SUR LES DEUX PREMIERS MOYENS REUNIS, PRIS DE LA VIOLATION DES ARTICLES 1134 ET 1184 DU CODE CIVIL, 102 DU DECRET DU 20 JUILLET 1972, 12 DU DECRET DU 9 SEPTEMBRE 1971 ET 7 DE LA LOI DU 20 AVRIL 1810, DEFAUT DE MOTIFS ET MANQUE DE BASE LEGALE : ATTENDU QUE LA COMPAGNIE AIR-FRANCE FAIT GRIEF A L'ARRET ATTAQUE D'AVOIR JUGE QUE LA SUSPENSION DES VOLS QU'ELLE AVAIT ORDONNEE LE 21 FEVRIER 1970 DANS L'INTENTION DE FAIRE PRESSION SUR LE PERSONNEL NAVIGANT TECHNIQUE POUR LE CONTRAINDRE A ACCEPTER SES PROPOSITIONS RELATIVES AU RENOUVELLEMENT DU PROTOCOLE D'ACCORD CONSTITUAIT UN LOCK-OUT ILLICITE, QUE LA CRAINTE DE GREVES FUTURES ANNONCEES NE JUSTIFIAIT PAS UNE TELLE MESURE, QUE LA COMPAGNIE L'AVAIT D'AILLEURS RAPPORTEE LE 14 MARS SUIVANT BIEN QUE LA SITUATION FUT IDENTIQUE A CELLE QUI EXISTAIT LORS DE SA MISE EN VIGUEUR, ET QUE LA DIRECTION AVAIT CONFIRME A DES MEMBRES DU PERSONNEL NAVIGANT QUE LA SUSPENSION DES VOLS ETAIT UNE RIPOSTE A LA GREVE, ALORS, D'UNE PART, QUE LE LOCK-OUT EST L'ARRET DES ACTIVITES DE L'ENTREPRISE A L'INITIATIVE DE L'EMPLOYEUR, QUE SUSPENDANT L'EXECUTION DU CONTRAT DE TRAVAIL, IL DECHARGE L'EMPLOYEUR DE L'OBLIGATION DE PAYER LES SALAIRES, QU'EN L'ESPECE, LA SUSPENSION DES VOLS N'ENTRAINAIT PAS L'ARRET DE L'ACTIVITE DE L'ENTREPRISE QUI CONTINUAIT DE S'EXERCER AU SOL ET NE LIBERAIT PAS L'EMPLOYEUR DU PAIEMENT DU SALAIRE DU AU PERSONNEL NAVIGANT EN CAS D'INACTIVITE, SALAIRE QUI LUI AVAIT TOUJOURS ETE VERSE DE SORTE QUE QUELS QUE SOIENT LES MOTIFS QUI ONT GUIDE LA COMPAGNIE LORSQU'ELLE A PROCEDE A LA SUSPENSION DES VOLS, ILS NE SAURAIENT TRANSFORMER EN LOCK-OUT UNE MESURE QUI NE POSSEDAIT PAS LES CARACTERES PROPRES A CELUI-CI, ALORS, D'AUTRE PART, QUE SI L'ANNONCE DE GREVES FUTURES N'AUTORISE PAS LE LOCK-OUT DE L'ENTREPRISE, IL N'EN EST AINSI QUE DANS LE CAS D'ENTREPRISES, DE TYPE INDUSTRIEL AUXQUELLES LES GREVES CAUSENT UN DOMMAGE SANS TOUTEFOIS MENACER LEUR EXISTENCE, SE BORNANT A RETARDER L'EXECUTION DES MARCHES, TANDIS QU'UNE ENTREPRISE DE TRANSPORT AERIEN DOIT ASSURER AU JOUR FIXE LONGTEMPS A L'AVANCE UN TRANSPORT QUI NE SERA PAS EXECUTE A UNE AUTRE DATE ET QUE L'INCERTITUDE SUR L'EXACTITUDE DU TRANSPORTEUR AINSI QUE SES DEFAILLANCES REPETEES DETOURNENT UNE CLIENTELE QUI VEUT