Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société civile immobilière du Grand Sentier a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté n° 246-2019 du 15 novembre 2019 par lequel le maire de la commune de Soisy-sous-Montmorency a interdit la circulation et le stationnement des véhicules de plus de 3,5 tonnes entre le n° 12 et le n° 24 de la rue Léon Jouhaux du 15 novembre 2019 au 15 mars 2020 et d'enjoindre à la commune de Soisy-sous-Montmorency de procéder à l'enlèvement sans délai des blocs de pierre et de parpaing posés le long de la rue Léon Jouhaux et du chemin des Carrières ainsi que de faire respecter dans cette section de la rue Léon Jouhaux les règles du stationnement alterné, sous astreinte de 150 euros par jour de retard.
Par un jugement n° 1914786 du 29 septembre 2022, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé l'arrêté du 15 novembre 2019, a mis à la charge de la commune de Soisy-sous-Montmorency la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions de la demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 28 novembre 2022 et 25 octobre 2023, la commune de Soisy-sous-Montmorency, représentée par Me Gentilhomme, avocat, doit être regardée comme demandant à la cour :
1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a annulé l'arrêté du 15 novembre 2019 et mis à sa charge la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de rejeter la demande présentée par la SCI Grand Sentier devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise ;
2°) de mettre à la charge de la SCI Grand Sentier la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier dès lors que le tribunal administratif n'a pas constaté un non-lieu à statuer sur les conclusions à fin d'injonction tendant au retrait des pierres et parpaings servant à assurer la bonne exécution de l'arrêté ;
- la preuve du lien entre les dégradations de la chaussée et la circulation des poids-lourds est rapportée ; il est de même démontré que les dimensions de la voirie rue de Jouhaux ne permettaient pas de laisser circuler des véhicules de type poids-lourd ;
- les autres moyens soulevés en première instance par la SCI Grand Sentier sont infondés.
Par deux mémoires en défense, enregistrés les 25 septembre 2023 et 5 décembre 2023, la SCI du Grand Sentier, représentée par Me Bertrand, avocat, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la commune de Soisy-sous-Montmorency la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens invoqués par la commune ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 7 décembre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 8 janvier 2024.
La commune de Soisy-sous-Montmorency a produit un mémoire, enregistré le 13 novembre 2024 postérieurement à la clôture de l'instruction.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de la voirie routière ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Florent,
- les conclusions de Mme Janicot, rapporteure publique,
- et les observations Me Gentilhomme pour la commune de Soisy-sous-Montmorency et celles de Me Bertrand pour la SCI du Grand Sentier.
Considérant ce qui suit :
1. Le 29 septembre 2017, la SCI du Grand Sentier s'est vu délivrer un permis d'aménager en vue de la réalisation de quatre maisons sur des parcelles situées sur la commune de Montmorency, juste derrière la maison de son gérant propriétaire de la parcelle section AR n°911 sise au 22 rue Léon-Jouhaux à Soisy-sous-Montmorency, les deux sites n'étant séparés que par une voie dénommée chemin des Carrières, qui marque également la limite entre les deux communes. Afin de mener à bien son chantier de construction et d'éviter les nuisances pour le voisinage sur les deux accès au terrain d'assiette des travaux, situés chemin du Grand Sentier et chemin des Carrières, le gérant de la SCI du Grand Sentier a demandé au maire de Soisy-sous-Montmorency, le 23 mai 2018, d'interdire le stationnement au niveau du 22 rue Léon Jouhaux pour faciliter la circulation des camions jusqu'à sa propriété, afin qu'après avoir traversé sa parcelle et le chemin des Carrières, ces camions accèdent au terrain d'assiette des travaux sur la commune de Montmorency. Par une décision du 2 juin 2018, le maire de Soisy-sous-Montmorency a rejeté cette demande au motif que la société devait faire passer les camions et engins de chantier par la commune de Montmorency, qui lui avait délivré le permis d'aménager. Puis, par un arrêté du 2 octobre 2018, les maires de Montmorency et de Soisy-sous-Montmorency ont interdit la circulation de véhicules dont le poids total autorisé en charge était supérieur à 3,5 tonnes sur le chemin des Carrières. Enfin, par un arrêté du 15 novembre 2019, le maire de Soisy-sous-Montmorency a également interdit la circulation et le stationnement des véhicules de plus de 3,5 tonnes entre le n° 12 et le n° 24 de la rue Léon Jouhaux pour la période du 15 novembre 2019 au 15 mars 2020. Par la présente requête, la commune de Soisy-sous-Montmorency relève appel du jugement du 29 septembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé ce dernier arrêté.
