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28/01/2025 | FRANCE | N°23VE01166

France | France, Cour administrative d'appel de VERSAILLES, 2ème chambre, 28 janvier 2025, 23VE01166


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. G... L..., l'association Bien vivre à la Membrolle-sur-Choisille, M. C... J..., M. F... K..., M. R... V..., Mme I... V..., M. P... E..., Mme U... E..., M. C... M..., M. D... T..., Mme N... A..., M. S... A..., Mme O... B... et M. Q... W... ont demandé au tribunal administratif d'Orléans, à titre principal, d'annuler l'arrêté du 17 juillet 2020 par lequel la préfète d'Indre-et-Loire a accordé une autorisation environnementale relative à l'exploitation d'un centre de tri, tr

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. G... L..., l'association Bien vivre à la Membrolle-sur-Choisille, M. C... J..., M. F... K..., M. R... V..., Mme I... V..., M. P... E..., Mme U... E..., M. C... M..., M. D... T..., Mme N... A..., M. S... A..., Mme O... B... et M. Q... W... ont demandé au tribunal administratif d'Orléans, à titre principal, d'annuler l'arrêté du 17 juillet 2020 par lequel la préfète d'Indre-et-Loire a accordé une autorisation environnementale relative à l'exploitation d'un centre de tri, transit et regroupement de déchets dangereux (déchets amiantés), pour une capacité de 1 à 15 tonnes, par la société DG Désamiantage sur le territoire de la commune de la Membrolle-sur-Choisille, de condamner l'Etat à verser à chacun des requérants personnes physiques la somme de 30 000 euros, ainsi que la somme de 1 euro à l'association Bien vivre à la Membrolle-sur-Choisille en réparation des préjudices subis, ou à titre subsidiaire, de réformer l'arrêté préfectoral en réduisant la capacité d'accueil du site à une tonne et en interdisant toute activité la nuit et le dimanche, et de mettre à la charge de la commune la somme de 500 euros à verser à chacun des requérants en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2004084 du 28 mars 2023, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté ces demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 26 mai 2023 et le 9 août 2024, l'association Bien vivre à la Membrolle-sur-Choisille, M. C... J..., M. F... K..., M. R... V..., Mme I... V..., M. P... E..., Mme U... E..., M. C... M..., M. D... T..., M. S... A..., Mme N... A..., Mme O... B..., M. G... L... et M. Q... W..., représentés par Me Ragot, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté n°20909 du 17 juillet 2020 par lequel la préfète d'Indre-et-Loire a accordé une autorisation environnementale relative à l'exploitation d'un centre de tri, transit et regroupement de déchets dangereux (déchets amiantés) par la société DG Désamiantage sur la commune de la Membrolle-sur-Choisille ;

3°) de condamner l'Etat à indemniser chacun des requérants personnes physiques à hauteur de 30 000 euros, et l'association Bien vivre à la Membrolle-sur-Choisille à hauteur de 1 euro symbolique ;

4°) à titre subsidiaire, de réformer l'arrêté du 17 juillet 2020 en réduisant la capacité d'accueil du site à une tonne ;

5°) de réformer l'arrêté du 17 juillet 2020 sur le volet nuisances sonores afin que soit interdite toute activité la nuit, le dimanche et les jours fériés, en conformité avec l'arrêté municipal ;

6°) et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 500 euros à verser à chacun des requérants en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le jugement est irrégulier en ce que les premiers juges ont méconnu leur office en reprenant l'interprétation que le rapport de l'inspection des installations classées a donné aux dispositions de l'article UX 2 du plan local d'urbanisme de la Membrolle-sur-Choisille, interdisant l'entreposage de déchets, alors qu'il s'agissait d'une simple opinion qui ne pouvait s'imposer au tribunal administratif ;

- le jugement recèle une contradiction de motifs et une erreur de qualification juridique des faits ;

- les premiers juges ont commis une erreur de droit en renversant la charge de la preuve et en imposant aux requérants d'établir l'existence de menaces pour l'environnement, alors qu'il revenait au préfet de démontrer en quoi l'abaissement, de 49 à 15 tonnes, du volume de déchets stockés permettrait de dissiper les menaces identifiées par le commissaire enquêteur ;

