Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme F... épouse B... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 20 juillet 2023 par lequel le préfet du Val-d'Oise a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 2311567 du 14 mars 2024, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 19 avril 2024, Mme E... épouse B..., représentée par Me Sadoun, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet du Val-d'Oise de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de la procédure de première instance et la même somme au titre de la procédure d'appel, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision portant refus de titre de séjour est entaché d'incompétence ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen sérieux de sa situation personnelle ; c'est à tort que le tribunal administratif a écarté ce moyen sur la base d'éléments qui n'avaient pas été développés par le préfet en défense ;
- elle est entachée d'une erreur de droit, d'une erreur de fait et d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- elle est entachée d'une erreur de fait et d'une erreur manifeste d'appréciation en ce qu'elle indique que sa présence en France n'est pas avérée en 2019 et en 2020 ; ces erreurs ont nécessairement eu une influence sur le sens de la décision prise, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif alors que cela n'était même pas soutenu par le préfet en défense ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'elle remplissait toutes les conditions pour se voir délivrer un titre de séjour sur ce fondement ;
- elle est entachée d'une erreur de droit au regard des mêmes dispositions dès lors que l'absence d'exécution d'une obligation de quitter le territoire français ne constitue pas un obstacle à la régularisation pour motif exceptionnel ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'incompétence ;
- elle est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour sur laquelle elle se fonde ;
- elle est entachée d'erreur de droit, d'erreur de fait et d'erreur manifeste d'appréciation ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense enregistré le 10 décembre 2024, le préfet du Val-d'Oise conclut au rejet de la requête.
Il soutient maintenir ses écritures de première instance.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bahaj,
- et les observations de Me Sadoun, pour Mme E... épouse B... et celles de Mme E... épouse B....
Considérant ce qui suit :
1. Mme E... épouse B..., ressortissante congolaise née le 22 avril 1992 et entrée régulièrement en France le 12 septembre 2016, a sollicité, le 13 septembre 2022, la délivrance d'un titre de séjour en invoquant notamment le bénéfice des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 20 juillet 2023, le préfet du Val-d'Oise a rejeté sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Mme E... épouse B... relève appel du jugement du 14 mars 2024 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, Mme E... épouse B... soutient que les juges de première instance ont écarté le moyen tiré du défaut d'examen réel et sérieux de sa situation sur la base d'éléments qui n'avaient pas été développés par le préfet en défense. A supposer que la requérante ait ainsi entendu critiquer la régularité du jugement attaqué, en se prévalant d'une méconnaissance du principe du contradictoire ou d'une rupture d'égalité entre les parties, il ressort toutefois du point 3 de ce jugement que le tribunal administratif s'est uniquement fondé, pour écarter le moyen précité, sur les pièces figurant au dossier et, notamment, le contenu des écritures de l'intéressée elle-même. Il en résulte que Mme E... épouse B... n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué serait irrégulier au motif que l'égalité entre les parties aurait été rompue ou que le principe du contradictoire aurait été méconnu.
3. En second lieu, la requérante soutient que les juges de première instance ne pouvaient, après avoir relevé que la décision attaquée était entachée d'une erreur de fait, considérer, sans que cela ait été soutenu par le préfet en défense, qu'il ne ressortait pas des pièces du dossier que cette autorité aurait pris une décision différente en l'absence de l'erreur précitée. Toutefois, un tel moyen ne peut qu'être écarté dès lors que la neutralisation d'un motif illégal figurant dans une décision comportant plusieurs motifs, relève de l'office du juge de l'excès de pouvoir. Par suite, Mme E... épouse B... n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué serait irrégulier de ce chef.
Sur la légalité de l'arrêté attaqué :
4. L'arrêté attaqué a été signé, pour le préfet du Val-d'Oise, par Mme A... C..., adjointe à la cheffe du bureau du contentieux et de l'éloignement de la direction des migrations et de l'intégration de la préfecture. Cette dernière disposait, en vertu d'un arrêté préfectoral n° 23-042 du 11 juillet 2023, dûment publié le jour-même au recueil des actes administratifs de l'Etat dans le Val-d'Oise n° 88, d'une délégation à l'effet de signer, en cas d'absence ou d'empêchement du directeur des migrations et de l'intégration et de son adjointe, tous les actes relevant du domaine de la délivrance des titres de séjour ainsi que toute obligation de quitter le territoire français. Il n'est pas soutenu que ces derniers n'étaient ni absents ni empêchés à la date de l'arrêté contesté. Il en résulte que les moyens tirés de l'incompétence de la signataire du refus de titre de séjour et de la mesure d'éloignement attaqués doivent être écartés.
