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07/11/2024 | FRANCE | N°22VE01241

France | France, Cour administrative d'appel de VERSAILLES, 5ème chambre, 07 novembre 2024, 22VE01241


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société Technologie Bâtiment Services (TBS) a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler le titre de recettes n° 6128 émis et rendu exécutoire le 17 décembre 2019 mettant à sa charge le remboursement de la somme de 126 539 euros correspondant à l'acompte qui lui a été versé par la commune de Pontoise pour l'exécution, en sa qualité de sous-traitante agréée du lot n° 7 " plomberie CVC ", du marché de construction du groupe scolaire des Lavandièr

es et de la décharger de cette somme.



Par un jugement n° 2001755 du 14 avril 2022, l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Technologie Bâtiment Services (TBS) a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler le titre de recettes n° 6128 émis et rendu exécutoire le 17 décembre 2019 mettant à sa charge le remboursement de la somme de 126 539 euros correspondant à l'acompte qui lui a été versé par la commune de Pontoise pour l'exécution, en sa qualité de sous-traitante agréée du lot n° 7 " plomberie CVC ", du marché de construction du groupe scolaire des Lavandières et de la décharger de cette somme.

Par un jugement n° 2001755 du 14 avril 2022, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés respectivement les 19 mai 2022 et 28 février 2023, la société TBS, représentée par Me Labetoule, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler ce titre de recettes et de la décharger de la somme de 126 539 euros ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Pontoise la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier faute d'avoir été signé ;

- le titre de recettes ne comporte pas d'indication des bases de liquidation de la créance ; il ne fait pas référence à un document joint ou qui lui a été précédemment adressé ;

- elle est intervenue sur le chantier de mai 2019 au 30 août 2019, date de résiliation du marché ; elle était représentée à chaque réunion de chantier ; le procès-verbal de constat fait état d'un chantier inachevé ; il est imprécis ; l'achèvement du chantier ne saurait être mis à sa charge ; le procès-verbal ne fait pas apparaître le détail des prestations non exécutées ou inachevées susceptibles de lui être imputées ; il confirme la réalisation par elle d'une grande partie de ses prestations ; elle a fourni et posé les toilettes, lavabos, y compris la robinetterie et divers équipements tels qu'une fontaine à eau et les raccordements y afférents ; elle a réglé des factures pour l'achat de matériel d'un montant de 84 002,78 euros ; les comptes rendus de chantier attestent de la réalisation d'une grande partie des prestations sous-traitées ; le reversement de la somme de 126 539 euros représenterait un enrichissement sans cause pour la commune ; seule la pose des radiateurs ne serait pas établie, soit la somme de 35 777,42 euros HT ; le reste, soit 90 761,58 euros, correspond aux prestations exécutées ; la situation n° 8 a été validée par le maître d'œuvre et l'OPC ; les pièces versées attestent du travail effectué par la société exposante ; le procès-verbal de constat fait apparaître qu'elle a fourni et posé des appareils sanitaires ; elle a créé le réseau d'eau chaude sanitaire ; elle a également créé le réseau d'alimentation des radiateurs, les réseaux CTA, d'eau froide et d'eau chaude ; elle a posé quatre radiateurs ;

- la somme de 126 539 euros n'a pas été versée à titre d'acompte ; sa situation de travaux a été intégrée dans la situation n° 8 de la société TCE, titulaire du lot, qui a été validée par l'OPC, le maître d'œuvre et l'économiste ; la commune a accepté de procéder au paiement sur cette base ;

- la commune devait procéder à un constat contradictoire des prestations exécutées et à un inventaire des matériaux approvisionnés conformément à l'article 47.1.1 du CCAG Travaux ; le constat d'huissier n'est pas contradictoire ;

- à titre subsidiaire, elle est en droit d'obtenir le paiement de la somme de 8 308,88 euros HT soit 9 970,66 euros TTC au titre des prestations effectuées.

Par deux mémoires en défense, enregistrés respectivement les 23 janvier 2023 et 18 août 2023, la commune de Pontoise, représentée par Me Caupert, avocat, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête de la société TBS ;

2°) de mettre à la charge de la société TBS le versement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 ;

- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ;

- le décret 2016-360 du 25 mars 2016 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Camenen,

- les conclusions de Mme Janicot, rapporteure publique,

- les observations de Me Paul Bouchet substituant Me Labetoule, pour la société Technologie Bâtiment Services et celles de Me Triquet Le Bœuf substituant Me Caupert pour la commune de Pontoise.

Considérant ce qui suit :

1. La société TBS, sous-traitante agréée au titre du lot n° 7 " plomberie - CVC " du marché de construction du groupe scolaire des Lavandières de la commune de Pontoise, relève appel du jugement du 14 avril 2022 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation du titre de recettes n° 6128 émis et rendu exécutoire le 17 décembre 2019 et mettant à sa charge le remboursement de la somme de 126 539 euros versée par la commune de Pontoise au titre de ce marché.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs (...), la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience. ".

