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05/11/2024 | FRANCE | N°22VE01295

France | France, Cour administrative d'appel de VERSAILLES, 2ème chambre, 05 novembre 2024, 22VE01295


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :

I. Par une requête enregistrée sous le n° 1905064, M. E... B... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 31 octobre 2018 par lequel le maire de la commune du Plessis-Robinson l'a suspendu de ses fonctions à compter du 2 novembre 2018 pour une durée de quatre mois, ensemble la décision implicite de rejet née du silence gardé par la commune du Plessis-Robinson sur son recours gracieux présenté le 27 décembre 2018, d'annuler l'arrêté du 26 févri

er 2019 par lequel le maire du Plessis-Robinson lui a infligé une exclusion temporair...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

I. Par une requête enregistrée sous le n° 1905064, M. E... B... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 31 octobre 2018 par lequel le maire de la commune du Plessis-Robinson l'a suspendu de ses fonctions à compter du 2 novembre 2018 pour une durée de quatre mois, ensemble la décision implicite de rejet née du silence gardé par la commune du Plessis-Robinson sur son recours gracieux présenté le 27 décembre 2018, d'annuler l'arrêté du 26 février 2019 par lequel le maire du Plessis-Robinson lui a infligé une exclusion temporaire de fonction d'une durée de trois jours, d'enjoindre à la commune de retirer ces décisions de son dossier administratif, de condamner la commune du Plessis-Robinson à lui verser la somme de 5 000 euros en réparation des préjudices subis du fait de l'illégalité de sa suspension, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 31 décembre 2018, date de réception de sa demande préalable indemnitaire, et enfin de mettre à la charge de la commune du Plessis-Robinson la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

II. Par une requête enregistrée sous le n° 1908187, M. B... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de condamner la commune du Plessis-Robinson à lui verser la somme de 90 000 euros en réparation des préjudices qu'il a subis en raison de nombreuses fautes de la collectivité, assortie des intérêts au taux légal à compter de la date de présentation de sa réclamation préalable le 16 avril 2019, et de mettre à la charge de la commune du Plessis-Robinson la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1905064-1908187 du 24 mars 2022, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise, après avoir joint ces deux affaires a, d'une part, annulé l'arrêté du 31 octobre 2018 du maire du Plessis-Robinson ayant suspendu M. B..., la décision par laquelle le maire de la commune a rejeté son recours gracieux contre cet arrêté et l'arrêté du 26 février 2019 par lequel le maire du Plessis-Robinson l'a sanctionné de trois jours d'exclusion, d'autre part, enjoint à la commune du Plessis-Robinson de procéder à la suppression des décisions annulées ainsi que des pièces relatives à la procédure disciplinaire du dossier individuel de l'intéressé, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement, et enfin, condamné la commune du Plessis-Robinson à verser à M. B... la somme de 21 000 euros, avec intérêt au taux légal, pour 5 000 euros à compter du 31 décembre 2018, et pour 16 000 euros à compter du 16 avril 2019.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 23 mai 2022 et le 28 mai 2024, la commune du Plessis-Robinson, représentée par Me Cazin, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros à lui verser sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les premiers juges se sont livrés à une dénaturation des pièces du dossier dès lors qu'ils n'ont pas procédé à l'analyse de l'ensemble des pièces du dossier et ont adopté une lecture erronée des pièces du dossier ;

- le jugement attaqué est entaché d'une erreur d'appréciation ;

- M. B... n'a pas été victime de harcèlement moral ;

- la décision de changement d'affectation du 26 février 2019 n'est pas entachée d'une illégalité fautive de nature à engager la responsabilité de la commune car elle était justifiée par l'intérêt du service et n'a pas impacté de manière négative la situation de M. B....