RETENIR SON PASSAGE EN TOUTE SECURITE QUANT A SON EXECUTION ET ENTRAINANT AINSI LA DESTRUCTION DE L'ENTREPRISE, ALORS, EN OUTRE, QU'A LA DATE DE REPRISE DES VOLS, LA SITUATION N'ETAIT PAS LA MEME QUE LORS DE LEUR SUSPENSION, LES DISCUSSIONS ETANT A LA VEILLE D'ABOUTIR A UN ACCORD SIGNE LE SURLENDEMAIN, ET ALORS, ENFIN, QUE SI LE PRESIDENT DU CONSEIL D'ADMINISTRATION AVAIT LUI-MEME QUALIFIE LA SUSPENSION DES VOLS DE RIPOSTE, CETTE RIPOSTE ETAIT LA "DEFENSE" QUE L'ENTREPRISE OPPOSAIT AUX GREVES QUI MENACAIENT SON FONCTIONNEMENT AINSI QUE SON EXISTENCE ET QU'ELLE SE TROUVAIT EN CONSEQUENCE PARFAITEMENT LEGITIME ;
MAIS ATTENDU QUE LA COUR D'APPEL A CONSTATE QUE L'ACCORD RELATIF AUX REMUNERATIONS ET CONDITIONS DE TRAVAIL INTERVENU EN 1958 ENTRE LE SYNDICAT DES PILOTES DE LIGNE ET LA COMPAGNIE AIR-FRANCE EXPIRAIT LE 31 DECEMBRE 1970, ET QUE LES NEGOCIATIONS MENEES POUR SON RENOUVELLEMENT N'AVAIENT PAS ENCORE ABOUTI, LES DEUX PARTIES ETANT DIVISEES SUR LA SOLUTION A DONNER AUX REMUNERATIONS DU PERSONNEL NAVIGANT TECHNIQUE ;
QUE CELUI-CI S'ETAIT MIS EN GREVE LES 4 ET 5 JANVIER 1971, PUIS DU 19 AU 21 FEVRIER ;
QUE C'ETAIT AU MOMENT MEME OU CE PERSONNEL DEVAIT REPRENDRE LE TRAVAIL QUE LA COMPAGNIE AVAIT DECIDE LA SUSPENSION DE TOUS LES VOLS ;
QUE SI L'ACTIVITE S'ETAIT POURSUIVIE AU SOL ET SI LA COMPAGNIE AVAIT VERSE AU PERSONNEL NAVIGANT LE SALAIRE MINIMUM GARANTI CORRESPONDANT A LA PERIODE DE SUSPENSION, LA MESURE DECIDEE N'AVAIT ETE QU'UNE "RIPOSTE" A LA GREVE AINSI QUE LE PRESIDENT DU CONSEIL D'ADMINISTRATION L'AVAIT D'AILLEURS RECONNU DANS UNE LETTRE ECRITE AUX COMMANDANTS DE X... LE 13 MAI 1971 ;
QUE LA DECISION DE LA COMPAGNIE INTERVENUE LE 21 FEVRIER 1971 DES LA FIN DE LA GREVE, A UN MOMENT OU LA REPRISE DES VOLS ETAIT POSSIBLE, AVAIT ETE RAPPORTEE LE 14 MARS 1971 BIEN QU'AUCUN ACCORD N'EUT ETE ENCORE SIGNE ET QUE LA SITUATION N'EUT PAS ETE MODIFIEE, QU'ELLE N'AVAIT PAS ETE MOTIVEE COMME ELLE L'ALLEGUAIT PAR LE RISQUE QUE LA COMPAGNIE AIR-FRANCE POUVAIT COURIR D'ETRE HORS D'ETAT DE RESPECTER SES OBLIGATIONS A L'EGARD DE SA CLIENTELE DU FAIT DE GREVES ULTERIEURES POSSIBLES, MAIS PAR LA VOLONTE DE CONTRAINDRE LE PERSONNEL NAVIGANT, A ACCEPTER SES PROPOSITIONS POUR LE RENOUVELLEMENT DU PROTOCOLE ET