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07/01/2025 | FRANCE | N°23VE00300

France | France, Cour administrative d'appel de VERSAILLES, 4ème chambre, 07 janvier 2025, 23VE00300


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... F... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler la décision de la préfète d'Indre-et-Loire notifiée le 10 août 2021 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, d'enjoindre à la préfète d'Indre-et-Loire de lui délivrer un titre de séjour sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé un délai de quinze jours suivant la notification du jugement à intervenir et de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'

article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... F... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler la décision de la préfète d'Indre-et-Loire notifiée le 10 août 2021 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, d'enjoindre à la préfète d'Indre-et-Loire de lui délivrer un titre de séjour sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé un délai de quinze jours suivant la notification du jugement à intervenir et de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Par un jugement n° 2103993 du 5 janvier 2023, le tribunal administratif d'Orléans a annulé l'arrêté du préfet, enjoint à celui-ci de réexaminer la demande de titre de séjour de M. F... dans un délai de deux mois et mis à la charge de l'Etat le versement au conseil de M. F... d'une somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement les 15 février 2023 et 19 juin 2024, le préfet d'Indre-et-Loire demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande de M. F....

Il soutient que c'est à tort que le tribunal a jugé que M. F... établissait que le défaut de traitement médical était susceptible d'entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité.

Par un mémoire en défense, enregistré le 1er décembre 2023, M. F..., représenté par Me Rouille-Mirza de la Selarl Equation Avocats, conclut au rejet de la requête, à ce qu'il soit enjoint, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du délai de 15 jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, au préfet de lui délivrer une carte de séjour mention " vie privée et familiale " et à ce que soit mis à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il fait valoir que le moyen soulevé n'est pas fondé.

Le 26 juin 2024, l'Office français de l'immigration et de l'intégration a produit le dossier médical de M. F....

Un mémoire, enregistré le 13 août 2024, a été présenté par l'Office français de l'immigration et de l'intégration.

M. F... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 18 juin 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Etienvre a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... F..., ressortissant arménien né en 1987, a sollicité le 19 avril 2021 son admission au séjour pour raisons médicales sur le fondement des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Après que le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) ait émis son avis le 19 juillet 2021, le préfet d'Indre-et-Loire a, le 10 août 2021, rejeté cette demande en estimant que si l'état de santé de M. F... nécessitait une prise en charge médicale, pour autant, son défaut ne devait pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité. M. F... a demandé l'annulation de cette décision au tribunal administratif d'Orléans. Par jugement n° 2103993 du 5 janvier 2023, le tribunal administratif d'Orléans a notamment annulé cette décision au motif que M. F... établissait que le défaut de traitement nécessité par son état de santé était susceptible d'entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Le préfet d'Indre-et-Loire relève appel de ce jugement.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

2. Aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ".

3. La partie qui justifie d'un avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration venant au soutien de ses dires doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.

4. Pour juger que M. F... établissait que le défaut de traitement nécessité par son état de santé était susceptible d'entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité, les premiers juges ont relevé que M. E... indiquait souffrir de graves troubles psychiatriques en relation avec des évènements vécus dans son pays d'origine en 2006 puis en 2010, qu'il ressortait de l'attestation du docteur D... du 18 février 2020 que M. E... présentait un état physique marqué par de nombreux stigmates d'actions violentes (cicatrices, séquelles de fracture) compatibles avec les faits de torture qu'il dit avoir subis dans son pays d'origine, que par ailleurs, le docteur B..., psychiatre qui suit le requérant depuis 2018, évoquait une psychose post-traumatique avec substrat anxieux majeur comportant un enfermement psychique avec ruminations, repli sur soi, humeur dégradée et dépréciation de l'image de soi, que ce médecin précisait que M. F... suit rigoureusement un traitement psychotrope assez lourd et insistait sur la nécessité d'un suivi sous peine d'une aggravation de sa pathologie pouvant mettre en péril son intégrité psychique et physique et évoquait un risque auto-agressif corroboré par des idées suicidaires et qu'enfin, le médecin, qui a rédigé le rapport à destination de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, rappelait la nature de la pathologie psychiatrique, ses origines et estimait que le suivi spécialisé devait être effectué en France et qu'un retour dans son pays d'origine présentait pour M. F... un réel risque pour sa santé.