Par un mémoire enregistré le 12 juillet 2023, M. B... demande à la cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) de réformer le jugement en tant qu'il rejette la demande d'indemnisation du préjudice résultant de la perte de son logement de fonction et qu'il limite l'évaluation du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence subis à la somme de 7.000 euros ;

3°) de condamner la commune du Plessis Robinson à lui verser la somme de 54.000 euros en réparation du préjudice subi du fait de la perte de son logement de fonction, 94.162 euros de perte de revenus, et une somme complémentaire de 15.000 euros au titre du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence ;

4°) et de mettre à la charge de la commune du Plessis Robinson à lui verser la somme de 3.600 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement du tribunal est entaché d'une erreur de droit et d'une erreur d'appréciation ;

- les moyens de la requête ne sont pas fondés ;

- il doit être indemnisé à hauteur de 54.000 euros en réparation des préjudices résultant de la perte de son logement de fonction ;

- les faits de harcèlement subis, y compris sa mutation d'office, ont provoqué une perte de revenus ; le préjudice qui en résulte doit être indemnisé à hauteur de 94.162 euros ;

- le préjudice moral et les troubles dans les conditions d'existence subis en raison des faits de harcèlement moral n'ayant été indemnisés par le tribunal administratif qu'à hauteur de 7.000 euros, une somme complémentaire de 15.000 euros devra lui être versée en appel en réparation de ces préjudices.

Par une ordonnance du 23 juillet 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 2 septembre 2024, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Des mémoires présentés pour M. B... ont été enregistrés les 4 et 9 octobre 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Cozic,

- les conclusions de M. Frémont, rapporteur public ;

- et les observations de Me Cazin pour la commune du Plessis-Robinson, et celles de Me Lerat pour M. B....

Une note en délibéré a été produite par M. B... le 17 octobre 2024.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., policier municipal, a été recruté par la commune du Plessis-Robinson sur le grade de chef de service de police municipale principal de 2e classe à compter du 1er octobre 2016, pour occuper le poste d'adjoint au chef de service de police municipale, et a été affecté à la brigade de nuit à compter du 1er novembre 2016. Il a adressé au maire de la commune un courrier en date du 6 juillet 2018 dénonçant des faits de harcèlement commis à son encontre. Suite à la réception de ce courrier, une enquête administrative interne a été diligentée, à l'issue de laquelle les faits dénoncés n'ont pas été reconnus. Postérieurement, M. B... été suspendu de ses fonctions par un arrêté du 31 octobre 2018. Par un courrier du 27 décembre 2018, M. B... a demandé à la commune du Plessis-Robinson de retirer cette décision de suspension de fonctions, de lui accorder la protection fonctionnelle et de l'indemniser, à hauteur de 5.000 euros, des préjudices résultant de l'illégalité entachant la décision de suspension de fonctions, mais cette demande a été implicitement rejetée. Par un arrêté du 26 février 2019, le maire de la commune du Plessis-Robinson a décidé d'infliger une exclusion temporaire de fonction de trois jours à M. B... à titre de sanction disciplinaire. Par une lettre du même jour, le maire a également informé l'intéressé de sa mutation d'office sur le poste de chef de la brigade environnement de la ville, à compter du 7 mars 2019. Par un courrier du 15 avril 2019, M. B... a demandé à la commune du Plessis-Robinson l'indemnisation, à hauteur de 90.000 euros, des différents préjudices résultant de son changement d'affectation, de la perte de bénéfice de son logement de fonctions, et des différentes fautes et illégalités commises dans le cadre de la gestion de sa carrière et de son dossier, en raison des faits de harcèlement moral subis, de la décision de suspension prise à son encontre, de son exclusion temporaire à titre de sanction disciplinaire, et de la décision de refus d'octroi de la protection fonctionnelle. Cette demande a également été implicitement rejetée par la commune du Plessis-Robinson. Par une requête enregistrée sous le n° 1905064, M. B... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 31 octobre 2018 prononçant la suspension de ses fonctions, d'annuler l'arrêté du 26 février 2019 lui infligeant une sanction disciplinaire du 1er groupe, et de condamner la commune à lui verser la somme de 5.000 euros en réparation des préjudices résultant de sa suspension de fonction. Par une requête enregistrée sous le n° 1908187, M. B... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de condamner la commune à lui verser une somme de 90.000 euros en réparation des préjudices subis du fait de l'illégalité de l'arrêté de suspension de fonctions, de l'illégalité de l'arrêté lui infligeant une sanction disciplinaire, de l'illégalité de son changement d'affectation, de la décision de rejet de sa demande de protection fonctionnelle, ainsi qu'en raison des faits de harcèlement moral qu'il a subis. Après avoir joint ces deux requêtes, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a, par un jugement du 24 mars 2022, annulé l'arrêté de suspension du 31 octobre 2018 et l'arrêté du 26 février 2019 infligeant à M. B... une exclusion temporaire à titre de sanction disciplinaire, a enjoint à la commune du Plessis-Robinson de supprimer ces actes du dossier individuel de l'agent, a condamné la commune à verser à M. B... la somme 5.000 euros en réparation des préjudices résultant de l'illégalité de la décision de suspension du 31 octobre 2018, et condamné la commune du Plessis-Robinson à lui verser la somme de 9.000 euros en réparation des préjudices financiers résultant de sa mutation illégale, ainsi que la somme de 7.000 euros en réparation du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence résultant du harcèlement moral subi par l'intéressé. La commune du Plessis-Robinson demande à la cour d'annuler ce jugement et de rejeter la demande de M. B.... Ce dernier présente des conclusions d'appel incident tendant à ce que la somme de 9.000 euros allouée par les premiers juges soit portée à la somme totale de 94.120 euros en réparation de son préjudice financier, à ce que la somme de 7.000 euros allouée par les premiers juges soit portée à 21.000 euros au titre du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence, et enfin à ce que la commune du Plessis-Robinson soit condamnée à lui verser la somme de 54.000 euros en réparation du préjudice subi du fait de la perte de son logement de fonction.