- l'arrêté du 17 juillet 2020 est entaché de plusieurs vices de procédure ; la procédure de consultation est irrégulière dès lors que, d'une part, la métropole Tours Métropole Val de Loire, dont est membre la commune de la Membrolle-sur-Choisille, n'a pas été consultée alors qu'elle est compétente en matière de protection et de mise en valeur de l'environnement et de politique du cadre de vie et en particulier en matière de lutte contre la pollution de l'air et contre les nuisances sonores, d'autre part, les communes de Fondettes et de Saint-Roch n'ont pas été consultées en vue de la délivrance de l'autorisation en litige, et enfin, la consultation des trois communes membres de la métropole a été purement formelle dès lors que celles-ci ne sont plus compétentes en matière de protection du cadre de vie et de lutte contre les nuisances ; la modification de l'économie générale du projet à la suite de l'enquête publique liée à la réduction du tonnage de 49 à 15 tonnes aurait nécessité une enquête publique complémentaire ; l'irrégularité de l'enquête publique a nui à la bonne information des personnes intéressées et a influé sur les résultats de l'enquête ; aucune information ni aucune publicité ne sont intervenues concernant un projet d'une capacité d'accueil de 15 tonnes ;

- l'arrêté est entaché d'une erreur de droit, dès lors qu'il est incompatible avec le règlement du plan local d'urbanisme de la commune de la Membrolle-sur-Choisille, dont l'article 2 de la zone UX interdit le stockage de déchets amiantés dangereux ;

- l'arrêté est entaché d'une erreur de droit, en méconnaissance des dispositions de l'article 2 de l'arrêté municipal n° PP06102017-03 du 10 octobre 2017 restreignant les activités professionnelles au cours de la journée et de la semaine ;

- l'arrêté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation, dès lors qu'il autorise une activité portant atteinte aux paysages et dès lors que le projet aura pour effet de dégrader l'environnement naturel avoisinant ;

- l'illégalité entachant l'arrêté du 17 juillet 2020 est constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat ;

- la faute commise par l'Etat a causé aux requérants plusieurs préjudices, à savoir la perte de la valeur de leur bien immobilier, l'aggravation des nuisances sonores engendrées depuis le début de l'activité en juillet 2020, de même que l'anxiété et le trouble moral que suscite l'appréhension d'un accident industriel dans un site de dépôt d'amiante.

Par un mémoire en défense enregistré le 22 août 2023, la société DG désamiantage, représentée par Me Vaccaro, conclut :

1°) à titre principal, au rejet de la requête ;

2°) à titre subsidiaire, à ce qu'il soit sursis à statuer en attendant la régularisation de la procédure qui pourra être effectuée par le préfet ;

3°) et à ce que soit mise à la charge de chacun des requérants, solidairement, une somme de 10 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société DG désamiantage soutient que les moyens invoqués par les requérants ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 août 2024, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués par les requérants ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Par une ordonnance du 25 octobre 2024, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 15 novembre 2024, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Cozic,

- les conclusions de M. Frémont, rapporteur public,

- et les observations de Me Lehmann pour les requérants et de Me Bernardin pour la société DG désamiantage.

Considérant ce qui suit :

