Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société de distribution de chaleur de Clichy (SDCC) a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de condamner la commune de Clichy-la-Garenne à lui verser la somme totale de 30 247 192 euros HT, assortie des intérêts moratoires contractuels à compter du 1er juillet 2016 ou à titre subsidiaire des intérêts légaux à compter du 29 avril 2016 et de leur capitalisation, en réparation de ses préjudices résultant de la résiliation du contrat de délégation de service public de chauffage urbain.
Par un jugement n° 1607814 du 15 juillet 2021, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a condamné la commune de Clichy-la-Garenne à verser à la société SDCC la somme de 11 974 077 euros, comprenant la provision de 5 000 000 euros versée à la société SDCC le 6 juin 2017, avec intérêts au taux légal à compter du 3 mai 2016 et capitalisation à compter du 31 juillet 2017 et a condamné la société SDCC à verser la somme de 1 936 298 euros à la commune de Clichy-la-Garenne.
Procédure devant la cour :
Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et deux mémoires, enregistrés respectivement les 15 septembre 2021, 19 novembre 2021 et 31 août 2022, la société SDCC représentée par Me Noël, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il n'a que partiellement fait droit à sa demande ;
2°) de condamner la commune de Clichy-la-Garenne à lui verser la somme de 5 520 090 euros HT au titre de son manque à gagner et la somme de 12 753 024,79 euros HT au titre des pertes subies, ces sommes étant assorties des intérêts moratoires contractuels à compter du 1er juillet 2016 ou à titre subsidiaire des intérêts légaux à compter du 29 avril 2016 ;
3°) de condamner la commune de Clichy-la-Garenne à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- ses conclusions au titre de l'enrichissement sans cause ne reposent pas sur un fondement juridique nouveau en appel ; en tout état de cause, ce fondement peut être invoqué pour la première fois en appel ; il a en tout état de cause été invoqué en première instance à titre subsidiaire ;
- son moyen tiré de l'insuffisante motivation du jugement attaqué est recevable alors même qu'elle ne demande que son annulation partielle ;
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé en ce qui concerne la faute grave de la société SDCC et l'absence de faute de la commune de Clichy ;
- il est insuffisamment motivé en ce qui concerne la commune intention des parties, résultant selon lui de l'annexe 3 à l'avenant n° 9, de constituer un compte " gros entretien renouvellement " (GER) ;
- le jugement attaqué est entaché d'erreur de droit, d'erreur de qualification juridique et de dénaturation des faits et pièces du dossier ;
- elle doit être indemnisée, sur le fondement de l'enrichissement sans cause, des pertes subies entre le 1er mars 2012 et le 30 avril 2016, soit 12 753 024,79 euros HT, correspondant à la différence entre les recettes qu'elle aurait dû percevoir si l'avenant n° 9 n'avait pas été conclu et les recettes effectivement perçues en application des tarifs de cet avenant ; la baisse des tarifs a été consentie moyennant un allongement de la concession ; cette réduction n'a pu être compensée ; la minoration des tarifs caractérise un appauvrissement non compensé de la société SDCC ; la ville a pu faire bénéficier ses usagers d'un tarif minoré ; cette demande ne peut être regardée comme un manquement au principe de loyauté contractuelle ;
- elle doit être indemnisée de son manque à gagner voire, à titre subsidiaire, des pertes subies sur le fondement de la responsabilité quasi-délictuelle de la commune ; il existe un lien de causalité direct et certain entre la résiliation anticipée de la concession et son gain manqué ; la ville de Clichy et son conseil sont à l'origine des avenants n° 3 et n° 9 et a largement participé à sa rédaction ; la ville ne s'est pas contentée de signer ces avenants ; rien ne laissait penser que ces avenants étaient illégaux, ceux-ci étant fondés sur les nouvelles dispositions de l'article L. 1411-2 du code général des collectivités territoriales introduites par la loi du 12 juillet 2010 ; l'avenant n° 9 répondait aux conditions fixées par ce texte ; rien ne laissait supposer que le tribunal administratif en ferait une interprétation particulièrement stricte ; la société SDCC n'a pas commis de faute et encore moins de faute grave ;
- les biens de la délégation étaient en bon état d'entretien et ne nécessitaient pas de réparation à hauteur du solde des provisions ; aucune stipulation du contrat ne prévoyait la constitution d'une provision GER et/ou les modalités de fonctionnement d'un compte GER ; l'économie générale du contrat était bâtie de telle sorte que le concessionnaire devait supporter le coût des travaux d'entretien pour leur valeur réelle et non leur valeur potentielle fondée sur le montant des provisions ; la solution du tribunal conduit à un enrichissement sans cause de la ville voire du nouveau concessionnaire ; au surplus, le contrat a été résilié prématurément et n'est pas parvenu à son terme ;
- elle n'a pas privé la ville de son pouvoir de contrôle ; elle n'a jamais fait l'objet de pénalités ; elle a toujours transmis les documents demandés au cours de l'exécution du contrat ; les conclusions de la commune tendant au versement de la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts doivent être rejetées ;
- une expertise n'est pas nécessaire compte tenu du rapport qu'elle a fourni concernant la valeur nette comptable des investissements qui a été soumis au débat contradictoire ;
- elle a droit d'être indemnisée de la valeur non amortie des investissements réalisés à la suite de la résiliation de la concession ; elle n'a pas introduit de dépenses d'entretien et de fonctionnement dans la valeur nette comptable des biens de retour ; la commune doit supporter cette dépense indépendamment de leur utilité ; le montant de la chaufferie figurant dans l'avenant n° 9 était seulement prévisionnel ; la ville a été informée et a accepté son coût définitif et ses caractéristiques ; le coût aurait été le même pour une chaufferie de 5 MW ; la ville n'a jamais présenté aucune réserve ou observation sur l'utilité, la puissance ou le coût de la chaufferie ; elle a pratiqué un amortissement de caducité destiné à amortir les immobilisations sur la durée restante de la concession, soit 20 ans à compter de 2012 ; l'article 28 du cahier des charges ne concerne que les investissements effectués dans les quinze dernières années de la concession qui donnent lieu, en cas de remise anticipée au concédant, au versement d'une indemnité diminuée d'un quinzième par année d'usage ; l'expert a expliqué sa méthode pour l'analyse du préjudice au titre de la valeur comptable résiduelle des immobilisations ; il a contrôlé les pièces justificatives ;
- la société Clichy Energie Verte ne justifie pas d'un intérêt suffisant ; son intervention est irrecevable ;
- à titre subsidiaire, le jugement attaqué n'est pas nul au motif qu'il a pris en compte les éléments d'un rapport financier soumis au débat contradictoire.