Sur les conclusions d'appel principal :

En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :

2. Hormis le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel, non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis, mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative contestée dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. La commune du Plessis-Robinson ne peut donc utilement se prévaloir de la dénaturation des pièces du dossier et de l'erreur d'appréciation qu'auraient commises les premiers juges pour demander l'annulation du jugement attaqué.

En ce qui concerne la responsabilité de la commune :

3. La commune du Plessis-Robinson, qui ne conteste pas le bien-fondé de l'annulation par le tribunal administratif de la décision de suspension de M. B... pour erreur de droit, ni le bien-fondé de l'annulation de l'arrêté infligeant à ce dernier une sanction disciplinaire pour erreur d'appréciation, ne conteste pas davantage la réalité des préjudices résultant de l'illégalité de ces deux décisions, ni le montant de l'indemnisation, à hauteur de 5.000 euros, auquel elle a été condamnée à ce titre par le tribunal. La commune du Plessis-Robinson soutient en revanche que l'existence des faits de harcèlement allégués par M. B... n'est pas établie, que " les différentes mesures adoptées à l'égard de ce dernier ont toutes été adoptées dans l'intérêt du service " et que, " ni le harcèlement moral ni les préjudices allégués par M. B... n'étant établis, ses demandes indemnitaires devront être rejetées ". La commune soutient par ailleurs que la décision de changement d'affectation du 26 février 2019 n'est pas entachée d'une illégalité fautive.

S'agissant des faits de harcèlement moral :

4. Aux termes du premier alinéa de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, dans sa version en vigueur, applicable au présent litige : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. "

