Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Versailles de condamner l'Etat à l'indemniser des préjudices subis à la suite de son accident de la circulation le 27 avril 2018, d'ordonner une expertise avant-dire droit afin de déterminer la date de consolidation de son état de santé et d'évaluer ses préjudices corporels et financiers ainsi que de condamner l'Etat à lui verser une provision de 10 000 euros dans l'attente de cette expertise.
Par un jugement n° 2004424 du 10 novembre 2022, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 10 janvier 2023, M. A..., représenté par Me A..., avocate, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser une somme totale de 67 783,58 en réparation des préjudices subis consécutifs à son accident du 27 avril 2018 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le lieu de l'accident et le lien de causalité entre l'accident et l'état de la route sont établis, la chaussée ayant d'ailleurs fait l'objet de travaux de réparation depuis lors ; aucune signalisation n'avait été mise en place, révélant un défaut d'entretien normal ;
- l'accident n'est pas imputable à un défaut d'entretien de la moto ou à une faute de l'exposant ;
- il est fondé à solliciter l'indemnisation de ses préjudices à hauteur de 2 805 euros au titre de son déficit fonctionnel temporaire, de 4 000 euros au titre de son préjudice esthétique temporaire évalué 2/7 par l'expertise judiciaire, de 8 000 euros au titre des souffrances endurées évaluées à 3/7, de 11 100 euros au titre de son déficit fonctionnel permanent évalué à 6%, de 30 000 euros en réparation de son préjudice professionnel du fait du retard d'un an pris dans l'élaboration de sa thèse et de l'impact sur son recrutement en qualité de maître de conférence, de 3 000 euros au titre du préjudice esthétique permanent évalué à 1,5/7 et de 4 000 euros au titre de son préjudice d'agrément compte tenu de l'impact de l'accident sur ses activités sportives.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 septembre 2023, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête en s'en rapportant à ses écritures de première instance.
La requête a été communiquée à la caisse primaire d'assurance maladie des Yvelines qui n'a pas produit d'observations.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Florent,
- et les conclusions de Mme Janicot, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. Dans la nuit du 26 au 27 avril 2018, aux alentours de 00h30, M. A... a chuté à moto à hauteur du rond-point faisant la jonction, sur la commune de Chambourcy, entre la route départementale 113 et la route nationale 13. Il relève appel du jugement du 10 novembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à réparer les préjudices résultant de cet accident et à la désignation d'un expert afin d'en évaluer l'étendue.
Sur la responsabilité de l'Etat :
2. Pour obtenir réparation, par le maître de l'ouvrage, des dommages qu'il a subis, l'usager de l'ouvrage public doit démontrer, d'une part, la réalité de son préjudice et, d'autre part, l'existence d'un lien de causalité direct et certain entre l'ouvrage et le dommage. Pour s'exonérer de la responsabilité qui pèse ainsi sur elle, il incombe à la personne publique maître de l'ouvrage, soit d'établir qu'elle a normalement entretenu l'ouvrage, soit de démontrer la faute de la victime ou l'existence d'un évènement de force majeure.
3. En l'espèce, il résulte de l'instruction, en particulier de la déclaration de sinistre du requérant à son assureur produite par le préfet en première instance, corroborée par l'attestation d'un de ses amis avec lequel il venait de passer la soirée et qui est intervenu sur les lieux immédiatement après l'accident, que M. A... a chuté en moto au niveau du rond-point de l'entrée de la commune de Chambourcy, à hauteur d'un concessionnaire automobile. Il résulte par ailleurs du constat d'huissier réalisé moins de deux mois après les faits et de nature à rendre compte de l'état de la chaussée à la date de l'accident, que la section du rond-point où a lieu la chute de M. A... présente un aspect faïencé, des gravillons, plusieurs nids de poule ainsi qu'un sillon mal comblé traversant sur toute sa longueur la voie en son milieu, avec par endroits des trous le long de ce sillon, dont l'un présente une profondeur de près de 10 cm. Une telle déformation de la chaussée, dans une voie en virage, est de nature à conduire à une perte d'adhérence des véhicules à deux roues et excède les obstacles ou défectuosités que les usagers de la voie publique, et en particulier les conducteurs de véhicules à deux roues, doivent normalement s'attendre à rencontrer. Si l'administration soutient en défense que l'accident a pu être causé par une imprudence fautive de M. A... ou une défaillance mécanique de son véhicule, elle n'apporte aucun élément de nature à étayer ces hypothèses. Pour sa part, M. A... soutient qu'il venait de prendre la route après avoir passé la soirée avec des amis dans un établissement tout proche et roulait à une vitesse d'environ 20 km/h quand l'accident est survenu, que la chaussée était sèche et que son véhicule était entretenu, ce qu'il établit par la production de ses carnets d'entretien. Dans ces conditions, M. A..., qui n'avait jusqu'alors déclaré aucun accident depuis l'obtention de son permis A, doit être regardé comme rapportant la preuve du lien de causalité entre l'ouvrage et son accident, sans que puisse être retenue à son encontre une imprudence fautive de nature à exonérer, même partiellement, l'administration de sa responsabilité. Enfin, l'Etat, qui ne conteste pas être maître d'ouvrage du rond-point en cause, n'établit pas, par la seule production de ses fiches d'entretien, que la voie litigieuse était normalement entretenue et, en particulier, que les désordres constatés sur la chaussée avaient fait l'objet d'une signalisation adéquate. Dans ces conditions, M. A... est fondé à rechercher la responsabilité de l'Etat.