3. Il ressort des pièces du dossier de première instance que la minute du jugement attaqué a été signée par la rapporteure, la présidente de la formation de jugement et la greffière. Par suite, le moyen tiré du défaut de signature du jugement manque en fait et doit être écarté.

Au fond :

En ce qui concerne la régularité du titre de recettes :

4. En premier lieu, aux termes de l'article 24 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique : " Dans les conditions prévues pour chaque catégorie d'entre elles, les recettes sont liquidées avant d'être recouvrées. La liquidation a pour objet de déterminer le montant de la dette des redevables. Les recettes sont liquidées pour leur montant intégral, sans contraction avec les dépenses. Toute créance liquidée faisant l'objet d'une déclaration ou d'un ordre de recouvrer indique les bases de la liquidation. (...) ". Il résulte de ces dispositions qu'une collectivité territoriale ne peut mettre en recouvrement une créance sans indiquer, soit dans le titre lui-même, soit par une référence précise à un document joint à ce titre ou précédemment adressé au débiteur, les bases et les éléments de calcul sur lesquels elle se fonde pour mettre les sommes en cause à la charge de ce débiteur.

5. L'avis des sommes à payer adressé à la société TBS indique que le premier adjoint de la commune de Pontoise a émis et rendu exécutoire un titre de recettes ayant pour objet un " rbt trop perçu sur acomptes 17/12/2019 " d'un montant de 126 539 euros. Cette créance portant sur la totalité de l'acompte versé par la commune de Pontoise à la société TBS le 13 août 2019, cette dernière a ainsi pu vérifier, sans aucun calcul, le montant demandé et a ainsi été suffisamment informée des bases de la liquidation. D'ailleurs, ayant été précédemment informée par deux courriers de la commune des 28 novembre 2019 et 2 décembre 2019 qu'elle était débitrice de la somme de 126 539 euros au titre du lot n° 7 et qu'un titre de recettes lui serait prochainement adressé, la société TBS a, dans le courrier de son conseil du 13 décembre 2019, clairement manifesté qu'elle comprenait que cette somme correspondait au paiement direct effectué à son profit par la commune le 13 août 2019 à la suite d'une facture de même montant établie par elle le 27 mai 2019. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation du titre de recettes doit être écarté.

En ce qui concerne le bien-fondé de la créance :

6. En premier lieu, le cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés de travaux fait partie des pièces contractuelles régissant les relations entre le maître d'ouvrage et l'entrepreneur principal. Ses stipulations ne peuvent, dès lors, être invoquées par le sous-traitant qui n'est pas partie à ce contrat.

7. Il résulte de ce qui précède que la société TBS ne peut utilement soutenir qu'à la suite de la résiliation, il devait être procédé après convocation du titulaire, conformément aux stipulations de l'article 47.1.1 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux, " aux constatations relatives aux ouvrages et parties d'ouvrages exécutés, à l'inventaire des matériaux approvisionnés ainsi qu'à l'inventaire descriptif du matériel et des installations de chantier ". Ainsi, la société TBS ne peut utilement se prévaloir de l'absence d'établissement d'un procès-verbal contradictoire en application de ces stipulations.

8. En deuxième lieu, aux termes de l'article 6 de la loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance : " Le sous-traitant direct du titulaire du marché qui a été accepté et dont les conditions de paiement ont été agréées par le maître de l'ouvrage, est payé directement par lui pour la part du marché dont il assure l'exécution (...) ". Aux termes de l'article 114 du décret du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics alors en vigueur : " Le montant des acomptes correspond à la valeur des prestations auxquelles ils se rapportent (...) ". Aux termes de l'article 115 du même décret : " Constitue un règlement partiel définitif un règlement non susceptible d'être remis en cause par les parties après son paiement, notamment lors de l'établissement du solde. / Les marchés publics de travaux ne donnent pas lieu à des règlements partiels définitifs. / Les acomptes n'ont pas le caractère de paiements non susceptibles d'être remis en cause ". Ces articles sont applicables aux sous-traitants en vertu du II de l'article 135 de ce décret. Par ailleurs, dans l'hypothèse d'une rémunération directe du sous-traitant par le maître d'ouvrage, ce dernier peut contrôler l'exécution effective des travaux sous-traités et le montant de la créance du sous-traitant. Au titre de ce contrôle, le maître d'ouvrage s'assure que la consistance des travaux réalisés par le sous-traitant correspond à ce qui est prévu par le marché.

9. La société TBS soutient que la somme de 126 539 euros ne lui a pas été versée à titre d'acompte. Elle fait valoir qu'elle a établi une facture de ce montant le 27 mai 2019 et que cette situation de travaux a été intégrée par le titulaire du marché dans sa propre situation de travaux n° 8 en tenant compte de l'avancement réalisé. Elle fait également valoir que cette situation n° 8 a été validée par l'entreprise chargée de la mission ordonnancement, coordination et pilotage de chantier, par le maître d'œuvre et l'économiste par un certificat de paiement du 8 juillet 2019 qui a été validé par l'OPC, le maître d'œuvre et l'économiste et que la commune a accepté de procéder au paiement de la somme de 126 539 euros sur cette base, de sorte qu'elle ne pouvait en demander le remboursement a posteriori. Toutefois, alors même qu'il a été validé préalablement par l'entreprise en charge de la mission OPC, par le maître d'œuvre et l'économiste du projet, ce paiement ne pouvait présenter le caractère d'un paiement partiel définitif faisant obstacle à sa remise en cause ultérieure, en particulier à la suite de la résiliation du marché de travaux. Ainsi, le contrat ayant commencé à être exécuté, ce paiement constituait un acompte. Le maître d'ouvrage était donc fondé à en demander le remboursement dans l'hypothèse où la consistance des travaux réalisés par le sous-traitant ne correspondait pas à ce qui était prévu par le marché.