1. La société DG désamiantage est une entreprise spécialisée dans le traitement de déchets dangereux, et plus spécifiquement dans les travaux de retrait d'amiante sur des chantiers, dont le siège social est situé sur la commune de la Membrolle-sur-Choisille (Indre-et-Loire), où se situe le site de transit de déchets amiantés qu'elle exploite depuis 2010 au titre des installations classées soumises au régime des déclarations, relevant de la rubrique 2718-2, pour une capacité maximale d'une tonne. Cette société a sollicité, par un courrier du 19 juin 2019, la délivrance d'une autorisation environnementale pour porter à 49 tonnes sa capacité de stockage de déchets amiantés sur le site de la Membrolle-sur-Choisille. Après une enquête publique, qui s'est tenue du 7 octobre au 8 novembre 2019, à l'issue de laquelle le commissaire enquêteur a rendu un avis défavorable, la société DG désamiantage s'est engagée à limiter à 15 tonnes la capacité de stockage de son site de transit. Les services de l'inspection des installations classées de la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) du Centre-Val de Loire ont sur cette base rendu un avis favorable le 12 mars 2020, tout comme le conseil départemental de l'environnement et des risques sanitaires et technologiques (CODERST) le 26 juin 2020. La préfète d'Indre-et-Loire a délivré le 17 juillet 2020 un arrêté portant autorisation environnementale relative " à l'exploitation d'un centre de tri, transit et regroupement de déchets dangereux (déchets amiantés) par la société DG désamiantage sur la commune de la Membrolle-sur-Choisille ". Par un courrier du 12 novembre 2020, l'association Bien vivre à la Membrolle-sur-Choisille et douze habitants de cette commune ont adressé à la préfète d'Indre-et-Loire une demande indemnitaire préalable. Ils demandent à la cour d'annuler le jugement n° 2004084 du 28 mars 2023, par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté leurs demandes tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 17 juillet 2020 et, d'autre part, à la condamnation de l'Etat à verser à chaque requérant personne physique la somme de 30 000 euros chacun, ainsi qu'un euro symbolique à l'association Bien vivre à la Membrolle-sur-Choisille.

Sur la régularité du jugement contesté :

2. En premier lieu, si les premiers juges ont précisé le sens et la portée à donner aux dispositions de l'article UX 2 du règlement plan local d'urbanisme de la Membrolle-sur-Choisille relatives aux aires de stockage, la circonstance que cette interprétation se rapproche de celle énoncée dans le rapport de l'inspection des installations classées figurant au dossier de première instance ne permet pas d'établir qu'ils auraient de ce fait commis une irrégularité.

3. En deuxième lieu, une contradiction qui entacherait les motifs d'un jugement, à la supposer même établie, est de nature à affecter son bien-fondé mais pas sa régularité.

4. En dernier lieu, hormis dans le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de procédure ou de forme qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel, non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis, mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative contestée, dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Par suite, les requérants ne peuvent utilement se prévaloir de l'existence d'une erreur de qualification juridique des faits, ou d'une erreur de droit liée au renversement de la charge de la preuve, qu'auraient commises les premiers juges, pour demander l'annulation du jugement attaqué sur le terrain de la régularité.

Sur les conclusions à fin d'annulation et de réformation :

5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 181-1 du code de l'environnement : " L'autorisation environnementale, dont le régime est organisé par les dispositions du présent livre ainsi que par les autres dispositions législatives dans les conditions fixées par le présent titre, est applicable aux activités, installations, ouvrages et travaux suivants, lorsqu'ils ne présentent pas un caractère temporaire : (...) 2° Installations classées pour la protection de l'environnement mentionnées à l'article L. 512-1 (...) ". Aux termes de l'article. R.181-38 du code de l'environnement, dans sa version applicable au présent litige en vigueur du 28 avril 2017 au 1er août 2021 : " Dès le début de la phase d'enquête publique, le préfet demande l'avis du conseil municipal des communes mentionnées au III de l'article R. 123-11 et des autres collectivités territoriales, ainsi que de leurs groupements, qu'il estime intéressés par le projet, notamment au regard des incidences environnementales notables de celui-ci sur leur territoire. Ne peuvent être pris en considération que les avis exprimés au plus tard dans les quinze jours suivant la clôture de l'enquête publique ". Les dispositions du III de l'article 123-11 du code de l'environnement prévoient que : " III. - L'autorité compétente pour ouvrir et organiser l'enquête désigne le ou les lieux où cet avis doit être publié par voie d'affiches et, éventuellement, par tout autre procédé. / Pour les projets, sont au minimum désignées toutes les mairies des communes sur le territoire desquelles se situe le projet ainsi que celles dont le territoire est susceptible d'être affecté par le projet. (...) ". Enfin, l'article R. 181-36 du même code précise que : " (...) 3° Pour les projets relevant du 2° de l'article L. 181-1, les communes mentionnées au III de l'article R. 123-11 ou au I de l'article R. 123-46-1 sont celles dont une partie du territoire est située à une distance, prise à partir du périmètre de l'installation, inférieure au rayon d'affichage fixé dans la nomenclature des installations classées pour la rubrique dont l'installation relève, auxquelles le préfet peut adjoindre d'autres communes par décision motivée. (...) ". La rubrique 2718 de la nomenclature des installations classées pour la protection de l'environnement, relative aux installations de transit, regroupement ou tri de déchets dangereux ou de déchets contenant des substances dangereuses ou préparations dangereuses mentionnées à l'article R. 511-10 du code de l'environnement, prévoit un rayon d'affichage de 2 kilomètres.