L'AMENER A RENONCER A DE NOUVELLES GREVES, QUE LA DECISION DE LA COMPAGNIE N'AVAIT ETE QU'UNE MESURE DE RETORSION PRISE A TITRE DE SANCTION CONTRE L'EXERCICE NORMAL DU DROIT DE GREVE, QU'EN EN DEDUISANT QUE CETTE DECISION CONSTITUAIT UNE INEXECUTION FAUTIVE DU CONTRAT DE TRAVAIL, QUI LIAIT LA COMPAGNIE AIR-FRANCE A SON PILOTE LECLERC, LA COUR D'APPEL A LEGALEMENT JUSTIFIE SA DECISION, QUE LES DEUX PREMIERS MOYENS NE PEUVENT ETRE ACCUEILLIS ;
SUR LE TROISIEME MOYEN, PRIS DE LA VIOLATION DE L'ARTICLE 102 DU DECRET DU 20 JUILLET 1972, DE L'ARTICLE 7 DE LA LOI DU 20 AVRIL 1810, DEFAUT DE MOTIFS, MANQUE DE BASE LEGALE : ATTENDU QUE LA COMPAGNIE AIR-FRANCE FAIT GRIEF A L'ARRET ATTAQUE D'AVOIR OMIS DE S'EXPLIQUER SUR SON ARGUMENTATION FAISANT VALOIR, NOTAMMENT DANS LE DISPOSITIF DE SES CONCLUSIONS D'APPEL QUE LES MODALITES ET LE MONTANT DE LA REMUNERATION DES PILOTES N'ETANT PAS FIXES, LE PROTOCOLE ARRIVE A EXPIRATION LE 31 DECEMBRE 1970 N'AYANT PU ETRE REMPLACE PAR UN NOUVEL ACCORD, ELLE NE POUVAIT SE VOIR OBLIGEE DE FAIRE VOLER LES MEMBRES DE SON PERSONNEL NAVIGANT TECHNIQUE, ALORS QUE SI L'EXACTITUDE DE CETTE ARGUMENTATION AVAIT ETE RECONNUE, ELLE AURAIT MODIFIE LA SOLUTION DU LITIGE, DE SORTE QUE L'ARRET QUI NE S'EST PAS EXPLIQUE SUR CE POINT, EST PRIVE DE MOTIFS ET DE BASE LEGALE ;
MAIS ATTENDU QUE LA COUR D'APPEL A ESTIME QUE C'ETAIT LA DECISION DE LA COMPAGNIE AIR-FRANCE DE SUSPENDRE LES VOLS, PRISE PAR RETORSION A TITRE DE SANCTION CONTRE L'EXERCICE NORMAL DU DROIT DE GREVE, QUI AVAIT EMPECHE LES PILOTES D'EFFECTUER LES VOLS PREVUS ;
QU'IL S'ENSUIT QUE PAR CETTE APPRECIATION, LA COUR D'APPEL A IMPLICITEMENT MAIS NECESSAIREMENT REPONDU EN L'ECARTANT A L'ARGUMENTATION SOUTENUE PAR LA COMPAGNIE QUE C'ETAIT LE DEFAUT DE FIXATION DU MONTANT DES REMUNERATIONS QUI L'AVAIT EMPECHEE DE FAIRE VOLER SON PERSONNEL NAVIGANT TECHNIQUE ;
SUR LE QUATRIEME MOYEN, PRIS DE LA VIOLATION DE L'ARTICLE 1382 DU CODE CIVIL, DE L'ARTICLE 102 DU DECRET DU 20 JUILLET 1972, DE L'ARTICLE 12 DU DECRET DU 9 SEPTEMBRE 1971, DE L'ARTICLE 7 DE LA LOI DU 20 AVRIL 1810, DEFAUT DE MOTIFS, MANQUE DE BASE LEGALE : ATTENDU QUE LA COMPAGNIE AIR-FRANCE FAIT ENFIN GRIEF A L'ARRET ATTAQUE D'AVOIR ALLOUE A LECLERC LES DOMMAGES-INTERETS QU'IL