Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 8 mars 2023 par lequel le préfet de l'Essonne lui a fait obligation de quitter le territoire français, sans délai, a fixé le pays de destination en cas d'exécution d'office et lui a interdit le retour sur le territoire français pendant une durée de trois ans, en l'informant qu'il fait l'objet d'un signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen, d'enjoindre au préfet de l'Essonne ou toute autre préfecture compétente de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou à défaut une autorisation provisoire de séjour dans l'attente de réexamen de sa situation et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 2301977 du 26 avril 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Versailles a rejeté la demande de M. B....
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 16 mai 2023, M. B..., représenté par Me Nettry, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Essonne d'étudier sa demande de délivrance d'un premier titre de séjour du 8 mars 2023 ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
- la décision est insuffisamment motivée ;
- la décision porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale ;
- le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision attaquée sur sa situation personnelle ;
En ce qui concerne l'absence de délai de départ volontaire :
- la décision est insuffisamment motivée ;
- elle porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale ;
- le préfet a commis une erreur d'appréciation ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
- la décision est insuffisamment motivée ;
En ce qui concerne l'interdiction de retour :
- la décision est insuffisamment motivée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 juin 2023, le préfet de l'Essonne conclut au rejet de la requête en s'en remettant à ses premières écritures.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 5 septembre 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Etienvre a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., ressortissant tunisien, né le 29 avril 2001 est entré régulièrement sur le territoire français le 1er mars 2017 muni d'un passeport assorti d'un visa étudiant. Par un arrêté du 8 mars 2023, le préfet de l'Essonne lui a fait obligation de quitter le territoire français, sans délai, a fixé le pays de destination en cas d'exécution d'office et lui a interdit le retour sur le territoire français pendant une durée de trois ans, en l'informant de son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen. M. B... a demandé au tribunal administratif de Versailles l'annulation de cet arrêté. Par un jugement du 26 avril 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Versailles a rejeté la demande de M. B.... Celui-ci relève appel de ce jugement.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :
2. Il ressort des pièces du dossier qu'en première instance, M. B... n'a soulevé, à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'interdiction de retour sur le territoire français, qu'un seul et unique moyen tiré du caractère insuffisamment motivé de cette décision. Or, le tribunal a bien répondu à ce moyen. M. B... n'est donc pas fondé à soutenir que le jugement attaqué est insuffisamment motivé.
En ce qui concerne le bien-fondé du jugement attaqué :
S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :
3. En premier lieu, l'arrêté attaqué comporte, de manière suffisamment précise, l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles le préfet s'est fondé pour décider d'obliger M. B... à quitter le territoire français sur le fondement du 2° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile lorsque " L'étranger, entré sur le territoire français sous couvert d'un visa désormais expiré ou, n'étant pas soumis à l'obligation du visa, entré en France plus de trois mois auparavant, s'est maintenu sur le territoire français sans être titulaire d'un titre de séjour ou, le cas échéant, sans demander le renouvellement du titre de séjour temporaire ou pluriannuel qui lui a été délivré. ". Cet arrêté satisfait dès lors aux exigences de motivation alors même qu'il ne fait pas état de certains éléments de la situation personnelle de M. B... ni du dépôt le 8 mars 2023 en préfecture d'une demande de rendez-vous en vue d'une admission exceptionnelle au séjour.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. (...) ".
5. Il ressort des pièces du dossier qu'à la date de l'arrêté attaqué, M. B... était célibataire et sans charges de famille. Dans ces conditions, et compte tenu également des conditions dans lesquelles M. B... a séjourné en France depuis son entrée en 2017, le préfet n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale alors même que ses parents, ses sœurs et son frère sont présents en France et que M. B... a effectué sa scolarité et des stages en France, qu'il a obtenu un certificat d'aptitude professionnelle et a exercé une activité salariée.
6. En troisième et dernier lieu, il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision contestée sur la situation personnelle de l'intéressé.
S'agissant de la décision de ne pas octroyer un délai de départ volontaire :
7. Aux termes de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger faisant l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de cette décision. (...). " Aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : (...) 1° Le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public (...) 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet. " Et aux termes de l'article L. 612-3 du même code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) 5° L'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement (...) ".
8. En premier lieu, contrairement à ce que le requérant soutient, l'arrêté attaqué énonce l'ensemble des considérations de droit et de fait sur lesquelles le préfet s'est fondé pour décider de ne pas lui accorder un délai de départ volontaire sur le fondement des 1° et 3° de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et 5° de l'article L. 612-3 du même code.
9. En deuxième lieu, le préfet n'a pas porté, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 4, une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale.
10. En troisième et dernier lieu, il est constant que M. B... s'est soustrait à l'exécution de précédentes mesures d'éloignement. Le préfet de l'Essonne pouvait donc légalement, pour ce seul motif, décider, sans erreur d'appréciation, de ne pas octroyer à M. B... un délai de départ volontaire en vertu du 3° de l'article L. 612-2 et 5° de l'article L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
S'agissant de la décision fixant le pays de renvoi :
11. En indiquant que M. B... n'alléguait pas être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine et que la décision ne contrevenait pas aux stipulations des articles 3 et 8 de cette convention, le préfet a satisfait aux exigences de motivation.
S'agissant de l'interdiction de retour sur le territoire français :
12. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder cinq ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, et dix ans en cas de menace grave pour l'ordre public. ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ".
13. L'arrêté attaqué vise les articles L. 612-6 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il indique que M. B... a précédemment utilisé des alias, qu'il s'est soustrait à deux mesures préfectorales de reconduite à la frontière et qu'il a un comportement qui trouble de façon récurrente l'ordre public dès lors qu'il a fait l'objet de signalements le 4 février 2022 pour des faits de conduite d'un véhicule sans permis, le 12 septembre 2021 pour des faits d'usage illicite de stupéfiants et de violences aggravées par trois circonstances suivie d'incapacité inférieure à 8 jours et de destruction du bien d'autrui commise en réunion et le 8 septembre 2020 pour des faits de refus par le conducteur d'un véhicule d'obtempérer à une sommation de s'arrêter. Il comporte enfin les éléments essentiels de la situation personnelle et familiale de M. B... et son parcours en France depuis son entrée en 2017. Il satisfait dès lors aux exigences de motivation.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
14. Le présent arrêt de rejet, n'impliquant aucune mesure d'exécution, les conclusions aux fins d'injonction présentées par M. B... ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
16. Il résulte de tout ce qui précède que la requête de M. B... doit être rejetée.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie sera transmise pour information au préfet de l'Essonne.
Délibéré après l'audience du 21 janvier 2025, à laquelle siégeaient :
M. Etienvre, président de chambre,
M. Pilven, président assesseur,
Mme Pham, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 février 2025.
Le président-assesseur,
J.-E. Pilven
Le président-rapporteur,
F. Etienvre
La greffière,
F. Petit-Galland
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
N° 23VE01034002