5. Il appartient à un agent public, qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

6. M. B... soutient qu'il a, durant son affectation au sein du service de police municipale de la commune du Plessis-Robinson, été victime de brimades, de manque de respect, d'humiliations, de dénigrements, d'inégalité de traitement. Il résulte de l'instruction que son numéro de téléphone a été enregistré dans le téléphone portable du service de police municipale sous le nom " doliprane fantôme ". Il ressort également de plusieurs témoignages concordants versés au dossier par M. B... que le chef de service de la police municipale, M. C..., l'a désigné publiquement, devant d'autres agents du service, en des termes insultants, tels que " quel con ", " l'autre brin ", " connard ", " l'autre merde ", et l'a dénigré publiquement à plusieurs reprises, estimant qu'il était trop payé ou qu'il ne " servait à rien ". Il n'est pas contesté par la commune qu'en janvier 2018, M. B... s'est vu retirer son bureau personnel et attribuer à la place un petit espace de bureau, situé à l'accueil, pour accueillir une attachée d'administration de la direction générale, jusqu'à ce que l'intéressé soit suspendu, l'attachée en cause étant alors réaffectée en centre administratif de la commune. M. B... soutient sans être contesté qu'à compter du mois de février 2018, après l'incident au cours duquel M. C... a offert de lui vendre un téléphone portable qui s'est avéré appartenir à la commune, ce qui a conduit M. B... à refuser la transaction, les critiques et les reproches formulées à son encontre se sont intensifiées. Le requérant soutient également, ce qui est corroboré par une attestation d'un témoin, qu'il s'est vu reprocher la dégradation de véhicules du service de même que le temps qu'il a passé à rechercher les auteurs de ces dégradations, une fois leur identité établie. Il résulte également de l'instruction, qu'au cours d'une réunion du 5 juin 2018, M. C... a publiquement déclaré que son " problème c'est M. B.... Je n'ai pas confiance en lui. Il ne me sert à rien. Je ne veux plus travailler avec lui ", et qu'à la suite de cette réunion, M. B..., jusqu'alors chef d'une brigade de nuit, a été placé sous l'autorité d'un autre chef de brigade, et que l'emplacement du chargeur de son arme a été modifié, manifestant ainsi une forme de déclassement symbolique dans la hiérarchie du service. Il résulte également de l'instruction que l'état de santé de M. B... s'est progressivement dégradé à compter du mois de juin 2018, les certificats médicaux versés au dossier faisant état d'un syndrome anxio-dépressif. En outre, alors que M. B... a dénoncé en juillet 2018, les faits de harcèlement dont il estimait être la victime et qu'une enquête administrative a été diligentée à cet effet, il a été suspendu de ses fonctions par arrêté du 31 octobre 2018, avant de recevoir une nouvelle affectation, en qualité de chef de la brigade de l'environnement, par une décision du 26 février 2019, alors que, parallèlement, il est constant que M. C... a été soutenu par l'administration pour l'obtention d'une promotion interne au grade d'attaché territorial. L'ensemble de ces faits, tels que relatés ci-dessus, sont de nature à faire présumer l'existence d'un harcèlement moral.

7. La commune du Plessis-Robinson fait valoir que, s'il a existé des tensions entre M. B... et son supérieur hiérarchique, M. C..., celles-ci ne sauraient être qualifiées de harcèlement moral. Elle soutient au contraire, se prévalant en particulier des conclusions de l'enquête administrative qu'elle a diligentée, mais également de la quinzaine de témoignages de policiers municipaux soulignant les qualités professionnelles de M. C..., qu'aucun fait de harcèlement ne saurait être imputé à ce dernier, mais que les faits allégués par M. B... sont seulement constitutifs d'un conflit de personnes, nécessitant des mesures prises dans l'intérêt du service. La commune soutient en particulier que M. B... a par ailleurs eu des " problèmes " dans les différentes communes dans lesquelles il a été auparavant affecté, qu'il cherchait à créer des divisions dans le service de police municipale, qu'il mettait en particulier une mauvaise ambiance entre la brigade de nuit et la brigade de jour, que son comportement et ses paroles étaient à l'origine des dysfonctionnements que connaissait le service et que celui-ci fonctionnait d'ailleurs mieux depuis son départ.