En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :
5. En premier lieu, il ne ressort ni des termes de l'arrêté attaqué, ni d'aucune autre pièce du dossier, que le préfet du Val-d'Oise se serait abstenu de procéder à un examen réel et sérieux de la situation de Mme E... épouse B.... A cet égard, si le préfet s'était initialement prononcé sur la demande de titre de séjour de l'intéressée par un arrêté du 3 octobre 2022, qu'il a ensuite abrogé le 7 juillet 2023 avant de prendre, sans avoir sollicité de la requérante une réactualisation de sa demande, l'arrêté contesté le 20 juillet suivant, cette circonstance est toutefois sans incidence sur la légalité de cet arrêté, dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme E... épouse B... aurait disposé, dans l'intervalle, d'éléments pertinents tenant à sa situation personnelle susceptibles d'influer sur le sens de la décision contestée. Par suite, le moyen tiré du défaut d'examen réel et sérieux de la situation de la requérante doit être écarté.
6. En deuxième lieu, en se bornant à soutenir, en page 7 de sa requête, que la décision attaquée " est entachée d'erreur de droit, d'erreur de fait et d'erreur manifeste d'appréciation ", la requérante n'assortit pas ces moyens des précisions nécessaires à l'examen par la cour de leur bien-fondé.
7. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
8. Il ressort des pièces du dossier que Mme E... épouse B... est entrée en France le 12 septembre 2016, munie d'un visa de long séjour valant titre de séjour valable du 11 septembre 2016 au 11 septembre 2017, qui lui avait été délivré en qualité d'étudiante, et qu'elle a ensuite bénéficié, en la même qualité, d'une carte de séjour temporaire valable un an du 12 septembre 2017 au 11 septembre 2018. Toutefois, par un arrêté du 21 décembre 2018, le préfet de la Marne a refusé de renouveler ce titre de séjour, en raison de l'absence de caractère réel et sérieux des études suivies par la requérante et a pris à son encontre une obligation de quitter le territoire français. Alors que le recours formé contre cet arrêté avait été rejeté par un jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 17 juillet 2019, l'intéressée s'est maintenue irrégulièrement en France où elle a épousé, le 7 août 2020, un compatriote, titulaire d'une carte de résident de longue durée valable dix ans et employé depuis le 26 octobre 2020 par une société en qualité d'ingénieur validation. Si Mme E... épouse B... était ainsi, à la date de l'arrêté contesté, présente en France depuis presque sept années et mariée depuis presque trois ans à un compatriote en situation régulière, il est constant que le couple n'a pas d'enfant et que la requérante ne justifie que de deux ans de présence régulière en France, de surcroît en qualité d'étudiante. Par suite, et malgré l'obtention par l'intéressée d'une Licence de chimie, le préfet du Val-d'Oise n'a pas, en refusant de délivrer à Mme E... épouse B... le titre de séjour sollicité, porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Il en résulte que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
9. En quatrième lieu, aux termes du premier alinéa de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention (...) " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. ".
10. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 8, Mme E... épouse B... ne saurait être regardée comme justifiant de motifs exceptionnels ou de considérations humanitaires au sens des dispositions citées au point précédent. L'intéressée ne peut, par ailleurs, utilement soutenir que l'absence d'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ne constituerait pas un obstacle à l'admission exceptionnelle au séjour, dès lors que le préfet ne s'est pas fondé sur cette circonstance pour écarter l'application des dispositions de l'article L. 435-1 précité. Il en résulte que les moyens tirés de l'erreur manifeste d'appréciation et de l'erreur de droit qu'aurait commises le préfet au regard de ces dispositions doivent être écartés.
11. Enfin, si le préfet du Val-d'Oise a considéré, à tort, que la présence de la requérante en France n'était pas avérée pour les années 2019 et 2020, une telle erreur de fait est, compte tenu de ce qui a été dit aux points 8 et 10, sans incidence sur la légalité de la décision attaquée.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
12. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que Mme E... épouse B... n'est pas fondée à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision de refus de titre de séjour.
13. En deuxième lieu, les moyens tirés de l'erreur de droit, de fait et de l'erreur manifeste d'appréciation dont serait entachée la mesure d'éloignement en litige, invoqués en page 16 de la requête, ne sont assortis d'aucune précision de nature à permettre à la cour d'en apprécier le bien-fondé. Ils doivent, par suite, être écartés.
14. Enfin, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 8, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
15. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que Mme E... épouse B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme E... épouse B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F... épouse B... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Val-d'Oise.
Délibéré après l'audience du 6 mars 2025, à laquelle siégeaient :
Mme Signerin-Icre, présidente,
M. Camenen, président assesseur,
Mme Bahaj, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 mars 2025.
La rapporteure,
C. BAHAJ
La présidente,
C. SIGNERIN-ICRE
La greffière,
V. MALAGOLI
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
N° 24VE01054 2