Par un mémoire en intervention, enregistré le 31 mai 2022, la société Clichy Energie Verte représentée par Me Girard, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement attaqué en tant qu'il a condamné la commune de Clichy-la-Garenne à verser à la société SDCC la somme de 11 974 077 euros et en tant qu'il a rejeté la demande d'expertise de la commune ;
2°) de rejeter la requête de la société SDCC ;
3°) de désigner un expert avant dire droit pour calculer la valeur nette comptable et la valeur vénale des biens de retour et s'assurer que les investissements réalisés ou à réaliser par elle sont exclusivement de nature à permettre une remise en état de bon fonctionnement du réseau de chauffage urbain délégué.
Elle soutient que :
- son intervention est recevable, la valeur nette non amortie des biens de retour telle qu'évaluée par le jugement attaqué pouvant, au moins partiellement, servir de référence pour déterminer le montant du droit d'entrée qu'elle doit verser à la ville ; sa requête indemnitaire contre la ville de Clichy-la-Garenne vise seulement à apprécier l'état de certains biens de retour et les travaux qu'elle a réalisés ;
- c'est à tort que le tribunal a arrêté la valeur non amortie des biens de retour à la somme de 11 974 077 euros ; le rapport d'expertise comptable produit par la société SDCC ne permet pas d'établir cette valeur ; selon son contrat de concession, elle correspond aux seuls investissements liés à la construction d'une chaufferie bois/biomasse ; son coût prévisionnel représente 4 913 000 euros ; quinze lignes d'immobilisation représentant plus de 10 % du montant total ne sont pas justifiées ; les biens récupérés à la suite de la résiliation du contrat de concession étaient dans un état catastrophique ; une expertise contradictoire doit être effectuée ;
- les moyens invoqués par la société SDCC ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 1er juin 2022, la commune de Clichy-la-Garenne, représentée par Me Margaroli, avocate, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement attaqué en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à déclarer le jugement commun à la société Clichy Energie Verte, l'a condamnée à verser à la société SDCC la somme de 11 974 077 euros et mis à sa charge la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
2°) de rejeter la requête de la société SDCC ;
3°) de condamner la société SDCC à lui verser la somme de 50 000 euros ;
4°) de déclarer la décision à intervenir opposable à la société Clichy Energie Verte ;
5°) de désigner avant dire droit un expert pour calculer la valeur nette comptable et la valeur vénale des biens de retour ;
6°) de mettre à la charge de la société SDCC la somme de 10 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et 5 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel.
Elle soutient que :
- le moyen tiré de l'insuffisante motivation du jugement attaqué est irrecevable et inopérant dès lors que la SDCC n'a demandé que l'annulation partielle de ce jugement et qu'y faire droit conduirait à statuer ultra petita ;
- la motivation concernant la responsabilité quasi-délictuelle de la commune est suffisante ;
- il en va de même de la motivation concernant le compte GER ;
- les demandes de la société SDCC tendant à la condamnation de la commune à lui verser la somme de 5 520 090 euros HT au titre de son manque à gagner et la somme de 12 753 024,79 euros HT au titre de la perte subie sur le fondement de la responsabilité quasi-contractuelle sont nouvelles en appel ;
- la perte de 12 753 024,79 euros HT, dont l'indemnisation est demandée sur un fondement extracontractuel, correspond à la marge nette qu'elle a accepté volontairement de ne pas percevoir et qu'il serait contraire au principe de loyauté des relations contractuelles de lui octroyer ; il ne s'agit pas d'une dépense utile ; cette perte est sans lien direct avec l'illégalité des documents contractuels ; subsidiairement, la faute de la société SDCC exonère totalement la commune ;
- pour le manque à gagner de 5 520 090 euros HT et la perte précitée, dont l'indemnisation est demandée à titre subsidiaire sur un fondement quasi-délictuel, il y a pas de lien de causalité avec la faute de la commune dès lors que rien ne permet d'affirmer que l'offre de la société SDCC aurait été jugée la meilleure en 2011/2012 ; le préjudice invoqué est hypothétique compte tenu du contexte sanitaire et international et de la durée du contrat de 16 ans restant à courir ; la société SDCC est dans une situation illégitime ; la société SDCC a commis une faute en proposant la reconduction du contrat ; la société SDCC, émanation de la société Engie, qui a toujours eu le même conseil, savait dès l'origine que la prolongation du contrat était illégale ; elle n'a pas alerté la commune en méconnaissance de l'obligation de loyauté contractuelle ; elle a commis une faute d'une particulière gravité ;
- le solde positif du compte GER constitue un bien de retour ; ces provisions étaient nécessaires compte tenu de l'état désastreux des installations ; l'intention des parties a toujours été de faire supporter les dépenses d'entretien et de renouvellement par le délégataire ; le refus de restituer les provisions au délégant aboutirait à un enrichissement sans cause ;
- la société SDCC a commis des fautes en s'opposant au pouvoir de contrôle de l'autorité délégante ;
- le jugement attaqué est entaché d'erreur de droit et d'appréciation en ce qui concerne le rejet de ses conclusions tendant à le voir déclarer commun à la société Clichy Energie Verte ; les conditions d'exécution de l'actuel contrat de concession sont indifférentes ; l'action introduite par la société CEVE ne concerne pas la valeur nette comptable des biens de retour non amortis ; les intérêts de la ville et de la société CEVE sont divergents ;
- le jugement attaqué est entaché d'erreur de droit et d'appréciation dès lors qu'il s'est fondé sur une expertise non contradictoire ; une expertise contradictoire doit être prescrite ; il est impossible de s'assurer que la valeur nette comptable des investissements non amortis n'est pas d'un montant supérieur à la valeur réelle de ces investissements et de la réalité des factures et sommes acquittées, la ville n'ayant jamais été en possession des pièces comptables ;
- le jugement attaqué est entaché d'erreur de droit en ce qu'il a retenu au titre de la valeur nette comptable des dépenses à la charge du délégataire ; la société SDCC a imputé dans la VNC des dépenses qui manifestement ne sont pas comprises dans les biens de retour ; le tribunal ne s'est pas assuré qu'ils avaient été remis à la collectivité ; ils ne sont pas nécessaires à l'exploitation du service public ; la SDCC a installé une centrale de 7 MW pour plus de 7 millions d'euros alors qu'elle s'était engagée à réaliser une centrale de 5 MW pour 4 913 000 euros ; le tribunal a également commis une erreur de droit en ne s'assurant pas de la valeur vénale des installations remises ; l'article 10 de l'avenant n° 9 n'a pas dérogé au principe de l'article 28 du cahier des charges selon lequel le concessionnaire doit supporter les travaux de remise en état des ouvrages remis qui ne sont pas en état normal ; la société SDCC a modifié unilatéralement les règles d'amortissement en pratiquant un amortissement " de caducité " sur la durée restante de la concession, soit 20 ans à compter de 2012 alors que les stipulations de l'article 28 du cahier des charges, qui prévoyaient pour les installations financées dans les 15 dernières années, la remise moyennant le versement d'une indemnité diminuée d'un quinzième par année d'usage, sont demeurées inchangées ; le jugement est insuffisamment motivé et entaché d'une dénaturation en ce qui concerne la volonté des parties de modifier les règles d'amortissement ;
- en ce qui concerne la perte de chiffre d'affaires, le rapport d'expert-comptable produit par la société SDCC est sujet à caution, celui-ci évoquant lui-même des incertitudes s'élevant au total à la somme de 2 750 647 euros.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- les jugements n° 1201456 et n° 1205220 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 19 décembre 2014 ;
- l'ordonnance n° 1607817 du juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Camenen,
- les conclusions de Mme Janicot, rapporteure publique,
- les observations de Me Noël pour la société de distribution de chaleur de Clichy, celles de Me Bail substituant Me Margaroli pour la commune de Clichy-la-Garenne, et celles de Me Du Rusquec substituant Me Girard pour la société Clichy Energie Verte.