5. A l'appui de sa requête, le préfet d'Indre-et-Loire se borne, en premier lieu, à relever que le rapport du docteur C... adressé à l'OFII avait été établi par un médecin généraliste et non pas un médecin psychiatre. Toutefois, comme indiqué au point précédent, les premiers juges ne se sont pas fondés sur ce seul rapport mais également d'autres éléments médicaux et notamment les constatations du docteur B..., médecin psychiatre. Le préfet relève, en deuxième lieu, que sa décision n'a nullement pour objet et pour effet d'éloigner M. F... vers son pays d'origine. C'est exact mais cette circonstance demeure cependant sans influence sur le point de savoir, pour déterminer si l'intéressé peut se voir délivrer un titre de séjour en qualité d'étranger malade, si le défaut de traitement médical de l'état de santé de M. F... pourrait entraîner pour celui-ci des conséquences d'une exceptionnelle gravité ou, dans l'affirmative, si celui-ci peut bénéficier dans son pays d'origine d'un traitement approprié à son état de santé. Le préfet relève aussi que M. F... a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français le 18 mars 2021 qui n'a pas été contestée devant la juridiction administrative mais cette circonstance demeure également sans influence sur la légalité de la décision du préfet du 10 août 2021. Enfin, si le préfet indique que la jurisprudence du Conseil d'État (CE, 30/12/2021, n° 449917) rappelle qu'il n'y a pas, pour apprécier si un étranger malade peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine, à rechercher si la qualité des soins y est équivalente à ceux offerts en France, celui-ci n'apporte pas la preuve que le requérant pourrait bénéficier en Arménie d'un traitement approprié à son état de santé. Dans ces conditions, le préfet d'Indre-et-Loire n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont considéré que M. F... établissait que le défaut de traitement de son état de santé pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et annulé pour ce seul motif la décision du préfet du 10 août 2021 portant refus de titre de séjour.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte présentées par M. F... :

6. M. F... demande, à nouveau, en appel, d'enjoindre au préfet d'Indre-et-Loire de lui délivrer une carte de séjour temporaire mention " vie privée et familiale ". Toutefois, eu égard au motif d'annulation retenu, l'exécution du jugement du tribunal administratif d'Orléans implique seulement qu'il soit enjoint au préfet de procéder à un nouvel examen de la demande de titre de séjour de M. F.... Celui-ci n'est en conséquence pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté la demande qu'il a présentée en ce sens.

Sur les conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

7. M. F... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Rouille-Mirza renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Rouille-Mirza de la somme de 1 500 euros.

D É C I D E :

Article 1er : La requête du préfet d'Indre-et-Loire est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à Me Rouille-Mirza, sous réserve que celle-ci renonce à percevoir la part contributive de l'Etat, une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Article 3 : Le surplus des conclusions de M. F... est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... F..., à Me Rouille-Mirza et au ministre d'État, ministre de l'intérieur.

Copie en sera transmise pour information au préfet d'Indre-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 17 décembre 2024, à laquelle siégeaient :

M. Etienvre, président de chambre,

M. Pilven, président assesseur,

Mme Pham, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 janvier 2025.

Le président-assesseur,

J.-E. Pilven

Le président-rapporteur,

F. Etienvre

La greffière,

F. Petit-Galland

La République mande et ordonne au ministre d'État, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

N° 23VE00300002


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23VE00300
Date de la décision : 07/01/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335 Étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme LE GARS
Rapporteur ?: Mme Christine PHAM
Rapporteur public ?: Mme VILLETTE
Avocat(s) : SELARL EQUATION AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 19/01/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-01-07;23ve00300 ?
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