6. D'une part, les requérants soutiennent que la consultation pour avis de trois communes membres de Tours Métropole Val de Loire a été " purement formelle " dès lors que ces trois communes, que les requérants ne nomment pas, ne sont plus compétentes en matière de protection du cadre de vie et de lutte contre les nuisances. Toutefois, la nature des compétences effectivement exercées par les communes en cause est sans incidence sur la nécessité ou l'opportunité pour le préfet de les solliciter pour avis, en application de la procédure de consultation organisée par les dispositions citées au point 5 du présent arrêt.

7. D'autre part, il résulte de l'instruction qu'au moins une partie du territoire des communes de Fondettes et de Saint-Roch se trouve à moins de deux kilomètres du site exploité par la société DG désamiantage pour lequel l'autorisation environnementale a été sollicitée. Or, les requérants soutiennent sans être contredits que les conseils municipaux de ces communes n'ont pas été consultés par le préfet d'Indre-et-Loire pour avis concernant le projet soumis à enquête publique. A défaut d'une telle consultation, les dispositions de l'article R. 181-38 du code de l'environnement ont été méconnues.

8. Enfin, il résulte de l'instruction que les communes de la Membrolle-sur-Choisille, de Fondettes et de Mettray sont membres de la métropole " Tours métropole Val de Loire " et lui ont transféré des compétences en matière de protection et de mise en valeur de l'environnement et du cadre de vie. Le préfet d'Indre-et-Loire aurait donc dû estimer que cette métropole était intéressée par le projet au sens R.181-38 du code de l'environnement. En omettant de consulter l'organe délibérant de cette métropole sur le projet soumis à enquête publique, le préfet a méconnu ces dispositions.

9. Cependant, si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie.

10. La procédure de consultation prévue à l'article R. 181-38 du code de l'environnement a pour objet de permettre à l'organe délibérant des collectivités territoriales et de leurs groupements situés dans un certain périmètre à proximité de l'installation classée pour la protection de l'environnement, ou des collectivités territoriales et de leurs groupements intéressés par un projet soumis à enquête publique, de délibérer et de formuler un avis sur le projet en cause, devant être pris en compte par le préfet. Ces mêmes collectivités bénéficient également par ailleurs d'un accès à l'information, par voie d'affichage et de publication, relative à l'enquête publique ouverte pour ce même projet. Elles ont alors, de ce fait, la faculté de prendre connaissance du projet et de présenter spontanément des observations sur celui-ci et sont en mesure, plus généralement, de faire connaître leur avis, notamment auprès du préfet. En conséquence, l'absence de consultation de ces collectivités, dans les conditions prévues à l'article R.181-38 du code de l'environnement, n'est pas de nature à les avoir privées d'une garantie. En outre, en l'espèce, les vices de procédure relevés aux points 8 et 9 du présent arrêt ne sont pas de nature à avoir exercé une influence sur le sens de la décision attaquée dès lors qu'il résulte de l'instruction que l'affichage de l'avis d'ouverture de l'enquête publique relative à la demande de la société DG désamiantage a été effectué en mairie des communes de Fondettes et de Saint-Roch, et que le président de Tours métropole Val de Loire a été invité à une réunion publique concernant ce même projet. Ces circonstances ont offert à ces collectivités la possibilité de prendre connaissance des caractéristiques du projet en cause et leur ont donné l'opportunité de formuler, le cas échéant, un avis, de manière formelle ou informelle, sur celui-ci. Par suite, les vices de procédure relevés aux points 8 et 9 du présent arrêt ne sont pas susceptibles d'entacher d'illégalité l'arrêté de la préfète d'Indre-et-Loire du 17 juillet 2020.

11. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 123-18 du code de l'environnement : " (...) II.-Au vu des conclusions du commissaire enquêteur ou de la commission d'enquête, la personne responsable du projet, plan ou programme visé au I de l'article L. 123-2 peut, si elle estime souhaitable d'apporter à celui-ci des changements qui en modifient l'économie générale, demander à l'autorité organisatrice d'ouvrir une enquête complémentaire portant sur les avantages et inconvénients de ces modifications pour le projet et pour l'environnement. Dans le cas des projets d'infrastructures linéaires, l'enquête complémentaire peut n'être organisée que sur les territoires concernés par la modification. (...) ". Il résulte de ces dispositions qu'il était loisible à la société DG désamiantage de modifier les caractéristiques de son projet à l'issue de l'enquête publique, sous réserve, d'une part, que ne soit pas remise en cause l'économie générale du projet et, d'autre part, que cette modification procède de l'enquête. Doivent être regardées comme procédant de l'enquête les modifications destinées à tenir compte des réserves et recommandations de la commission d'enquête, des observations du public et des avis émis par les collectivités et instances consultées et joints au dossier de l'enquête.

12. Il résulte de l'instruction, et en particulier des conclusions motivées et de l'avis du commissaire enquêteur exprimés le 6 décembre 2019, que l'une des interrogations les plus régulièrement formulées par le public à l'occasion de l'enquête publique a concerné le tonnage de déchets amiantés stockés sur le site, soit 49 tonnes, permettant selon la société d'optimiser la gestion de ces déchets avant leur transfert vers un site d'enfouissement. Par un courrier du 13 janvier 2020, adressé à la préfète d'Indre-et-Loire, la société DG désamiantage a indiqué souhaiter apporter un unique changement à son projet en limitant à 15 tonnes la capacité de stockage de son site de transit. Ce faisant, la société a entendu prendre en considération les observations du public et l'avis défavorable du commissaire enquêteur. Cette unique modification apportée au projet soumis à l'enquête publique, bien que significative, n'est pas de nature, alors qu'il n'est fait état d'aucun autre modification, à caractériser un changement qui en modifierait l'économie générale. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que l'arrêté en litige aurait nécessité, à peine d'irrégularité de la procédure, une enquête publique complémentaire.

13. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 514-6 du code de l'environnement : " (...) la compatibilité d'une installation classée avec les dispositions (...) d'un plan local d'urbanisme, (...) est appréciée à la date de l'autorisation, de l'enregistrement ou de la déclaration. (...) ". L'article 2 de la zone UX de la partie réglementaire du plan local d'urbanisme de la commune de la Membrolle-sur-Choisille relative à la zone d'activités de la Choisille, où se situe le site exploité par la société DG désamiantage, prévoit que : " Sont admises, à condition : - de ne pas porter atteinte à la salubrité et à la sécurité du milieu environnant ainsi qu'aux paysages (...) - de ne pas créer de gêne par les mouvements de circulation qu'elles génèrent ; / les occupation et utilisation du sol suivantes : / les constructions à usage d'activité économique (commerciale, industrielle, artisanale, de services, d'entrepôt...) ; (...) / les aires de stationnement et de stockage (à l'exclusion des dépôts de vieilles ferrailles, de matériaux de démolition, de déchets divers, de véhicules désaffectés,...) (...) ".

14. Il résulte de l'instruction que la société DG désamiantage, créée en 2010, est une société spécialisée dans la réalisation de travaux de retrait de matériaux contenant de l'amiante. Les déchets d'amiante que la société extrait depuis différents chantiers situés dans toute la France sont principalement, à hauteur d'environ 80%, envoyés directement en centre de traitement agréés, mais l'autre partie est conduite par poids lourds jusqu'au site de transit que la société DG désamiantage exploite sur la commune de La Membrolle-sur-Choisille. Ces déchets, déjà conditionnés sur les chantiers sous un double emballage, sont alors regroupés et stockés dans un hangar de 490m2 durant une période ne dépassant pas quatre-vingt-dix jours, avant d'être ensuite évacués vers des sites d'enfouissement agréés. Afin d'optimiser les conditions de chargement des camions, le projet de la société pétitionnaire consiste notamment à implanter une zone supplémentaire de stockage des déchets amiantés. Un tel site de stockage de déchets amiantés, conditionnés en amont, et dont entreposés temporaire est organisé dans des bâtiments clos et couverts, en vue d'être ensuite évacués vers des sites de traitement définitif, ne saurait se confondre avec les aires de stockage interdites par les dispositions de l'article UX2 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de la Membrolle-sur-Choisille, dès lors en particulier que ces déchets n'y sont ni abandonnés, ni délaissés, mais ne font qu'y transiter, sous forme conditionnée, dans le cadre d'un processus global de traitement. Les requérants ne sont dès lors pas fondés à soutenir que l'arrêté en litige, portant délivrance d'une autorisation environnementale, serait incompatible avec les dispositions précitées du plan local d'urbanisme de la commune de la Membrolle-sur-Choisille.