Considérant ce qui suit :
1. La société SDCC, concessionnaire du réseau de chauffage urbain de la commune de Clichy-la-Garenne jusqu'au 1er mai 2016, relève appel du jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 15 juillet 2021 en tant qu'il a rejeté les conclusions de sa demande tendant à la condamnation de la commune à lui verser la somme de 12 753 024,79 euros HT au titre de ses pertes résultant de la baisse de tarifs consentie entre le 1er mars 2012 et le 30 avril 2016 et la somme de 5 520 090 euros correspondant à son manque à gagner au titre de la période de résiliation du contrat de concession. Elle sollicite également l'annulation de ce jugement en tant qu'il l'a condamnée à verser à la commune de Clichy-la-Garenne la somme de 1 936 298 euros correspondant au solde de ses provisions pour le gros entretien, renouvellement des installations concédées. Par la voie de l'appel incident, la commune de Clichy-la-Garenne demande à la cour d'annuler le jugement attaqué en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à déclarer le jugement commun à la société Clichy Energie Verte (CEVE), concessionnaire du réseau de chauffage urbain depuis 2016, l'a condamnée à verser à la société SDCC la somme de 11 974 077 euros au titre de la valeur nette comptable des biens dits de retour non amortis, a rejeté ses conclusions indemnitaires et mis à sa charge la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Enfin, la société CEVE a présenté un mémoire en intervention volontaire en défense.
Sur l'intervention de la société CEVE :
2. Est recevable à former une intervention, devant le juge du fond comme devant le juge de cassation, toute personne qui justifie d'un intérêt suffisant eu égard à la nature et à l'objet du litige.
3. Il résulte de l'instruction que, en exécution de deux jugements du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 19 décembre 2014 annulant la délibération du conseil municipal de la commune de Clichy-la-Garenne du 21 décembre 2011 autorisant le maire à signer les avenants n° 3 et n° 9 au contrat de concession et faisant injonction à la commune de résilier ce contrat à compter du 1er mai 2016, la commune a conclu un nouveau contrat pour la gestion et l'exploitation du réseau de chaleur urbain. Aux termes de l'article 22 de ce contrat, le délégataire devra verser à la collectivité un droit d'entrée correspondant à la valeur des biens de retour et de reprise non amortis que le délégataire sortant aura restitué ou cédé à la collectivité. Les biens concernés sont notamment les biens de retour, installations de premier établissement, non amortis au 30 avril 2016. Il est stipulé que le droit d'entrée devra être justifié par la collectivité et qu'il fera l'objet de l'émission d'un titre de recettes. L'article 20 du contrat évoque un droit d'entrée prévisionnel de 12 millions d'euros. Le contrat prévoit en outre un mécanisme d'ajustement de la partie R2.4 du tarif appliqué à l'usager, relative à la redevance liée à l'amortissement et au financement des ouvrages, tenant compte du montant effectivement perçu de subventions et du montant définitif du droit d'entrée, et une clause générale de réexamen des conditions financières. Ainsi, la société CEVE sera amenée, d'une part, à verser à la commune de Clichy-la-Garenne le solde du droit d'entrée une fois son montant définitif déterminé et, d'autre part, à ajuster le cas échéant les tarifs appliqués aux usagers ainsi que sa rémunération. Dans ces conditions, le présent litige ayant notamment pour objet de déterminer la valeur des biens de retour non amortis, la société CEVE justifie d'un intérêt suffisant pour intervenir dans la présente instance.
Sur la régularité du jugement attaqué :
4. En premier lieu, le jugement attaqué précise notamment dans son point 15 : " Si la commune de Clichy-la-Garenne, en signant les avenants précités, a méconnu les obligations de publicité et de mise en concurrence, ce qui a entraîné la résiliation du contrat sur injonction du juge, la SDCC a elle-même commis une grave faute en se prêtant à la conclusion d'avenants dont, compte tenu de son expérience, elle ne pouvait ignorer l'illégalité. Cette faute constitue la seule cause directe des préjudices subis par la société requérante à raison de la perte du bénéfice attendu du contrat. Par suite, la SDCC n'est pas fondée à demander l'indemnisation des préjudices relatifs au manque à gagner et aux pertes subies, nonobstant la faute de la collectivité. ". Il a ainsi été suffisamment motivé en ce qui concerne la faute grave de la société SDCC et celle de la commune.
5. En deuxième lieu, le jugement attaqué indique dans son point 31 que " si, ainsi que le soutient la SDCC, aucune stipulation contractuelle ne prévoit la constitution d'un compte de GER, la seule mention au titre de l'annexe 3 de l'avenant n° 9 d'un plan de GER traduit la commune intention des parties de prévoir un plan de dépenses à la charge du concessionnaire à l'effet de prévoir les dépenses annuelles utiles aux travaux de renouvellement des ouvrages. ". Il a ainsi été suffisamment motivé en ce qui concerne la commune intention des parties de constituer un compte GER.