Sur les préjudices subis par M. A... :
4. Il résulte de l'instruction qu'à la suite de l'accident, M. A... a souffert d'une entorse acromio-claviculaire gauche ayant justifié une opération chirurgicale.
En ce qui concerne les préjudices extrapatrimoniaux temporaires :
5. L'expertise médicale ordonnée par le juge des référés du tribunal judiciaire de Versailles par un jugement du 13 août 2020 indique que le déficit fonctionnel temporaire subi par M. A... peut être fixé à 10% pour la période du 28 avril 2018 au 17 décembre 2019, à 100% le 18 décembre 2019, date de son opération, puis à 25% pour la période du 19 décembre 2019 au 18 février 2020, et enfin de nouveau à 10% pour la période du 19 février 2020 jusqu'au 18 juin 2020, date de consolidation de ses blessures. Dans ces conditions, il sera fait une juste évaluation de ce préjudice en allouant à M. A... la somme totale de 2 805 euros demandée par l'intéressé. Il sera également fait une juste évaluation des souffrances temporaires endurées par le requérant, fixées à 3/7 par l'expertise judiciaire, et du préjudice esthétique temporaire de M. A..., fixé à 2/7 pour sa blessure à l'épaule, respectivement aux sommes de 4 000 euros et de 500 euros.
En ce qui concerne les préjudices extrapatrimoniaux permanents :
6. L'expert médical ayant fixé à 6% le déficit permanent partiel de M. A..., il y a lieu d'allouer au requérant, âgé de trente-cinq ans à la date de la consolidation de son état de santé, la somme de 11 000 euros au titre de ce préjudice, augmentée d'une somme de 1 000 euros au titre du préjudice esthétique permanent fixé à 1,5/7 par l'expert judiciaire. Par ailleurs, la pratique des arts martiaux est désormais contre-indiquée à M. A... et celui-ci ne peut plus jouer au basket-ball avec les mêmes facilités qu'auparavant. Il sera alloué par suite au requérant, qui produit au dossier des éléments attestant de ces pratiques sportives, une somme de 1 000 euros au titre de ce préjudice d'agrément.
En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux :
7. L'expertise médicale retient que l'accident en cause a eu pour effet de retarder d'un an le travail d'élaboration de la thèse en sciences politiques de M. A..., lequel demande réparation du préjudice financier qui résulterait en conséquence du retard à être recruté comme maître de conférence. Il résulte toutefois du courriel adressé par M. A... à l'expert le 5 décembre 2020 que le requérant a fait le choix de retarder son opération à la fin de l'écriture de sa thèse et il n'est pas établi que la soutenance n'aurait pu avoir lieu dans les délais prévus du fait de cette opération. Par suite, les conclusions indemnitaires présentées au titre d'un préjudice professionnel doivent être rejetées.
8. M. A... établit en revanche avoir exposé des frais pour la réparation de son véhicule ainsi que pour le remplacement de sa tenue vestimentaire de motocycliste à hauteur de 4 343,35 euros et qu'une somme totale de 535,23 euros est restée à sa charge au titre des frais médicaux. Il y a lieu, par suite, de condamner l'Etat à verser au requérant les sommes ainsi justifiées.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... est fondé à soutenir que, c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande et à demander la condamnation de l'Etat à lui verser la somme totale de 25 183,58 euros en réparation de ses préjudices consécutifs à son accident du 27 avril 2018.
Sur les frais de l'instance :
10. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de faire application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des frais d'avocat exposés par M. A... dans le cadre de la présente instance.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2004424 du tribunal administratif de Versailles du 10 novembre 2022 est annulé.
Article 2 : L'Etat est condamné à verser à M. A... la somme totale de 25 183,58 euros en réparation de ses préjudices personnels et financiers consécutifs à son accident du 27 avril 2018.
Article 3 : L'Etat versera à M. A... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation et à la caisse primaire d'assurance maladie des Yvelines.
Copie en sera communiquée au préfet des Yvelines.
Délibéré après l'audience du 30 janvier 2025, à laquelle siégeaient :
Mme Signerin-Icre, présidente de chambre,
M. Camenen, président assesseur,
Mme Florent, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 février 2025.
La rapporteure,
J. FLORENT
La présidente,
C. SIGNERIN-ICRE
La greffière,
C. RICHARD
La République mande et ordonne au ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
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N° 23VE00066