8. Il résulte toutefois d'un des témoignages précis et circonstanciés versés au dossier par M. B..., émanant d'un policier municipal de la commune du Plessis-Robinson et dont le contenu n'est pas contesté par la commune, que les agents du service de police municipale auraient fait l'objet de sollicitations insistantes, " voire intimidantes ", de la part d'un des chefs de brigades en vue d'obtenir des témoignages en faveur de M. C..., rédigés à des dates rapprochées, pour l'essentiel entre le 14 et le 18 septembre 2018. M. B... soutient en outre sans être contredit que deux autres agents de la police municipale se sont plaints de faits de harcèlement moral commis à leur encontre par M. C....

9. Il résulte également de l'instruction que seuls les chefs de brigades, soit quatre agents de la police municipale, comprenant pourtant une vingtaine d'agents, ont été auditionnés à l'occasion de l'enquête publique diligentée par la commune, qu'aucun des comptes-rendus d'audition n'a été signé, alors que deux d'entre eux, concernant M. A... et M. D..., comportent pour partie des citations strictement identiques, révélant la duplication partielle d'un même document, alors que M. B... soutient que M. D... lui a personnellement indiqué n'avoir jamais tenus les propos dénigrants qui lui sont attribués. Ces circonstances, sur lesquelles la commune n'apporte aucune justification ou explication, sont de nature à mettre en doute l'exactitude des propos retranscrits dans les témoignages recensés dans le cadre de l'enquête administrative, et ce, alors que la manière dont certains témoignages sont retranscrits et commentés par les enquêteurs, de même que certains des propos tenus par les enquêteurs eux-mêmes durant certaines de ces auditions, notamment lorsqu'ils s'adressent à M. B..., sont de nature à faire douter de leur impartialité. En tout état de cause, si, au cours de leurs auditions, les quatre chefs de brigade ont contesté de manière générale l'existence de faits de harcèlement subis par M. B..., ils ont à tout le moins confirmé qu'un propos insultant avait été adressé en public par M. C... à l'encontre de M. B....

10. M. B... verse également au dossier le témoignage de quatre agents de la police municipale du Plessis-Robinson qui attestent de la bienveillance de M. B..., de sa loyauté à l'égard de M. C..., notamment à travers le galonnage qu'il arborait, inférieur à la réalité, eu égard à la position hiérarchiquement supérieure de M. C.... Ces quatre attestations, au-delà des faits particuliers qu'elles mentionnent, font toutes état de l'attitude hostile manifestée par M. C... à l'égard de M. B..., notamment à travers des moqueries ou des injures, sans que la réalité de ces faits ne soit déniée, ni que leur tonalité ne soit contredite par la commune du Plessis-Robinson.

11. Au regard de l'ensemble des éléments précités, les faits allégués par M. B... sont constitutifs d'un harcèlement moral. La responsabilité de l'administration doit par suite être recherchée de ce chef.

S'agissant de l'illégalité fautive de la décision de changement d'affectation du 26 février 2019 :

12. Aux termes du deuxième alinéa de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983, alors en vigueur, dans sa version applicable au présent litige : " Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la rémunération, la formation, l'évaluation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : / 1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa (...) ". Si la circonstance qu'un agent a subi ou refusé de subir des agissements de harcèlement moral ne saurait légalement justifier que lui soit imposée une mesure relative à son affectation, à sa mutation ou à son détachement, elle ne fait pas obstacle à ce que l'administration prenne, à l'égard de cet agent, dans son intérêt ou dans l'intérêt du service, une telle mesure si aucune autre mesure relevant de sa compétence, prise notamment à l'égard des auteurs des agissements en cause, n'est de nature à atteindre le même but.

13. Lorsqu'une telle mesure est contestée devant lui par un agent public au motif qu'elle méconnaît les dispositions précitées de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983, il incombe d'abord au juge administratif d'apprécier si l'agent a subi ou refusé de subir des agissements de harcèlement moral. S'il estime que tel est le cas, il lui appartient, dans un second temps, d'apprécier si l'administration justifie n'avoir pu prendre, pour préserver l'intérêt du service ou celui de l'agent, aucune autre mesure, notamment à l'égard des auteurs du harcèlement moral.