15. En quatrième lieu, les requérants soutiennent que l'arrêté préfectoral en litige méconnaîtrait l'article 2 de l'arrêté municipal n° PP06102017-03 du 10 octobre 2017 restreignant les activités professionnelles au cours de la journée et de la semaine, aux termes duquel : " Les activités professionnelles, tels les chantiers de travaux publics ou privés, les travaux concernant les bâtiments et leurs équipements, qu'ils soient soumis à une procédure de déclaration ou d'autorisation, quelle que soit la nature des outils utilisés (industriels, agricoles, horticoles...) ne peuvent être effectués à l'extérieur ou à l'intérieur des bâtiments que : / - de 8h à 19h30 du lundi au vendredi ; - de 9h à 12h et de 14h à 19h le samedi. / Elles sont interdites les dimanches et jours fériés (...) ".

16. S'il appartient au maire, responsable de l'ordre public sur le territoire de sa commune, de prendre les mesures de police générale nécessaires au bon ordre, à la sûreté, à la sécurité et à la salubrité publique, la police spéciale des installations classées a été confiée par la loi aux autorités de l'Etat. L'arrêté du maire du 10 octobre 2017 édicté antérieurement à l'arrêté de la préfète d'Indre-et-Loire en litige, en dehors de tout contexte de péril imminent, n'a pas pour objet de réglementer le fonctionnement des installations classées pour la protection de l'environnement. Par suite, les requérants ne sauraient utilement se prévaloir des dispositions de cet arrêté municipal pour soutenir que l'arrêté de la préfète d'Indre-et-Loire du 17 juillet 2020 serait entaché d'une erreur de droit. En tout état de cause, si cet arrêté préfectoral réglemente les niveaux acoustiques limites en lien avec l'activité menée sur le site, selon une période de jour (de 7h à 22h) et une période de nuit (de 22h à 7h), il n'impose nullement à la société DG désamiantage d'exercer son activité selon ces mêmes tranches horaires. Il résulte par ailleurs de l'instruction, en particulier du dossier de demande d'exploitation, que le travail hebdomadaire des " salariés administratifs et en production " de la société DG désamiantage est effectué, sur le site de la Membrolle-sur-Choisille, du lundi au vendredi, de 8h à 12h et de 13h30 à 16h30, soit selon des horaires parfaitement compatibles avec l'arrêté du maire du 10 octobre 2017.