2. Aux termes de l'article L. 2213-1 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision attaquée : " Le maire exerce la police de la circulation sur (...) les voies de communication à l'intérieur des agglomérations (...) ". Aux termes de l'article L. 2213-4 du même code : " Le maire peut, par arrêté motivé, interdire l'accès de certaines voies ou de certaines portions de voies ou de certains secteurs de la commune aux véhicules dont la circulation sur ces voies ou dans ces secteurs est de nature à compromettre (...) la tranquillité publique (...) ". Aux termes de l'article R. 141-3 du code de la voirie routière : " Le maire peut interdire d'une manière temporaire ou permanente l'usage de tout ou partie du réseau des voies communales aux catégories de véhicules dont les caractéristiques sont incompatibles avec la constitution de ces voies, et notamment avec la résistance et la largeur de la chaussée ou des ouvrages d'art ". Il résulte de ces dispositions que le maire agissant au titre des pouvoirs de police de la conservation du domaine public que lui confèrent ces textes, peut limiter le tonnage des véhicules dès lors que cette mesure est rendue nécessaire par les risques de dégradation de certaines portions de voie, sans qu'y fassent obstacle les dispositions de l'article L. 141-9 du code de la voirie routière relatives à la contribution financière qui peut être imposée aux usagers auxquels ces dégradations sont imputables ou les dispositions de l'article R. 116-2 du même code énumérant les infractions à la police de la conservation du domaine public routier.
3. Il ressort des termes de l'arrêté litigieux que, pour interdire jusqu'au 15 mars 2020 la circulation des véhicules de plus de 3,5 tonnes entre les n° 12 et 24 de la rue Léon Jouhaux, le maire de la commune de Soisy-sous-Montmorency s'est fondé sur la double circonstance que, d'une part, les dimensions de la voie sur cette portion ainsi que sa structure ne permettaient pas le passage de véhicules de ce gabarit, et que, d'autre part, il était nécessaire de préserver la sécurité des usagers de la voirie et la tranquillité publique des riverains.
4. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier, notamment de la comparaison des photographies annexées aux procès-verbaux réalisés les 6 septembre 2018 et 19 novembre 2019, que la circulation répétée de véhicules de plus de 3,5 tonnes en vue de la réalisation du chantier de la SCI du Grand Sentier a engendré sur la portion de voie litigieuse une large ornière en bordure du terre-plein longeant la voie ainsi qu'une dégradation importante du trottoir, dont l'enrobé a été détruit par le passage des camions, situé face à la parcelle section AR n° 911, laquelle a fait l'objet, sans déclaration préalable, d'une modification de sa clôture en vue de permettre l'accès des véhicules de chantier de la SCI. Par ailleurs, si, ainsi qu'il a été dit au point 1, l'accès au chantier par le chemin des Carrières avait été interdit à la circulation aux véhicules de plus de 3,5 tonnes par arrêté conjoint des maires des communes de Montmorency et de Soisy-sous-Montmorency et s'il n'est pas sérieusement contesté que l'accès au chantier par le chemin du Grand Sentier ne permettait pas la circulation de tels véhicules compte tenu de ses dimensions, il est toutefois constant que le chantier, bien que retardé du fait de ces contraintes, a pu tout de même être achevé avec l'utilisation de véhicules de moindre tonnage. Par suite, le premier motif ayant justifié l'arrêté attaqué n'est entaché d'aucune inexactitude matérielle et l'interdiction litigieuse était bien rendue nécessaire par les risques de dégradation de la portion de voie en cause, sans qu'y fasse obstacle la double circonstance que la rue Léon Jouhaux ne figure pas parmi les voies interdites de façon permanente à la circulation des véhicules de plus de 3,5 tonnes fixée par arrêté du maire de la commune de Soisy-sous-Montmorency du 24 décembre 2013 et que les dommages ainsi causés peuvent faire l'objet d'une répression au titre des infractions à la police de la conservation du domaine public routier. Cette interdiction n'était, par ailleurs, pas disproportionnée au regard du principe de la liberté d'aller et venir, du droit de propriété et de la liberté d'entreprendre, l'accès au chantier restant possible, y compris par d'autres voies. Enfin, si la SCI du Grand Sentier fait valoir que la réalisation du chantier par des véhicules de plus petit format a conduit à accroître sensiblement les allers-venues des engins de chantier et la durée des travaux, augmentant de ce fait les nuisances subies par les riverains, il ne ressort pas des pièces du dossier que ces nuisances, dont aucun courrier ne fait état, ont excédé celles qui auraient résulté de la circulation répétée de camions excédant 3,5 tonnes durant la période des travaux sur la rue Léon Jouhaux. Par suite, la commune de Soisy-sous-Montmorency, dont l'arrêté du 15 novembre 2019 pouvait légalement être pris en considération de ce seul premier motif, est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé l'arrêté litigieux en estimant que ses motifs étaient entachés d'une erreur d'appréciation.