6. En troisième lieu, le point 21 du jugement attaqué considère que " l'amortissement a été régulièrement calculé conformément à la volonté des parties exprimée par l'avenant n°9 et la société requérante était fondée à modifier son plan d'amortissement des investissements jusqu'au terme du contrat, soit au 30 septembre 2032 en ce qui concerne tous les biens apportés à la concession appelés à revenir à la commune, que ce soit au titre des immobilisations nouvelles ou des immobilisations antérieures à la prolongation contractuelle. L'expert-comptable a d'ailleurs relevé, d'une part, que la méthode d'amortissement a été contractuellement fixée afin de pratiquer un amortissement " de caducité ", destiné à amortir les immobilisations sur la durée restante de la concession afin que leur valeur nette comptable soit nulle à l'échéance conventionnelle fixée au 30 septembre 2032 et, d'autre part, que la base d'amortissement retenue a été la valeur d'acquisition pour les biens achetés à compter du 1er mars 2012 et leur valeur nette comptable résiduelle au 28 février 2012 pour les biens acquis antérieurement à cette date. ". Ce jugement a ainsi été suffisamment motivé en ce qui concerne la volonté des parties de modifier les règles d'amortissement.
7. En quatrième lieu, seuls peuvent faire l'objet d'une déclaration de jugement commun, devant une juridiction administrative, les tiers dont les droits et obligations à l'égard des parties en cause pourraient donner lieu à un litige dont la juridiction saisie eût été compétente pour connaître et auxquels, d'autre part, pourrait préjudicier ledit jugement, dans des conditions leur ouvrant le droit de former tierce-opposition à ce jugement.
8. La commune de Clichy-la-Garenne soutient que la décision fixant le montant de la valeur nette comptable des biens de retour non amortis préjudicie aux droits du nouveau concessionnaire, son contrat mettant à sa charge le versement de droits d'entrée correspondant à la valeur des biens de retour et de reprise non amortis. Toutefois, le litige opposant la société SDCC à la commune de Clichy-la-Garenne n'a pas lui-même pour objet ou pour effet de déterminer le montant de ce droit d'entrée à la charge du nouveau concessionnaire mais seulement de déterminer la valeur des biens de retour non amortis devant faire l'objet d'une indemnisation par l'autorité délégante au profit de l'ancien concessionnaire. Dans ces conditions, le jugement attaqué ne peut être regardé comme ayant préjudicié aux droits de la société CEVE. Par suite, la commune n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté ses conclusions tendant à ce que ce jugement soit déclaré commun à la société CEVE.
9. Enfin, si la société SDCC et la commune de Clichy-la-Garenne soutiennent que le jugement attaqué est entaché d'erreurs de droit ou d'appréciation ou de dénaturation des pièces du dossier, de tels moyens sont sans incidence sur sa régularité et ne sont pas de la nature de ceux qui peuvent utilement être soumis au juge d'appel.
10. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les fins de non-recevoir opposées par la commune de Clichy-la-Garenne, que les moyens tirés de l'irrégularité du jugement attaqué doivent être écartés.
Au fond :
Sur l'appel de la société SDCC :
11. En premier lieu, lorsqu'une décision juridictionnelle, comme en l'espèce, eu égard au droit alors applicable, a enjoint à une personne publique de résilier un contrat, ou lorsque, désormais, dans le cadre d'un recours en contestation de la validité d'un contrat, le juge prononce une telle résiliation, cette circonstance n'implique pas, par elle-même, une absence de droit à indemnisation au bénéfice du cocontractant. Ce droit à indemnisation s'apprécie alors, conformément aux principes du droit des contrats administratifs, au regard des motifs de la décision juridictionnelle et, le cas échéant, des stipulations du contrat applicables.
12. En second lieu, l'entrepreneur dont le contrat est entaché de nullité peut prétendre, sur un terrain quasi-contractuel, au remboursement de celles de ses dépenses qui ont été utiles à la collectivité envers laquelle il s'était engagé. Les fautes éventuellement commises par l'intéressé antérieurement à la signature du contrat sont sans incidence sur son droit à indemnisation au titre de l'enrichissement sans cause de la collectivité, sauf si le contrat a été obtenu dans des conditions de nature à vicier le consentement de l'administration, ce qui fait obstacle à l'exercice d'une telle action. Dans le cas où le contrat est écarté en raison d'une faute de l'administration, l'entrepreneur peut en outre, sous réserve du partage de responsabilités découlant le cas échéant de ses propres fautes, prétendre à la réparation du dommage imputable à la faute de l'administration. A ce titre il peut demander le paiement des sommes correspondant aux autres dépenses exposées par lui pour l'exécution du contrat et aux gains dont il a été effectivement privé du fait de sa non-application, notamment du bénéfice auquel il pouvait prétendre, si toutefois l'indemnité à laquelle il a droit sur un terrain quasi-contractuel ne lui assure pas déjà une rémunération supérieure à celle que l'exécution du contrat lui aurait procurée. Saisi d'une demande d'indemnité sur ce fondement, il appartient au juge d'apprécier si le préjudice allégué présente un caractère certain et s'il existe un lien de causalité direct entre la faute de l'administration et le préjudice.
13. A la suite de la résiliation du contrat de concession de chauffage urbain intervenue à compter du 1er mai 2016 conformément aux jugements précités du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 19 décembre 2014, la société SDCC sollicite la condamnation de la commune de Clichy-la-Garenne à lui verser la somme de 12 753 024,79 euros HT au titre de ses pertes résultant de la baisse de tarifs consentie entre le 1er mars 2012 et le 30 avril 2016 et la somme de 5 520 090 euros correspondant à son manque à gagner au titre de la période de résiliation du contrat de concession, à titre principal, sur le fondement de l'enrichissement sans cause en ce qui concerne cette première indemnité, et, sur le fondement de la responsabilité quasi-délictuelle pour la seconde ainsi que pour la première à titre subsidiaire.
En ce qui concerne l'enrichissement sans cause :
14. Il résulte de l'instruction, en particulier du rapport d'expert-comptable du 24 novembre 2017 produit par la société SDCC, que conformément aux stipulations de l'avenant n° 9 au contrat de concession, la société SDCC a consenti en 2012 une baisse de ses tarifs à raison de 30 % par rapport au tarif TTC d'avril 2011, soit 20 % à compter de l'entrée en vigueur de cet avenant le 1er mars 2012, puis 10 % à la mise en service de la nouvelle chaufferie biomasse, jusqu'au 30 avril 2016, date à laquelle le contrat a été résilié. En raison de cette résiliation, la baisse de tarifs, qui aurait dû trouver sa contrepartie dans l'allongement de la durée de la concession pour une période de 17 ans jusqu'en 2032, a, selon la société SDCC, constitué une perte correspondant à l'écart constaté entre les recettes qu'elle aurait dû percevoir si l'avenant n° 9 n'avait pas été conclu et les recettes perçues par elle en application de cet avenant pour la période comprise entre le 1er mars 2012 et le 30 avril 2016. La société SDCC sollicite, à titre principal, l'indemnisation de cette perte sur le fondement de l'enrichissement sans cause.