17. En dernier lieu, les requérants se prévalent des conclusions et de l'avis défavorable du commissaire enquêteur, qui a estimé que l'exploitation de l'installation en cause ferait peser " une menace sérieuse de dégradation d'un site naturel où subsiste un précieux équilibre entre espaces naturels et présence humaine ". Ils soutiennent que cette appréciation, rendue à l'occasion d'un projet initialement dimensionné pour stocker 49 tonnes de déchets amiantés reste pertinente à l'égard du projet finalement autorisé, d'une capacité de stockage de 15 tonnes. Toutefois, il résulte de l'instruction que le rapport conclusif signé par le commissaire enquêteur le 6 décembre 2019 ne met en avant que peu d'éléments particuliers de nature à caractériser la nature des risques dont il fait état, mais fait plutôt état de risques généraux d'atteinte à la santé et à la sécurité de la population, résultant communément de toute exposition à l'amiante, sans préciser les risques spécifiques découlant des conditions concrètes d'exploitation du site en cause, en répercussion notamment de l'extension du volume de stockage d'amiante envisagée. Ce même rapport n'explique en particulier pas en quoi les conditions d'exploitation du site par la société DG désamiantage seraient insuffisantes pour limiter les " menaces sérieuses pour l'environnement " dont il fait état. Les requérants eux-mêmes se bornent à mentionner dans leurs écritures la proximité du site en cause avec des champs et des espaces naturels préservés, ou encore la présence de mares et étangs au nord-est du site sans spécifier les risques d'atteintes environnementales qui pourraient découler de cette seule proximité. Ces seuls éléments énoncés en des termes laconiques et généraux, non étayés par le moindre document, ne sont pas de nature à remettre en cause, en particulier, les éléments d'analyse développés sur plusieurs centaines de pages dans le rapport établi au soutien de la demande d'autorisation environnementale déposée par la société DG désamiantage, qui présente en particulier une analyse de la sensibilité du site à l'égard de plusieurs thématiques environnementales, concernant notamment la santé, le bruit, l'air, les sols et eaux souterraines, à l'intérieur du site et à proximité de celui-ci, en concluant à une absence d'incidence pour certaines thématiques, et à une faible incidence pour d'autres. Ce même rapport présente également une analyse des risques liés à l'exploitation du site, en fonction de différents scénarios, notamment en cas d'incendie ou d'explosion, en identifiant les causes possibles de survenance, en différents endroits du site, et en les mettant en rapport avec les mesures de prévention et de protection mises en place. Il résulte ainsi de l'instruction que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que l'arrêté en litige serait entaché d'une erreur dans l'appréciation de l'impact du projet en cause sur les paysages et sur l'environnement naturel avoisinant.

Sur les conclusions à fin d'indemnisation :

18. Il résulte de ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que l'arrêté de la préfète d'Indre-et-Loire serait entaché d'illégalité. Par voie de conséquence, la responsabilité de l'Etat pour illégalité fautive ne saurait être engagée.

19. Il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 17 juillet 2020 et à l'indemnisation des préjudices qu'ils allèguent avoir subis du fait de l'illégalité dudit arrêté.

Sur les frais de justice :

20. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par les requérants au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu en revanche de mettre à la charge de l'association Bien vivre à la Membrolle-sur-Choisille, M. C... J..., M. F... K..., M. R... V..., Mme I... V..., M. P... E..., Mme U... E..., M. C... M..., M. D... T..., M. S... A..., Mme N... A..., Mme O... B..., M. G... L... et M. Q... W..., ensemble, la somme globale de 3 000 euros à verser à la société DG désamiantage au titre des frais exposés par cette dernière et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de l'association Bien vivre à la Membrolle-sur-Choisille, M. C... J..., M. F... K..., M. R... V..., Mme I... V..., M. P... E..., Mme U... E..., M. C... M..., M. D... T..., M. S... A..., Mme N... A..., Mme O... B..., M. G... L... et M. Q... W..., est rejetée.

Article 2 : L'association Bien vivre à la Membrolle-sur-Choisille, M. C... J..., M. F... K..., M. R... V..., Mme I... V..., M. P... E..., Mme U... E..., M. C... M..., M. D... T..., M. S... A..., Mme N... A..., Mme O... B..., M. G... L... et M. Q... W..., verseront, ensemble, à la société DG désamiantage, la somme globale de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à de l'association Bien vivre à la Membrolle-sur-Choisille, en qualité de représentant unique, à la société DG désamiantage et à la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche.

Délibéré après l'audience du 9 janvier 2025, à laquelle siégeaient :

M. Even, président de chambre,

Mme H..., présidente-assesseur,

M. Cozic, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 janvier 2025.

Le rapporteur,

H. COZICLe président,

B. EVEN

La greffière,

I. SZYMANSKI

La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

2

N° 23VE01166


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23VE01166
Date de la décision : 28/01/2025
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

44-02 Nature et environnement. - Installations classées pour la protection de l'environnement.


Composition du Tribunal
Président : M. EVEN
Rapporteur ?: M. Hervé COZIC
Rapporteur public ?: M. FREMONT
Avocat(s) : RAGOT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-01-28;23ve01166 ?
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