14. Il résulte de l'instruction qu'à l'issue de l'enquête administrative diligentée par la commune du Plessis-Robinson à la suite de la dénonciation par M. B... des faits de harcèlement moral subis par ce dernier, la commune a estimé que l'intéressé était la cause du dysfonctionnement du service de la police municipale. Elle l'a en conséquence suspendu, par un arrêté du 31 octobre 2018, dans l'attente d'un changement d'affectation, puis elle lui a infligé une exclusion temporaire de fonction de trois jours à titre de sanction disciplinaire, le 26 février 2019, avec mutation d'office dans un service créé le même jour, pour occuper la fonction de chef de la brigade de l'environnement de la commune.

15. Ainsi qu'il a été relevé aux points 6 à 10 du présent arrêt, il résulte de l'instruction que M. B... a subi des faits de harcèlement moral. La commune du Plessis-Robinson soutient dans sa requête qu'elle a décidé le changement d'affectation de M. B... dans l'intérêt du service parce qu'elle estimait que ledit service était affecté par les tensions imputables à l'attitude de M. B..., marquée par une constante défiance à l'égard de son supérieur hiérarchique, M. C..., et à l'égard de ses collègues. Si la commune soutient qu'elle ne pouvait envisager un changement d'affectation de M. C..., qui donnait satisfaction dans ses fonctions, elle ne fait état d'aucune mesure qu'elle aurait envisagée, en alternative à la décision de mutation en litige. Dès lors, ainsi que l'ont retenu à bon droit les premiers juges, la décision de changement d'affection de M. B... du 26 février 2019 a été prise en méconnaissance des dispositions précitées de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983. Cette illégalité est constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité de la commune du Plessis-Robinson.

16. Il résulte de ce qui précède que la commune du Plessis-Robinson n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise l'a condamnée à verser à M. B... une somme en réparation des préjudices subis du fait de harcèlement moral dont il a été victime, et en réparation des préjudices résultant de l'illégalité fautive entachant la décision du 26 février 2019 portant changement d'affectation de M. B....

Sur les conclusions d'appel incident :

En ce qui concerne les préjudices subis du fait de la perte du logement de fonction de M. B..., résultant de l'illégalité fautive entachant la décision de mutation du 26 février 2019 :

17. Il est constant que M. B... a bénéficié d'un logement en contrepartie des fonctions occupées en qualité d'adjoint au chef de service de la police municipal du Plessis-Robinson. La décision du 26 février 2019, nommant M. B... comme responsable de la brigade de l'environnement à compter du 7 mars 2019, impliquait que l'intéressé libère son logement de fonction au plus tard le 30 juin 2019. Ainsi que l'ont relevé les premiers juges, M. B... s'est maintenu dans ce logement de fonction au-delà de cette date, jusqu'au 29 septembre 2019, et a été placé, à sa demande, en disponibilité à compter du 15 septembre 2019. Cette position statutaire ne lui donnait aucun droit au maintien du bénéfice de son logement de fonction. Si M. B... soutient qu'il a sollicité son placement en disponibilité pour fuir la situation de harcèlement qu'il subissait, il ne soutient pas que cette décision le plaçant en position de disponibilité serait entachée d'illégalité, ni que les préjudices dont il fait état résulteraient de celle-ci. Il n'allègue pas non plus avoir exposé des dépenses d'hébergement après avoir libéré son logement de fonction. Il en résulte que le lien de causalité entre l'illégalité fautive entachant la décision de mutation du 26 février 2019 et les préjudices allégués par M. B... n'est pas établi. Par suite, les conclusions à fin d'indemnisation de ce chef de préjudice doivent être rejetées.