15. Toutefois, en premier lieu, si cette baisse de tarifs consentie par le concessionnaire a entraîné son appauvrissement au titre de la période comprise entre le 1er mars 2012 et le 30 avril 2016, il n'est pas établi que la commune de Clichy-la-Garenne se serait enrichie corrélativement à cet appauvrissement, la baisse de tarifs ayant bénéficié aux usagers du service et non directement à la collectivité.
16. En second lieu, les dépenses utiles susceptibles d'être indemnisées au titre de l'enrichissement sans cause comprennent, à l'exclusion de toute marge bénéficiaire, les dépenses qui ont été directement engagées par le cocontractant pour la réalisation des fournitures, travaux ou prestations destinés à l'administration. Ainsi, une baisse de tarifs consentie par un concessionnaire en contrepartie de l'allongement de la durée de la concession ne saurait par elle-même donner lieu à une indemnisation sur le fondement de l'enrichissement sans cause. Par suite, les conclusions présentées par la société SDCC sur ce fondement doivent être rejetées, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée par la commune.
En ce qui concerne la responsabilité quasi-délictuelle :
S'agissant des fautes :
17. En premier lieu, il résulte de l'instruction, en particulier des deux jugements susvisés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 19 décembre 2014, que les avenants n° 3 et n° 9 à la convention de concession de chauffage urbain ont substantiellement modifié l'équilibre financier de cette convention et prolongé sa durée pour une période supplémentaire de 17 ans dans des conditions de nature à les faire regarder comme constituant de nouveaux contrats. Le tribunal administratif a jugé que les dispositions de l'article L. 1411-2 du code général des collectivités territoriales ne permettaient pas la conclusion de tels avenants et que la délibération du conseil municipal du 21 décembre 2011 autorisant le maire à les signer n'avait pas respecté les règles de mise en concurrence préalable prévues par les dispositions de l'article L. 1411-1 du code général des collectivités territoriales. Ainsi, en autorisant la signature de tels avenants, la commune de Clichy-la-Garenne a commis une faute de nature à engager sa responsabilité à l'égard de son ancien concessionnaire.
18. En second lieu, si la société SDCC fait valoir qu'il existait, avant l'intervention des jugements précités, une incertitude quant à la portée des dispositions de l'article L. 1411-2 du code général des collectivités territoriales modifiées par la loi du 12 juillet 2010 portant engagement national pour le logement, celles-ci ayant autorisé la prolongation d'une délégation de service public lorsque le délégataire est contraint, à la demande du délégant, de réaliser des investissements matériels non prévus au contrat initial de nature à modifier l'économie générale de la délégation et qui ne pourraient être amortis pendant la durée de la convention restant à courir que par une augmentation de prix manifestement excessive, elle a néanmoins elle-même commis une faute en signant de tels avenants dont elle ne pouvait exclure, compte tenu notamment de son expérience et de l'importance du groupe auquel elle appartient, qu'ils étaient susceptibles d'être regardés comme constituant un nouveau contrat. Toutefois, contrairement à ce que soutient la commune, il n'est pas établi que la société SDCC connaissait, dès l'origine, l'illégalité de ces avenants et qu'elle aurait manqué à son obligation de loyauté en s'abstenant d'en informer la commune. La société SDCC ne saurait davantage être regardée comme s'étant placée dans une situation illégitime excluant tout droit à réparation sur un fondement quasi-délictuel. Par ailleurs, un rapport d'observations provisoires de la chambre régionale des comptes d'Ile-de-France du 29 juillet 2016, non remis en cause par le rapport d'observations définitives qui suivra, indique que le conseil de ville lui a remis une note le 12 décembre 2011 l'incitant à signer ces avenants, ce conseil ayant joué " un rôle essentiel dans le choix de la solution qui a été ensuite annulée par le juge ". Dans les circonstances de l'espèce, la société SDCC ayant elle-même été assistée lors de la préparation de ces avenants de ses propres conseils, les parties doivent être regardées comme ayant contribué chacune pour moitié à la survenance des préjudices dont il est demandé réparation.
S'agissant des préjudices :
19. En premier lieu, la société SDCC demande la condamnation de la commune de Clichy-la-Garenne à lui verser la somme de 12 753 024,79 euros HT au titre de ses pertes résultant de la baisse de tarifs consentie entre le 1er mars 2012 et le 30 avril 2016. Dans son rapport du 24 novembre 2017, l'expert-comptable mandaté par la société SDCC indique que " la DSP ayant été résiliée de façon anticipée, la baisse tarifaire consentie par la SDCC et qui aurait dû trouver sa contrepartie dans un allongement de la durée de la concession a constitué une perte pour le concessionnaire ". Il précise que " cette perte correspond à l'écart constaté entre les recettes qu'aurait dû percevoir la SDCC si l'avenant n° 9 n'avait pas été conclu et les recettes perçues par la société au titre des tarifs fixés par l'avenant n° 9, pour la période allant du 1er mars 2012 au 30 avril 2016 ". Ce rapport évalue cette perte à la somme de 12 753 025 euros, celle-ci constituant selon lui " une perte de marge d'égal montant puisqu'aucun coût variable additionnel n'était attaché à ce chiffre d'affaires perdu ". Dans un second rapport du 22 décembre 2020, ce même expert-comptable évalue le manque à gagner résultant de la résiliation du contrat pour la période comprise entre le 1er mai 2016 et le 30 septembre 2032 à la somme de 5 520 090 euros. Dès lors que la baisse de tarifs consentie par la société SDCC à compter du 1er mars 2012 devait être compensée par l'allongement du contrat de concession jusqu'en 2032, la perte de bénéfice subie par l'ancien concessionnaire pour la période postérieure à la date d'effet de la résiliation compense nécessairement les pertes subies antérieurement liées à cette baisse de tarifs. Ainsi, l'indemnité réclamée par la société SDCC au titre de la période antérieure à la résiliation fait double emploi avec celle qu'elle sollicite au titre de la période postérieure. Par suite, elle n'est pas fondée à en demander réparation.