10. En troisième lieu, la société TBS reconnaît que les travaux n'étaient pas achevés lors de la résiliation du marché mais soutient qu'à l'exception de la fourniture et de la pose des radiateurs, évaluées dans son devis à la somme de 35 777,42 euros HT, elle a réalisé la majeure partie de ses prestations et qu'en particulier, elle a installé divers équipements ainsi que les réseaux d'eau chaude, d'eau froide, le réseau de la centrale de traitement de l'air et le réseau d'alimentation des radiateurs.

11. Toutefois, si les comptes rendus de chantier produits par la société TBS au titre des mois de mai, juin et juillet 2019 font apparaître qu'elle était représentée lors de ces réunions et que quelques tâches parmi celles demandées ont été effectuées, ces éléments ne suffisent nullement à établir que l'entreprise a effectivement réalisé à cette période la majeure partie de ses prestations pour un montant de 90 761,58 euros, soit la différence entre le montant de l'acompte versé et celui afférent à la fourniture et pose de radiateurs. D'ailleurs, le dernier compte rendu de chantier du 25 juillet 2019 mentionne notamment au titre des travaux en cours non réalisés non seulement la pose de radiateurs dans les salles de classes du R+2 et R+1 mais aussi la pose d'appareils sanitaires ainsi que divers raccordements.

12. En outre, si le procès-verbal de constat d'huissier établi à la demande la commune de Pontoise le 22 août 2019 ne suffit pas à établir le détail des prestations non exécutées par la société TBS, il met cependant en évidence diverses malfaçons affectant les travaux du lot n° 7, en particulier les sanitaires, et ne permet pas davantage d'établir que l'entreprise sous-traitante avait alors réalisé une grande partie de ses prestations conformément aux stipulations de son contrat. Cette preuve n'est pas davantage apportée par le diagnostic des installations de chauffage, eau froide, eau chaude sanitaire et ventilation du groupe scolaire effectué le 8 novembre 2019.

13. De plus, si la société TBS indique avoir réglé plusieurs factures auprès de son fournisseur pour l'achat d'équipements notamment destinés au chantier en litige pour un montant total qu'elle évalue à la somme de 84 002,78 euros, il n'est pas établi que l'ensemble de ces équipements a effectivement été livré et installé sur le site. D'ailleurs, la société TBS reconnaît à titre subsidiaire avoir seulement installé sur le chantier quatre radiateurs ainsi que divers équipements sanitaires pour un montant total de 8 308,88 euros HT soit 9 970,66 euros TTC. Cependant, il résulte de l'instruction, en particulier du constat effectué lors des opérations préalables à la réception du lot n° 7 le 1er octobre 2019, que les quelques équipements présents sur le site n'étaient pas fonctionnels, la commune ayant été contrainte de faire procéder à la dépose et/ou à la reprise des prestations sous-traitées à la société TBS dans le cadre de marchés de substitution conclus aux frais et risques du titulaire du marché résilié pour un montant sensiblement équivalent à celui de l'acompte versé à la société TBS. Ainsi, les travaux effectués par cette dernière s'étant révélés inutiles, la commune était fondée à solliciter le remboursement de la totalité de l'acompte qu'elle lui a versé sans qu'il en résulte pour elle un enrichissement sans cause.

14. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la société TBS n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande.

Sur les frais liés à l'instance :

15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de la société TBS tendant à leur application. Par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de la commune de Pontoise tendant à l'application de ces dispositions.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Technologie Bâtiment Services est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Pontoise sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Technologie Bâtiment Services et à la commune de Pontoise.

Délibéré après l'audience du 17 octobre 2024, à laquelle siégeaient :

Mme Signerin-Icre, présidente,

M. Camenen, président assesseur,

Mme Florent, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 novembre 2024.

Le rapporteur,

G. CAMENENLa présidente,

C. SIGNERIN-ICRE

La greffière,

V. MALAGOLILa République mande et ordonne au préfet du Val-d'Oise en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

N° 22VE01241 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22VE01241
Date de la décision : 07/11/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-04-02-02 Marchés et contrats administratifs. - Fin des contrats. - Résiliation. - Effets.


Composition du Tribunal
Président : Mme SIGNERIN-ICRE
Rapporteur ?: M. Gildas CAMENEN
Rapporteur public ?: Mme JANICOT
Avocat(s) : SCP UGGC AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 17/11/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-11-07;22ve01241 ?
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