Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 8 décembre 2023 par lequel le préfet du Val-d'Oise a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office.
Par une ordonnance n° 2400455 en date du 26 avril 2024, le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 27 mai 2024, M. C..., représenté par Me Aucher-Fagbemi, demande à la cour :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) d'annuler cet arrêté, ou, à titre subsidiaire, d'annuler la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
3°) d'enjoindre au préfet du Val-d'Oise, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour, dans le délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision à intervenir et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- sa demande de première instance, qui comportait un ensemble de moyens de moyens de légalité externe et interne assortis de précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé, ne pouvait être rejetée en application du 7° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative ;
- l'ordonnance attaquée méconnait les principes de bonne administration de la justice, du droit à un procès équitable ainsi que du respect du caractère contradictoire de la procédure ;
- la décision portant refus de titre de séjour est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen sérieux de sa situation personnelle, dès lors que son employeur a, contrairement à ce que mentionne la décision litigieuse, répondu aux demandes de la plateforme interrégionale de la main d'œuvre étrangère ;
- elle méconnait les stipulations de l'article 7 b) de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- elle méconnait les dispositions de l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnait les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'il justifie de motifs exceptionnels de régularisation ;
- elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;
- elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
Par un mémoire en défense enregistré le 31 janvier 2025, le préfet du Val-d'Oise conclut au rejet de la requête.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. A... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... C..., ressortissant algérien, né le 25 février 1989 à Kaous (Algérie), est entré en France le 3 février 2018, muni d'un visa de court-séjour valable du 1er janvier 2018 au 25 mars 2018. Il a sollicité son admission au séjour en qualité de salarié le 14 avril 2022 en invoquant le bénéfice des stipulations de l'article 7 b) de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Par un arrêté du 8 décembre 2023, le préfet du Val-d'Oise a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination en cas d'exécution d'office. M. C... fait appel de l'ordonnance du 26 avril 2024 par laquelle le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :
2. Aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " (...) les présidents de formation de jugement des tribunaux (...) peuvent, par ordonnance : ( ...) 7° Rejeter, après l'expiration du délai de recours ou, lorsqu'un mémoire complémentaire a été annoncé, après la production de ce mémoire, les requêtes ne comportant que des moyens de légalité externe manifestement infondés, des moyens irrecevables, des moyens inopérants ou des moyens qui ne sont assortis que de faits manifestement insusceptibles de venir à leur soutien ou ne sont manifestement pas assortis des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé (...). ".
3. Il ressort des termes de la demande de première instance qu'à l'appui des moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que de l'erreur manifeste d'appréciation, invoqués à l'encontre des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français, M. C... a notamment précisé qu'il résidait sur le territoire français de manière continue depuis 2018, qu'il exerçait une activité professionnelle depuis trois années et qu'il subvenait personnellement à ses besoins matériels et financiers. Si ces moyens n'étaient pas étayés par des pièces justificatives, ils ne pouvaient cependant être regardés comme n'étant pas assortis de précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé. Par suite, le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Cergy-Pontoise ne pouvait se fonder sur les dispositions précitées du 7° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative pour rejeter par simple ordonnance la demande de M. C.... Ainsi, l'ordonnance attaquée est entachée d'irrégularité et doit être annulée.
4. Dès lors, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de régularité, il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise.
Sur la légalité de l'arrêté attaqué :
En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :
5. En premier lieu, la décision litigieuse, qui n'avait pas à faire état de tous les éléments relatifs à la situation personnelle de M. C..., mentionne les textes dont il est fait application, notamment l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Elle fait également mention des considérations de fait qui la fondent, notamment la durée de séjour en France du requérant ainsi que des éléments de fait relatifs à sa situation professionnelle et familiale. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision litigieuse ne peut qu'être écarté.
6. En deuxième lieu, il ressort des motifs fondant la décision litigieuse que le préfet du Val-d'Oise a procédé à un examen particulier de la situation personnelle de M. C.... Si le requérant soutient à cet égard que la décision contestée mentionne, à tort, que son employeur n'aurait pas répondu aux sollicitations de la plateforme interrégionale de la main d'œuvre étrangère en date des 27 janvier et 6 février 2023, il n'assortit cette allégation d'aucun élément permettant d'en apprécier la portée et le bien-fondé. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet du Val-d'Oise n'aurait pas procédé à un examen sérieux de sa situation personnelle avant de prendre la décision litigieuse doit être écarté.
7. En troisième lieu, aux termes de l'article 7 b) de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Les ressortissants algériens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée reçoivent, après le contrôle médical d'usage et sur présentation d'un contrat de travail visé par les services du ministre chargé de l'emploi, un certificat de résidence valable un an pour toutes les professions et toutes les régions, renouvelable et portant la mention "salarié" ; cette mention constitue l'autorisation de travail exigée par la législation française ". Aux termes de l'article 9 de cet accord : " Pour être admis à entrer et séjourner plus de trois mois sur le territoire français au titre des articles 4, 5,7,7bis al. 4 (lettre c et d) et du titre III du protocole, les ressortissants algériens doivent présenter un passeport en cours de validité muni d'un visa de long séjour délivré par les autorités françaises. (...) ".