20. En second lieu, la société SDCC sollicite une indemnité d'un montant de 5 520 090 euros au titre de sa perte de bénéfice net pour la période comprise entre le 1er mai 2016 et le 30 septembre 2032. Les modalités de calcul de cette indemnité sont précisées dans le rapport d'expert-comptable précité du 22 décembre 2020 et ne sont pas par elles-mêmes contestées en défense. Il n'est pas établi que compte tenu de la crise sanitaire liée au Covid 19, de la guerre en Ukraine et de la durée de 16 années du contrat restant à courir lors de sa résiliation, le préjudice subi par la société SDCC serait purement hypothétique, ce contrat ayant été conclu initialement le 18 janvier 1965 pour une durée de 30 ans et ayant déjà été prolongé pour une durée de 20 ans jusqu'au 30 septembre 2015 par un avenant du 10 décembre 1991. Enfin, si la société SDCC a commis une faute en signant les avenants n° 3 et n° 9 au contrat de concession, la commune de Clichy-la-Garenne a, ainsi qu'il a été dit précédemment, commis elle-même une faute en choisissant de prolonger une nouvelle fois la concession pour une durée de 17 ans. Ainsi, la faute commise par la SDCC ne peut être regardée comme constituant la seule cause directe de son préjudice résultant de la perte de bénéfices attendus sur la partie résiliée du contrat. Alors même que la société SDCC n'a pas été retenue en 2016 lors de la consultation organisée pour la réattribution de la concession de chauffage urbain, elle ne peut être regardée comme ayant été dépourvue de chance sérieuse d'obtenir la prolongation de son contrat lors des négociations engagées avec la commune en 2011/2012. Par suite, son manque à gagner sur la partie résiliée du contrat présente un lien de causalité direct et certain avec la faute commise par la commune. Compte tenu du partage de responsabilités précédemment retenu, il y a lieu de condamner cette dernière à lui verser une indemnité de 2 760 045 euros, cette somme étant assortie des intérêts légaux à compter de la réception de la réclamation préalable de la société SDCC le 3 mai 2016.
En ce qui concerne le solde du compte GER :
21. Dans le cadre d'une concession de service public mettant à la charge du cocontractant les investissements correspondant à la création ou à l'acquisition des biens nécessaires au fonctionnement du service public, l'ensemble de ces biens, meubles ou immeubles, appartient, dans le silence de la convention, dès leur réalisation ou leur acquisition à la personne publique.
22. A l'expiration de la convention, les biens qui sont entrés, en application de ces principes, dans la propriété de la personne publique et ont été amortis au cours de l'exécution du contrat font nécessairement retour à celle-ci gratuitement, sous réserve des clauses contractuelles permettant à la personne publique, dans les conditions qu'elles déterminent, de faire reprendre par son cocontractant les biens qui ne seraient plus nécessaires au fonctionnement du service public. Le contrat qui accorde au concessionnaire, pour la durée de la convention, la propriété des biens nécessaires au service public autres que les ouvrages établis sur la propriété d'une personne publique, ou certains droits réels sur ces biens, ne peut, sous les mêmes réserves, faire obstacle au retour gratuit de ces biens à la personne publique en fin de concession.
23. Les sommes requises pour l'exécution des travaux de renouvellement des biens nécessaires au fonctionnement du service public qui ont seulement donné lieu, à la date d'expiration du contrat, à des provisions, font également retour à la personne publique. Il en va de même des sommes qui auraient fait l'objet de provisions en vue de l'exécution des travaux de renouvellement pour des montants excédant ce que ceux-ci exigeaient, l'équilibre économique du contrat ne justifiant pas leur conservation par le concessionnaire.
24. Il résulte de l'instruction, en particulier des comptes rendus annuels établis par la société SDCC au titre des exercices 2012 et suivants, que le concessionnaire a constitué chaque année des provisions au titre des travaux de gros entretien renouvellement (GER). Au 31 décembre 2012, le solde de la provision GER s'établissait à la somme de 2 237 677 euros. Fin 2015, il s'élevait à la somme de 2 072 447 euros. Le compte rendu pour 2016 fait apparaître que le compte GER a été approvisionné d'un montant de 232 916 euros au titre de l'exercice 2016 et qu'il a fait l'objet d'une reprise de provision à hauteur de 396 064 euros pour la période allant du 1er janvier au 30 avril 2016. Ainsi, ce compte GER a permis au concessionnaire de financer les travaux de gros entretien renouvellement sur le réseau concédé au moins depuis 2012. En annexant à l'avenant n° 9 au contrat de concession, un compte d'exploitation prévisionnel faisant apparaître un compte " charges P3 GER ", la commune de Clichy-la-Garenne et la société SDCC ont entendu prévoir la constitution annuelle de provisions par le concessionnaire au titre des dépenses de gros entretien renouvellement. D'ailleurs, l'article 6 de l'avenant n° 9 au contrat stipule que le concessionnaire s'engage à présenter à la collectivité les dépenses à réaliser en année N au titre du GER dans le dernier trimestre de l'année N-1 et que le concessionnaire et la collectivité s'engagent à revoir tous les trois ans, si nécessaire, le plan GER. A supposer même que les ouvrages restitués par l'ancien concessionnaire se trouvaient en bon état lors de la résiliation du contrat en 2016, ce que conteste cependant la société CEVE, la commune est fondée à demander la restitution des sommes ayant fait l'objet de provisions en vue de l'exécution de travaux de gros entretien renouvellement pour des montants excédant ce que ceux-ci exigeaient, conformément aux principes précédemment rappelés. Ainsi, alors même que le contrat de concession a été résilié avant son échéance prévue en 2032, la société SDCC n'est pas fondée à soutenir que leur restitution représente un enrichissement sans cause pour la commune voire pour le nouveau concessionnaire, aucun élément ne permettant de remettre en cause le bien-fondé des provisions constituées par la société SDCC. Par suite, la commune est fondée à demander la restitution du solde du compte GER.
25. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la société SDCC est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté ses conclusions tendant au versement d'une indemnité de 2 760 045 euros au titre de son manque à gagner sur la partie résiliée du contrat de concession.
Sur l'appel incident de la commune de Clichy-la-Garenne :
En ce qui concerne les conclusions indemnitaires :
26. La commune de Clichy-la-Garenne sollicite la condamnation de la société SDCC à lui verser une indemnité de 50 000 euros en réparation de son préjudice résultant de la faute commise par cette dernière qui se serait opposée au pouvoir de contrôle de l'autorité délégante. Elle fait valoir qu'elle a demandé dans un courrier du 13 avril 2016, la communication de l'ensemble des comptes rendus de contrôle et des autorisations préfectorales concernant l'exploitation des ICPE, accompagnées de leurs éventuelles prescriptions techniques. Elle fait également valoir qu'elle a demandé à trois reprises de répondre aux interrogations d'un cabinet d'audit sur son rapport financier de l'exercice 2015.
