Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 26 septembre 2023 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office et a prononcé à son encontre une interdiction de retour d'une durée d'un an, d'enjoindre au préfet des Hauts-de-Seine de réexaminer sa situation en lui délivrant une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours sous astreinte de 50 euros par jour de retard et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 2312831 du 10 novembre 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté la demande de M. A....
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés respectivement les 9 décembre 2023, 28 juin et 27 août 2024, M. A..., représenté par Me Ben Rehouma, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre à toute autorité administrative compétente de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir et de lui délivrer durant cet examen une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, injonction assortie d'une astreinte fixée à 100 euros par jour de retard, en application de l'article L. 911-3 du code de justice administrative ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision de refus de séjour est insuffisamment motivée ;
- l'obligation de quitter le territoire français a été prise en violation de son droit à être entendu ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen ;
- le préfet a porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale ;
- le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette décision sur sa situation personnelle ;
- l'interdiction de retour est insuffisamment motivée ;
- le signataire de l'arrêté n'était pas compétent pour prendre cette décision ;
- cette décision porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale ;
- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 juillet 2024, le préfet des Hauts-de-Seine conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 19 mars 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Etienvre a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant ukrainien, né en 1986, est entré en France en 2016, selon ses déclarations, sous couvert d'un visa C valable du 10 septembre 2016 au 9 septembre 2021. Le 26 septembre 2023, le préfet des Hauts-de-Seine lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai au motif que son comportement constituait une menace pour l'ordre public, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office et a prononcé à son encontre une interdiction de retour d'une durée d'un an. M. A... en a demandé l'annulation au tribunal administratif de Cergy-Pontoise. Par jugement n° 2312831 du 10 novembre 2023, le tribunal a rejeté sa demande. M. A... relève appel de ce jugement.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
2. Il ressort des pièces du dossier que le préfet n'a pris, aux termes de l'arrêté attaqué, aucune décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour à M. A.... Par suite, l'ensemble des moyens relatifs à une telle décision s'avèrent inopérants.
3. Aux termes de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " 1. Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union. 2. Ce droit comporte notamment : - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre (...) ".
4. Le droit d'être entendu, qui fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union, implique que l'autorité administrative mette le ressortissant étranger en situation irrégulière à même de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur l'irrégularité du séjour et les motifs qui seraient susceptibles de justifier que l'autorité s'abstienne de prendre à son égard une décision de retour.
5. M. A... soutient, pour la première fois en appel, que le préfet ne l'a pas mis en mesure de présenter des observations avant qu'il ne l'oblige à quitter sans délai le territoire français. Le préfet n'a produit aucun document justifiant du contraire, comme par exemple, un procès-verbal d'audition par les services de police, et ne le conteste d'ailleurs pas. Dans ces conditions, M. A... est fondé à soutenir que l'obligation de quitter le territoire français a été prise en violation de son droit à être entendu et à en demander, par suite, pour ce seul motif, l'annulation ainsi que, par voie de conséquence, celle de la décision fixant le pays de destination et de l'interdiction de retour sur le territoire français.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
6. Aux termes de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si la décision portant obligation de quitter le territoire français est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues aux articles L. 721-6, L. 721-7, L. 731-1, L. 731-3, L. 741-1 et L. 743-13, et l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas. ".
7. L'exécution du présent arrêt implique, sur le fondement des dispositions de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le réexamen, par le préfet des Hauts-de-Seine, de la situation de M. A.... Il y a lieu de lui enjoindre d'y procéder dans un délai de trente jours à compter de la notification du présent arrêt et de délivrer à l'intéressé, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Ben Rehouma, avocate de M. A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'État le versement à Me Ben Rehouma de la somme de 1 500 euros.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2312831 du 10 novembre 2023 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise et l'arrêté du 26 septembre 2023 du préfet des Hauts-de-Seine sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet des Hauts-de-Seine de procéder, dans un délai de trente jours à compter de la notification du présent arrêt, à un nouvel examen de la situation de M. A... et de délivrer à l'intéressé, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour.
Article 3 : L'État versera à Me Ben Rehouma une somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Ben Rehouma renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au préfet des Hauts-de-Seine, à Me Inès Ben Rehouma et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 5 novembre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Etienvre, président de chambre,
M. Pilven, président-assesseur,
Mme Pham, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 novembre 2024.
Le président-assesseur,
J-E. PilvenLe président-rapporteur,
F. Etienvre
La greffière,
S. Diabouga
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
N° 23VE02701 2