5. Il y a lieu, par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la SCI du Grand Sentier à l'appui de sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 15 novembre 2019.
6. En premier lieu, l'arrêté attaqué mentionne les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, permettant à la SCI du Grand Sentier d'en critiquer utilement les motifs. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de cet acte doit être écarté.
7. En deuxième lieu, la circonstance que l'arrêté attaqué fait état de plaintes de riverains du chemin des Carrières et aurait un impact sur l'accès situé sur cette voie, appartenant également à la commune limitrophe, est sans incidence sur la compétence du maire de Soisy-sous-Montmorency pour réglementer les conditions de circulation sur la rue Léon Jouhaux, située uniquement sur son territoire. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de cet arrêté doit être écarté.
8. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que l'arrêté litigieux a, en tout état de cause, fait l'objet de la publicité adéquate. En outre, la pose de pierres visant à empêcher la circulation sur le terre-plein central n'avait pas à être nécessairement prévue par cet arrêté.
9. Enfin, la SCI du Grand Sentier soutient que l'arrêté attaqué est entaché d'un détournement de procédure dès lors qu'il vise à empêcher la réalisation de ses travaux ainsi que cela résulte de la circonstance qu'il a été pris à la suite des premières dégradations dues aux passages des camions du chantier et pour une durée limitée à la durée initiale desdits travaux. Toutefois, l'arrêté litigieux ne poursuit pas d'autre finalité que celle de préserver la voie en cause, dont la configuration en impasse de faible largeur n'est pas adaptée à une circulation très importante de camions. Cet arrêté interdit par ailleurs indistinctement la circulation de tous les véhicules de plus de 3,5 tonnes, à l'exception des camions assurant un service public. Enfin, sa limitation dans le temps à la période durant laquelle une circulation importante de tels véhicules était prévisible du fait des travaux engagés par la SCI ne saurait révéler à elle-seule un détournement de procédure.
10. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, la commune de Soisy-sous-Montmorency est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé l'arrêté du 15 novembre 2019 et a mis à sa charge la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Soisy-sous-Montmorency, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que sollicite la SCI du Grand Sentier au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la SCI du Grand Sentier la somme de 1 500 euros sur le fondement de ces mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : Les articles 1er et 2 du jugement n° 1914786 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 29 septembre 2022 sont annulés.
Article 2 : Les conclusions de la demande présentée par la SCI du Grand Sentier devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise tendant à l'annulation de l'arrêté n° 246-2019 du maire de Soisy-sous-Montmorency du 15 novembre 2019 et à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La SCI du Grand Sentier versera à la commune de Soisy-sous-Montmorency la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions présentées par la SCI du Grand Sentier sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Soisy-sous-Montmorency et à la SCI du Grand Sentier.
Délibéré après l'audience du 30 janvier 2025, à laquelle siégeaient :
Mme Signerin-Icre, présidente de chambre,
M. Camenen, président assesseur,
Mme Florent, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 février 2025.
La rapporteure,
J. FLORENTLa présidente,
C. SIGNERIN-ICRELa greffière,
C. RICHARD
La République mande et ordonne au préfet du Val-d'Oise en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
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N° 22VE02671