27. Toutefois, il résulte de l'instruction, en particulier d'un courrier de la société SDCC du 6 juin 2017, que cette dernière a notamment fourni à la commune la copie de ses comptes au 31 décembre 2016 certifiés par un commissaire aux comptes. Elle a également fourni chaque année un compte rendu de la délégation dans lequel figurait le compte de résultat de l'exercice concerné. Ainsi, la société SDCC ne peut être regardée comme s'étant fautivement opposée au pouvoir de contrôle de l'administration. Les différents courriers échangés entre la société SDCC ou la société Engie à l'occasion de la résiliation du contrat ne permettent pas davantage de caractériser une opposition fautive de l'ancien concessionnaire. Au demeurant, la commune ne justifie nullement de l'existence d'un quelconque préjudice en lien direct et certain avec la faute qu'aurait commise la société SDCC. Par suite, la commune de Clichy-la-Garenne n'est pas fondée à demander la condamnation de la société SDCC à lui verser une indemnité d'un montant de 50 000 euros.
En ce qui concerne la valeur nette comptable des biens dits de retour :
28. Lorsque la collectivité publique résilie une concession de service public avant son terme normal, le concessionnaire est fondé à demander l'indemnisation du préjudice qu'il subit à raison du retour des biens nécessaires au fonctionnement du service public à titre gratuit dans le patrimoine de cette collectivité, lorsqu'ils n'ont pu être totalement amortis, soit en raison d'une durée du contrat inférieure à la durée de l'amortissement de ces biens, soit en raison d'une résiliation à une date antérieure à leur complet amortissement. Lorsque l'amortissement de ces biens a été calculé sur la base d'une durée d'utilisation inférieure à la durée du contrat, cette indemnité est égale à leur valeur nette comptable inscrite au bilan. Dans le cas où leur durée d'utilisation était supérieure à la durée du contrat, l'indemnité est égale à la valeur nette comptable qui résulterait de l'amortissement de ces biens sur la durée du contrat. Si, en présence d'une convention conclue entre une personne publique et une personne privée, il est loisible aux parties de déroger à ces principes, l'indemnité mise à la charge de la personne publique au titre de ces biens ne saurait en toute hypothèse excéder le montant calculé selon les modalités précisées ci-dessus.
29. En premier lieu, dans le cadre d'une délégation de service public ou d'une concession de travaux mettant à la charge du cocontractant les investissements correspondant à la création ou à l'acquisition des biens nécessaires au fonctionnement du service public, l'ensemble de ces biens, meubles ou immeubles, appartient, dans le silence de la convention, dès leur réalisation ou leur acquisition à la personne publique.
30. La commune de Clichy-la-Garenne soutient que la valeur nette comptable des biens de retour non amortis dont il est demandé réparation inclut des frais d'entretien, de réparation et de rénovation à la charge du concessionnaire. Elle fait valoir que la liste des biens de retour a été actualisée par les stipulations de l'article 8 de l'avenant n° 9 mais qu'en vertu de l'article 13 du cahier des charges du contrat de concession de distribution urbaine de chaleur, les frais d'entretien, de réparation et de rénovation éventuelle des branchements et postes de livraison sont inclus dans le prix de chaleur. Si le compte rendu annuel de la délégation au titre de l'exercice 2015 indique que la valeur non amortie des ouvrages est due non seulement au titre de la nouvelle installation biomasse et de l'extension du réseau de distribution mais aussi des travaux réalisés sur le réseau existant, des travaux sur les postes de livraison, des travaux sur les vannes de régulation et des travaux sur les armoires électriques et les régulateurs, il n'est pas établi, en particulier par l'annexe 1 au rapport d'expert-comptable du 24 novembre 2017 précité mentionnant le détail de la VNC des biens de retour au 30 avril 2016, que celle-ci inclurait à tort des dépenses d'entretien ou de réparation ne pouvant être regardées comme constituant un bien de retour au sens des principes rappelés au point ci-dessus.
31. En deuxième lieu, si l'annexe 1 précitée au rapport du 24 novembre 2017 mentionne notamment un écran, une imprimante, un bureau et un caisson, un ordinateur portable ainsi que divers autres biens, d'une part, il n'est pas établi que ces biens ne sont pas nécessaires à l'exploitation du réseau de distribution de chaleur et au fonctionnement du service public, et, d'autre part, la circonstance qu'il s'agit de biens meubles n'est pas par elle-même de nature à exclure qu'ils puissent être regardés comme des biens de retour. En tout état de cause, ces biens sont mentionnés pour une valeur nette comptable nulle dans cette annexe.
32. En troisième lieu, la commune de Clichy-la-Garenne soutient qu'alors que l'avenant n° 9 prévoyait la construction d'une nouvelle chaufferie biomasse d'une puissance de 5 MW pour un montant prévisionnel de 4 913 000 euros, la société SDCC a réalisé une chaudière d'une puissance de 7 MW pour un coût de plus de 7 millions d'euros. Toutefois, l'article 2 de l'avenant n° 9 stipulait que le montant définitif de ces investissements serait arrêté par les parties dans les deux mois suivant la réception de la chaufferie. Il n'est pas établi, ni même allégué, que la commune de Clichy-la-Garenne n'aurait pas été régulièrement informée de l'avancement des travaux de construction de la nouvelle chaudière et qu'elle se serait opposée au projet réalisé par la société SDCC, la nouvelle chaudière ayant d'ailleurs été mise en service le 1er décembre 2015 avant la résiliation du contrat. La seule évolution de la puissance de la chaudière et de son coût, dans les proportions précédemment rappelées, ne suffit nullement à exclure que la société SDCC soit indemnisée de ces investissements à concurrence de leur part non amortie, l'ancien concessionnaire ayant d'ailleurs, sans que cela soit sérieusement contesté, justifié l'augmentation de puissance par le résultat de la consultation des fournisseurs et l'augmentation du coût par un surcoût de travaux de génie civil lié aux prescriptions de l'administration compétente en matière d'installations classées pour la protection de l'environnement.
33. En quatrième lieu, la commune soutient que conformément aux stipulations du a) de l'article 28 du cahier des charges de la concession de distribution urbaine de chaleur relatif à la reprise des installations en fin de concession, le concessionnaire est tenu de remettre au concédant, en état normal d'entretien, tous les biens et équipements qui font partie intégrante de la concession et qu'un an avant l'expiration de la concession, les parties arrêtent et estiment, s'il y a lieu, les travaux à exécuter sur les ouvrages concédés qui ne sont pas en état normal d'entretien, le concessionnaire devant réaliser ces travaux avant l'expiration de la concession ou à défaut, les frais de remise en état étant déduits de l'indemnité due au titre des installations non amorties. Elle fait valoir que ces stipulations demeurent applicables après l'entrée en vigueur de l'avenant n° 9 et que le montant des travaux de remise en état doit être déduit de la valeur des biens de retour non amortis. Toutefois, la commune n'apporte aucune précision ou justification concernant la nature, l'ampleur et le coût de ces travaux de remise en état. Par suite, sans qu'il soit besoin de prescrire une expertise sur ce point, elle n'est pas fondée à soutenir que l'évaluation proposée par le rapport d'expert-comptable fourni par la société SDCC ne pourrait être retenue pour ce motif.