En ce qui concerne la perte de revenus résultant des faits de harcèlement subis, en ce compris la suspension de fonctions et la mutation d'office de M. B... :

18. Le tribunal administratif a condamné la commune à verser à M. B... la somme de 5.000 euros pour la période de suspension de l'intéressé, allant du 1er décembre 2018 au 7 mars 2019, au titre des préjudices financiers, du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence. Le tribunal a en outre condamné la commune à verser à M. B... la somme de 9.000 euros au titre de son préjudice financier pour la période du 7 mars 2019, date de son changement d'affectation, au 15 septembre 2019, date à laquelle l'intéressé a été placé en disponibilité. Les premiers juges ont relevé que la suspension puis le changement d'affectation de M. B... ont fait perdre à ce dernier une chance sérieuse de percevoir certaines parts de rémunération qui lui étaient antérieurement versées en qualité d'adjoint au chef de service de la police municipale, à hauteur d'une moyenne de 1.027 euros par mois au titre des heures supplémentaires de nuit, ainsi que 298,96 euros par mois au titre de l'" astreinte de semaine " et 65 euros par mois pour " travail de nuit intensif ", soit au total 1.390,96 euros par mois. Alors que M. B... ne conteste pas le bien-fondé de ces montants d'indemnisation pour les périodes précitées, il n'est pas fondé à soutenir que son préjudice financier résultant des faits de harcèlement qu'il a subis, de la décision de suspension et de la décision de changement d'affectation, auraient perduré au-delà de la décision le plaçant, à sa demande, en position de disponibilité, dès lors qu'il ne conteste pas la légalité de cette dernière. Par suite, ses conclusions en appel incident, tendant à porter à 94.162 euros le montant de l'indemnisation de son préjudice financier doivent être rejetées.

En ce qui concerne le préjudice moral et les troubles dans les conditions d'existence résultant des faits de harcèlement moral et des illégalités fautives entachant les décisions portant sanction disciplinaire, mutation et refus de protection fonctionnelle :

19. Le tribunal administratif a condamné la commune du Plessis-Robinson à verser à M. B... la somme de 7.000 euros en réparation du préjudice moral subi par ce dernier et des troubles dans les conditions d'existence résultant des conditions de travail dégradées qu'il a connues entre 2018 et 2019 et le syndrome anxio-dépressif qui en a résulté, du fait du harcèlement moral et des illégalités entachant les décisions prises à son encontre, lui infligeant une sanction disciplinaire, procédant à sa mutation et lui refusant l'octroi de la protection fonctionnelle. Alors qu'il est constant que les troubles psychologiques subis par M. B... ont perduré jusqu'à la date de l'appel incident formé par ce dernier, il sera fait une juste appréciation des préjudices susvisés en portant à 12.000 euros la somme que la commune du Plessis-Robinson est condamnée à verser à ce titre à M. B....

20. Il résulte de ce qui précède que M. B... est fondé à demander que la somme de 7.000 euros que la commune a été condamnée à lui verser en réparation du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence, soit portée à 12.000 euros.

Sur les frais liés au litige :

21. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que M. B..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à verser une somme à la commune du Plessis-Robinson. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la commune du Plessis-Robinson la somme de 3 000 euros à verser à M. B... à ce titre.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la commune du Plessis-Robinson est rejetée.

Article 2 : La somme de 7.000 euros que la commune du Plessis-Robinson a été condamnée à verser à M. B... en réparation du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence subis par ce dernier, est portée à 12.000 euros. La somme totale à laquelle la commune du Plessis-Robinson est condamnée à verser à M. B... est ainsi portée de 21.000 à 26.000 euros.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise n°1905064-1908187 du 24 mars 2022 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : La commune du Plessis-Robinson versera à M. B... la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de M. B... est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la commune du Plessis-Robinson et à M. E... B....

Délibéré après l'audience du 10 octobre 2024, à laquelle siégeaient :

M. Even, président,

Mme Mornet, présidente assesseure,

M. Cozic, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 novembre 2024.

Le rapporteur,

H. COZICLe président,

B. EVEN

La greffière,

S. de SOUSA

La République mande et ordonne au préfet des Hauts de Seine en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

2

N° 22VE01295


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