Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme E... D... A... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 21 juin 2023 par lequel le préfet du Val-d'Oise a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi, d'enjoindre à ce préfet, à titre principal, de réexaminer sa situation pour la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " étudiant ", ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans le cadre de l'admission exceptionnelle de l'article L. 435-1 du même code, dès la notification du jugement à intervenir et lui délivrer un document provisoire de séjour pendant ce réexamen, de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros, à verser à son conseil, en application des dispositions combinés des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Par un jugement n° 2310228 du 14 décembre 2023, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a admis Mme D... A... à l'aide juridictionnelle provisoire et a rejeté le surplus des conclusions de la demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement les 16 janvier et 7 octobre 2024, Mme D... A..., représentée par Me Martin, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement dans cette dernière mesure ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet du Val-d'Oise de lui délivrer, à titre principal, un titre de séjour " étudiant ", dans un délai d'un mois à compter de la décision à intervenir et ce sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou, à titre subsidiaire, un titre de séjour mention " vie privée et familiale " dans le cadre de son admission exceptionnelle au séjour en application de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans les mêmes conditions et délai d'astreinte, ou a minima de réexaminer sa situation dans les mêmes conditions et délai d'astreinte et de lui remettre une autorisation provisoire de séjour dans l'attente de ce réexamen ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 2 000 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le tribunal a omis de statuer sur la décision préfectorale de fixation de pays de renvoi et d'examiner les motifs aux fins d'annulation de cette décision ;
- c'est à tort que le tribunal administratif a considéré, s'agissant du refus de séjour, que le préfet n'avait pas commis d'erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ;
- l'obligation de quitter le territoire français porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 février 2024, le préfet du Val-d'Oise conclut au rejet de la requête.
Par une ordonnance du 9 septembre 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 7 octobre 2024.
Mme D... A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 19 mars 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Etienvre,
- et les observations de Me Martin, représentant Mme D... A....
Considérant ce qui suit :
1. Mme D... A..., ressortissante brésilienne née en novembre 1990, est entrée en France le 19 juillet 2018 sous couvert de son passeport. Le 20 février 2023, elle a sollicité un titre de séjour en qualité d'étudiante sur le fondement des dispositions des articles L. 422-1 à L. 422-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 21 juin 2023, le préfet du Val-d'Oise a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Mme D... A... en a demandé l'annulation. Par jugement n° 2310228 du 14 décembre 2023, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté cette demande. Mme D... A... interjette appel de ce jugement dans cette mesure.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :
2. Contrairement à ce que la requérante soutient, les premiers juges n'ont pas omis de statuer sur les conclusions dirigées contre la décision par laquelle le préfet a fixé le pays de renvoi.
3. En revanche, le tribunal a omis de répondre au moyen, qui n'était pas inopérant, tiré de ce que le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de l'obligation de quitter le territoire français sur sa situation personnelle que Mme D... A... avait soulevé, en particulier, dans son mémoire introductif d'instance, à l'appui des conclusions aux fins d'annulation de cette décision et à l'appui de la contestation de la décision fixant le pays de renvoi. Il y a lieu dès lors d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise tendant à l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français et de la décision fixant le pays de renvoi. Il y a lieu de statuer par l'effet dévolutif de l'appel sur les conclusions présentées par Mme D... A... devant la cour tendant à l'annulation de la décision portant refus de séjour.
En ce qui concerne la légalité de l'arrêté attaqué :
S'agissant du refus de séjour :
4. Aux termes de l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui établit qu'il suit un enseignement en France ou qu'il y fait des études et qui justifie disposer de moyens d'existence suffisants se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " étudiant " d'une durée inférieure ou égale à un an. En cas de nécessité liée au déroulement des études ou lorsque l'étranger a suivi sans interruption une scolarité en France depuis l'âge de seize ans et y poursuit des études supérieures, l'autorité administrative peut accorder cette carte de séjour sous réserve d'une entrée régulière en France et sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 (...) ".
5. Mme D... A... soutient que le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision attaquée sur sa situation personnelle compte tenu de sa présence en France depuis plus de cinq années, de ses efforts d'insertion par l'étude du français auprès de l'Alliance française, de l'assiduité, la progression et la réussite de ses études supérieures de Bachelor Finance sur trois années amenant aujourd'hui à la poursuite en Master 1, des moyens financiers personnels dont elle justifie pour séjourner en France et poursuivre ses études, de son intégration dans le respect de ses obligations déclaratives fiscales et de l'absence de menace à l'ordre public.
6. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que l'inscription de Mme D... A... en MBA 1 Ingénieur d'affaires à l'ESLCA Business School n'a été effectuée que le 27 juin 2023 soit postérieurement à la décision attaquée. Dans ces conditions, le préfet du Val-d'Oise n'a pas commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision attaquée sur la situation personnelle de l'intéressée nonobstant les autres éléments invoqués par Mme D... A... et, en particulier, la circonstance que, postérieurement à l'arrêté attaqué, l'intéressée ait validé sa première année de MBA 1 Ingénieur d'affaires et se soit inscrite, pour l'année 2024-2025, en deuxième année de MBA 1 Ingénieur d'affaires.
7. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que le préfet aurait commis une erreur de droit dans l'application des dispositions de l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français et de la décision fixant le pays de renvoi :
8. En premier lieu, l'arrêté attaqué a été signé par Mme C..., adjointe au directeur des migrations et de l'intégration de la préfecture du Val-d'Oise, qui bénéficiait d'une délégation de signature à cet effet consentie par l'arrêté n° 23-014 du 31 janvier 2023 régulièrement publié le 22 février 2023 au recueil des actes administratifs de la préfecture pour signer les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de la signataire de l'acte manque en fait et doit ainsi être écarté.
9. En deuxième lieu, l'arrêté attaqué comporte de manière suffisamment précise l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles le préfet s'est fondé.
10. En troisième lieu, si les stipulations de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ne sont pas en elles-mêmes invocables par un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement telle qu'une obligation de quitter le territoire français, celui-ci peut néanmoins utilement faire valoir que le principe général du droit de l'Union européenne, relatif au respect des droits de la défense, imposait qu'il soit préalablement entendu et mis à même de présenter toute observation utile sur la mesure d'éloignement envisagée. Toutefois, une atteinte à ce droit n'est susceptible d'affecter la régularité de la procédure à l'issue de laquelle la décision défavorable est prise que si la personne concernée a été privée de la possibilité de présenter des éléments pertinents qui auraient pu influer sur le contenu de la décision, ce qu'il lui revient, le cas échéant, d'établir devant la juridiction saisie.
11. Il ressort des pièces du dossier que Mme D... A... a présenté une demande de titre de séjour et, à cette occasion, a eu la possibilité de faire valoir tous les éléments justifiant qu'elle soit autorisée à séjourner en France et ne soit pas contrainte de quitter ce pays ou empêcher d'y revenir. Ces mêmes pièces ne révèlent pas que Mme D... A... aurait été empêchée de faire valoir ses observations dans le cadre de la procédure ayant abouti à la décision attaquée, ni qu'elle ait sollicité en vain un entretien avec les services préfectoraux, ni même encore qu'elle disposait d'informations pertinentes tenant à sa situation personnelle qu'elle aurait pu utilement porter à la connaissance de l'administration avant que ne soit pris l'arrêté attaqué et qui, si elles avaient été communiquées à temps, auraient été susceptibles d'y faire obstacle. Par suite, le moyen tiré de ce qu'elle aurait été privée de son droit à être entendue ne peut qu'être écarté.
12. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
13. Il ressort des pièces du dossier que Mme D... A... était, à la date de l'arrêté attaqué, célibataire et sans charges de famille. Compte tenu du caractère récent de son entrée en France, le préfet du Val-d'Oise n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale nonobstant les études poursuivies par la requérante et le coût financier supporté par Mme D... A... pour suivre les enseignements de l'ESLSCA Business School Paris en vue de l'obtention d'une qualification RNCP de chargée de gestion et management.
14. En quatrième et dernier lieu, il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences des décisions attaquées sur la situation personnelle de l'intéressée. Si celle-ci se prévaut des conséquences financières d'un arrêt de ses études en France, son inscription en MBA 1 n'a, comme indiqué au point 6, été faite que le 27 juin 2023 soit postérieurement à l'arrêté attaqué.
15. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... A... n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté préfectoral du 21 juin 2023.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
16. Le présent arrêt n'impliquant aucune mesure d'exécution, les conclusions aux fins d'injonction de Mme D... A... ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement au conseil de Mme D... A... d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2310228 du 14 décembre 2023 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise est annulé en tant qu'il rejette les conclusions de Mme D... A... tendant à l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français et de la décision fixant le pays de renvoi contenues dans l'arrêté préfectoral du 21 juin 2023.
Article 2 : Le surplus des conclusions de Mme A... est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... D... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie sera transmise pour information au préfet du Val-d'Oise.
Délibéré après l'audience du 15 octobre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Etienvre, président,
M. Pilven, président assesseur,
Mme Pham, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 novembre 2024.
Le président-assesseur,
J.-E. Pilven
Le président-rapporteur,
F. Etienvre
La greffière,
F. Petit-Galland
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
N° 24VE00100002