dans la hiérarchie, est responsable de l'exécution des tâches qui lui sont confiées. Il doit se conformer aux instructions de son supérieur hiérarchique, sauf dans le cas où l'ordre donné est manifestement illégal et de nature à compromettre gravement un intérêt public. ". L'article 29 de cette loi ajoute : " Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale ". Selon l'article 81 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : / (...) Quatrième groupe : La mise à la retraite d'office, la révocation. ". Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

10. Pour prononcer la sanction de la révocation à l'encontre de Mme A..., la directrice de l'EPS Barthélémy Durand s'est fondée, comme l'a relevé le tribunal, sur les griefs tirés d'un comportement maltraitant et négligent vis-à-vis de résidents particulièrement vulnérables pouvant se traduire par un geste violent, commis sur une résidente handicapée circulant en fauteuil roulant dont Mme A... a tiré le pied pour entrer au réfectoire, ou par le fait de conduire au réfectoire des résidents souillés, ou de donner de l'eau gélifiée à des résidents pourtant capables de boire, ou encore, de les priver du temps nécessaire pour débarrasser leur repas. La directrice s'est également fondée sur le comportement de Mme A... vis-à-vis de sa hiérarchie, à laquelle elle a parfois menti, et de ses collègues, qu'elle a parfois stigmatisées voire harcelées, créant un sentiment délétère de malaise et de crainte au sein de son unité où la communication était devenue difficile, ce qui pouvait être préjudiciable à la sécurité des personnes accueillies. Pour contester ces faits, la requérante se borne à produire l'attestation, d'ailleurs peu circonstanciée, d'une seule collègue en sa faveur. Ce faisant, et alors que ses interventions, lors des entretiens diligentés par sa hiérarchie, sont parfois contradictoires quant à ce qu'elle admet ou n'admet plus, ce dont elle a conservé le souvenir ou ce qu'elle a oublié, Mme A... ne se remet pas en question et n'explique ni ne prouve le harcèlement généralisé dont elle se prétend la victime. Dans ces conditions, et au vu du nombre et du caractère concordant des pièces produites par l'EPS Barthélémy Durand, ce dernier doit être regardé comme apportant la preuve, dont la charge lui incombe, de la réalité des faits reprochés à Mme A....

11. En estimant que ces faits constituaient des fautes de nature à justifier une sanction, l'autorité investie du pouvoir disciplinaire, qui a d'ailleurs pleinement respecté l'exercice des droits de la défense tout au long de la procédure disciplinaire, ne les a pas inexactement qualifiés.

12. Les faits reprochés, qui pour les uns ont porté tant atteinte à la dignité des personnes accueillies qu'à la fonction et aux missions dont Mme A... était investie en tant qu'aide-soignante dans un établissement qui accueille des personnes vulnérables, et pour les autres ont eu des conséquences négatives importantes sur le fonctionnement du service au sein duquel Mme A... était affectée, présentent un caractère de gravité certain. Ils se sont déroulés sur une longue période, présentent un caractère réitéré et régulier, Mme A... ne s'étant pas amendée en dépit des consignes données par sa hiérarchie. A cet égard, si l'intéressée se prévaut des appréciations favorables dont elle a fait l'objet en 2017 en vue de sa titularisation en 2018, cette circonstance ne saurait, en toute hypothèse, remettre en cause ou atténuer la réalité des faits retenus et leur gravité. Il suit de là qu'en révoquant Mme A..., l'autorité investie du pouvoir de sanction a prononcé une sanction adaptée, nécessaire et proportionnée.

Sur les conclusions indemnitaires :

13. Pour les mêmes motifs que ceux retenus à bon droit et exposés au point 14 du jugement attaqué, ces conclusions doivent être rejetées.

14. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de répondre à la fin de non-recevoir opposée par l'EPS Barthélémy Durand, que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugements attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Sur les frais liés à l'instance :

15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'EPS Barthélémy Durand, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que Mme A... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de Mme A... la somme de 500 euros au titre des frais exposés par l'EPS Barthélémy Durand et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Mme A... versera la somme de 500 euros à l'établissement public de santé Barthélémy Durand au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et à l'établissement public de santé Barthélémy Durand.

Délibéré après l'audience du 15 octobre 2024, à laquelle siégeaient :

Mme Versol, présidente de chambre,

Mme Le Gars, présidente assesseure,

Mme Hameau, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe de la cour, le 5 novembre 2024.

La rapporteure,

M. HAMEAULa présidente,

F. VERSOL

La greffière,

A. GAUTHIER

La République mande et ordonne à la ministre de la santé et de l'accès aux soins en ce qui la concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

2

N° 22VE01284


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22VE01284
Date de la décision : 05/11/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-09 Fonctionnaires et agents publics. - Discipline.


Composition du Tribunal
Président : Mme VERSOL
Rapporteur ?: Mme Manon HAMEAU
Rapporteur public ?: M. LEROOY
Avocat(s) : SELARL ATTLAN-PAUTRE

Origine de la décision
Date de l'import : 10/11/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-11-05;22ve01284 ?
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