34. En cinquième lieu, aux termes du b) du même article 28 du cahier des charges de la concession de distribution urbaine de chaleur : " Les installations financées par le concessionnaire dans les quinze dernières années de la concession et faisant partie intégrante de celle-ci sont remises au concédant moyennant, si elles ne sont pas amorties techniquement, le versement d'une indemnité. Cette indemnité est égale au coût de premier établissement des ouvrages, diminué d'un quinzième par année d'usage ". En vertu des stipulations de l'article 10 de l'avenant n° 9 au contrat de concession, en cas d'échéance anticipée, pour quel que motif que ce soit, la collectivité doit notamment au concessionnaire la " valeur non amortie des ouvrages ".
35. La commune de Clichy-la-Garenne soutient que les stipulations précitées du b) de l'article 28 du cahier des charges sont demeurées en vigueur après l'entrée en vigueur de l'avenant n° 9 et que la société SDCC a unilatéralement modifié les règles d'amortissement en pratiquant un amortissement " de caducité " sur la durée restante de la concession, soit 20 ans à compter de 2012. Le rapport d'expert-comptable du 24 novembre 2017 produit par la société SDCC relève que l'indemnité éventuellement accordée au concessionnaire au titre de la valeur des biens de retour non amortis était initialement déterminée à raison d'un amortissement calculé sur une période de 20 ans et que cette période a été ramenée à 15 ans par l'avenant n° 6 au cahier des charges du 16 décembre 1991. Ce même rapport précise que si ces dernières stipulations sont demeurées inchangées dans l'avenant n° 9, la société SDCC a tiré les conséquences de la nouvelle durée de la délégation issue de cet avenant en modifiant sa méthode d'amortissement et en pratiquant un amortissement " de caducité " destiné à amortir les immobilisations sur la durée restante de la concession, soit 20 ans. Toutefois, l'indemnité due au concessionnaire sur les installations non amorties doit, conformément aux stipulations précitées de l'article 28 du cahier des charges, être calculée par rapport au coût de premier établissement, diminué d'un quinzième par année d'usage. Ainsi, la commune est fondée à soutenir que pour l'indemnisation des biens de retour non amortis à la date de la résiliation, la société SDCC devait retenir un amortissement calculé sur une période de 15 ans et non de 20 ans. Dans son rapport précité, l'expert-comptable indique qu'en l'absence de changement de méthode d'amortissement, le montant de la VNC des biens de retour au 30 avril 2016 s'élèverait à la somme de 9 882 284 euros. Cette somme n'étant pas sérieusement contestée par les parties, il y a lieu de la retenir au titre de la valeur nette comptable des biens de retour non amortis.
36. Enfin, la commune de Clichy-la-Garenne et la société CEVE critiquent le rapport d'expert-comptable précité produit par la société SDCC et sollicitent avant dire droit une mesure d'expertise permettant de calculer la valeur nette comptable des biens de retour et la valeur vénale de ces mêmes biens, eu égard, notamment à leur valeur réelle. Toutefois, si la commune relève l'existence dans ce rapport d'un écart important dans l'évaluation des pertes subies par l'ancien concessionnaire en raison de la baisse de tarifs consentie en 2012, selon l'une ou l'autre des méthodes retenues, cet écart est en tout état de cause sans incidence sur l'appréciation de la valeur nette comptable des biens de retour non amortis. En outre, le rapport précité indique lui-même qu'un contrôle des pièces justificatives venant à l'appui des investissements comptabilisés a été effectué par sondage en recherchant uniquement les factures dont les VNC résiduelles étaient les plus significatives. S'il précise qu'il n'a pas été possible de se reporter à certaines factures très anciennes pour quinze lignes d'immobilisations dont il est donné le détail, celles-ci représentant au total une VNC de 1 690 609 euros, la commune de Clichy-la-Garenne a ainsi disposé d'éléments suffisants pour critiquer, le cas échéant, le bien-fondé de ces amortissements. Il en va de même s'agissant de l'amortissement d'un terrain bâti dont la VNC a été évaluée à la somme de 36 112 euros. Dans ces conditions, eu égard notamment aux éléments figurant dans l'annexe 1 au rapport, les parties ont disposé d'éléments suffisants pour apprécier la pertinence de l'évaluation de la VNC des biens de retour non amortis figurant dans le rapport du 24 novembre 2017. Ainsi, une mesure d'expertise n'apparaît pas utile. D'ailleurs, la demande d'expertise sollicitée en référé par la société SDCC pour apprécier le montant de ses préjudices résultant de la résiliation du contrat de concession a été rejetée par une ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 23 mai 2017.
37. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la commune de Clichy-la-Garenne est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que par l'article 1er du jugement attaqué, le tribunal administratif l'a condamnée à verser la somme de 11 974 077 euros à la société SDCC, celle-ci devant être ramenée à la somme de 9 882 284 euros.
Sur les frais liés à la première instance :
38. Le tribunal administratif n'a pas fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative en mettant à la charge de la commune de Clichy-la-Garenne le versement de la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles. Par suite, les conclusions de la commune tendant à ce qu'une somme de 10 000 euros soit mise à la charge de la société SDCC sur ce fondement doivent être rejetées.
Sur les frais liés à l'instance :
39. Dans les circonstances de l'espèce, les conclusions des parties présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative peuvent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : L'intervention de la société CEVE est admise.
Article 2 : La somme de 11 974 077 euros fixée par l'article 1er du jugement n° 1607814 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 15 juillet 2021 est ramenée à la somme de 9 882 284 euros.
Article 3 : La commune de Clichy-la-Garenne est condamnée à verser à la société SDCC la somme de 2 760 045 euros, cette somme étant assortie des intérêts au taux légal à compter du 3 mai 2016.
Article 4 : Le jugement n° 1607814 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 15 juillet 2021 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la société de distribution de chaleur de Clichy, à la commune de Clichy-la-Garenne et à la société Clichy Energie Verte.
Délibéré après l'audience du 17 octobre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Camenen, président,
Mme Bahaj, première conseillère,
Mme Florent, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 novembre 2024.
Le président rapporteur,
G. CAMENENL'assesseure la plus ancienne,
C. BAHAJ
La greffière,
V. MALAGOLILa République mande et ordonne au préfet des Hauts-de-Seine en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
N° 21VE02630 2