8. Si le requérant produit le contrat de travail à durée indéterminée qu'il a conclu le 28 décembre 2022 avec une société spécialisée dans la fabrication de structures métalliques, il n'en demeure pas moins qu'il s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire français après l'expiration de son visa de court-séjour à compter du 25 mars 2018 et ne conteste pas ne pas être en mesure de produire le visa de long séjour exigé par les stipulations de l'article 9 de l'accord précité. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 7 b) de l'accord franco-algérien ne peut qu'être écarté.
9. En quatrième lieu, dès lors que les stipulations de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 régissent d'une manière complète les conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent être admis à séjourner en France et y exercer une activité professionnelle, ainsi que les règles concernant la nature des titres de séjour qui peuvent leur être délivrés, M. C... ne peut utilement invoquer la méconnaissance des dispositions des articles L. 421-1 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
10. Toutefois, si l'accord franco-algérien ne prévoit pas, pour sa part, de semblables modalités d'admission exceptionnelle au séjour que celles prévues à l'article L. 435-1 du code précité, ses stipulations n'interdisent pas au préfet de délivrer un certificat de résidence à un ressortissant algérien qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit. Il lui appartient, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, compte tenu de l'ensemble des éléments de la situation personnelle et professionnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation.
11. Il ressort des termes de l'arrêté attaqué que le préfet du Val-d'Oise a examiné la possibilité d'une mesure de régularisation de la situation de M. C..., dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point. Le requérant se prévaut de sa présence en France depuis le 3 février 2018, ainsi que de l'exercice d'une activité professionnelle depuis 2019. Il ressort des pièces du dossier que M. C... a exercé une première activité professionnelle, sous contrat à durée indéterminée du 18 novembre 2019 au 21 septembre 2022, en qualité de poseur polyvalent pour le compte d'une société spécialisée dans les fermetures. Il a ensuite obtenu un contrat de travail à durée indéterminée en qualité d'ouvrier polyvalent pour le compte d'une société spécialisée dans la fabrication de structures métalliques, à compter du 28 décembre 2022. Toutefois, ces expériences professionnelles d'une durée cumulée de moins de quatre années à la date de la décision attaquée ne sont pas de nature, à elles seules, à caractériser une situation répondant à des motifs exceptionnels d'admission au séjour. Au surplus, M. C... ne conteste pas être célibataire, sans charge de famille et n'être pas dépourvu d'attaches dans son pays d'origine, où résident ses parents ainsi que sa fratrie, et où il a vécu jusqu'à l'âge de vingt-huit ans. Par suite, le préfet du Val-d'Oise n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire de régularisation dont il dispose.
12. En cinquième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
13. S'il ressort des pièces du dossier que M. C... a exercé, ainsi qu'il a été dit au point 11 du présent arrêt, une première activité sous contrat à durée indéterminée en qualité de poseur polyvalent du 18 novembre 2019 au 21 septembre 2022, puis une seconde en qualité d'ouvrier polyvalent à compter du 28 décembre 2022, l'intéressé s'est maintenu en situation irrégulière sur le territoire pendant plus de quatre années après l'expiration de son visa de court-séjour, et ne conteste pas être célibataire et sans charge de famille, ni n'être pas dépourvu d'attaches dans son pays d'origine, où résident ses parents ainsi que sa fratrie. Dans ces conditions, M. C... n'est pas fondé à soutenir que le préfet du Val-d'Oise aurait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention précitée. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision litigieuse sur sa situation personnelle doit être écarté.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
14. En premier lieu, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / (...) 3° L'étranger s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour (...) ". Aux termes de l'article L. 613-1 du même code : " (...) Dans le cas prévu au 3° de l'article L. 611-1, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour (...) ".
15. Il résulte de ces dispositions que l'obligation faite à un étranger de quitter le territoire français n'a pas à comporter une motivation spécifique distincte de celle du refus de titre de séjour sur lequel elle se fonde si ce dernier est suffisamment motivé. Celui-ci étant suffisamment motivé ainsi qu'il a été dit au point 5 du présent arrêt, la décision d'éloignement n'avait pas à faire l'objet d'une motivation distincte.
16. En deuxième lieu, pour les mêmes motifs qu'énoncés au point 13 du présent arrêt, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'existence d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle, doivent être écartés.
17. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions à fin d'annulation présentées par M. C... doivent être rejetées, ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction, d'astreinte et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : L'ordonnance du président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Cergy-Pontoise n° 2400455 du 26 avril 2024 est annulée.
Article 2 : La demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise ainsi que le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Val-d'Oise.
Délibéré après l'audience du 22 mai 2025, à laquelle siégeaient :
M. A..., premier vice-président, président de chambre,
Mme Mornet, présidente-assesseure,
Mme Aventino, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 juin 2025.
Le président-rapporteur,
B. A...
La présidente assesseure,
G. Mornet
La greffière,
I. Szymanski
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 24VE01438