SOLLICITAIT DU FAIT QUE LA SUSPENSION DES VOLS L'AVAIT PRIVE DU SALAIRE QU'IL AURAIT PERCU S'IL AVAIT VOLE ET QUI ETAIT SUPERIEUR AU SALAIRE MINIMUM GARANTI QUI LUI AVAIT ETE VERSE, AU MOTIF QUE LA COMPAGNIE ETAIT EN FAUTE POUR AVOIR SUSPENDU LES VOLS ET PRIVE AINSI LE PERSONNEL NAVIGANT D'UNE PARTIE DE SON SALAIRE, ALORS, D'UNE PART, QUE LA COMPAGNIE N'AVAIT AUCUNE OBLIGATION DE FAIRE VOLER LES PILOTES, AUCUN STATUT REGLANT LES CONDITIONS DE LEUR ACTIVITE N'ETANT EN VIGUEUR DU FAIT DE LEUR REFUS DE DISCUTER DE L'ETABLISSEMENT D'UN NOUVEAU STATUT DESTINE A REMPLACER CELUI QUI ETAIT VENU A EXPIRATION, ALORS, D'AUTRE PART, QUE SI LE JUGE FIXE SOUVERAINEMENT LE MONTANT DES DOMMAGES-INTERETS A ALLOUER, C'EST A LA SEULE CONDITION QUE LES MOTIFS DE SA DECISION PERMETTENT AU JUGE DE CASSATION DE VERIFIER QUEL EST LE PREJUDICE DONT IL ENTEND ASSURER LA REPARATION ET QUELLE EN EST L'IMPORTANCE AINSI QUE DE VERIFIER SI L'INDEMNITE ALLOUEE EN A ETE L'EXACTE COMPENSATION, QU'EN L'ESPECE, L'ARRET ATTAQUE N'INDIQUE NI L'IMPORTANCE DU SALAIRE MINIMUM PERCU, D'AILLEURS EGAL EN APPLICATION DE L'ACCORD DU 16 MARS 1971 A LA PRIME D'IMMOBILISATION, NI L'IMPORTANCE DES SOMMES QUI, SELON LUI, AURAIENT ETE PERCUES SI LE PILOTE AVAIT EFFECTUE DES VOLS DONT LE NOMBRE N'EST PAS PRECISE DE SORTE QUE L'ARRET ATTAQUE NE CONTIENT PAS DE MOTIFS ET MANQUE DE BASE LEGALE ;
MAIS ATTENDU QUE LA COUR D'APPEL A CONSTATE QU'APRES LA REPRISE DES VOLS, LA COMPAGNIE AIR-FRANCE AVAIT VERSE A SON PILOTE LECLERC LE SALAIRE MINIMUM GARANTI CORRESPONDANT A LA PERIODE DE SUSPENSION, ET QUE SI CELUI-CI AVAIT EXECUTE LES VOLS PREVUS PENDANT CE TEMPS, SA REMUNERATION AURAIT ETE SUPERIEURE, QUE LE MONTANT DE LA DIFFERENCE RECLAMEE N'ETAIT PAS CRITIQUE PAR LA COMPAGNIE, LAQUELLE SE BORNAIT A NIER LE DROIT DE L'INTERESSE A LA PERCEPTION DE CETTE SOMME ;
D'OU IL SUIT QUE, LE PILOTE AYANT ETE MIS DANS L'IMPOSSIBILITE D'EXECUTER, PAR LA FAUTE DE L'EMPLOYEUR, LE TRAVAIL CONVENU ET QU'IL AURAIT PU ACCOMPLIR EN RAISON DE SON EMPLOI, LA COUR D'APPEL QUI N'ETAIT PAS TENUE DE SUIVRE LA COMPAGNIE DANS LE DETAIL DE SON ARGUMENTATION ET A EVALUE LE MONTANT DU PREJUDICE SUBI, A DONNE UNE BASE LEGALE A SA DECISION ;
PAR CES MOTIFS : REJETTE LE POURVOI FORME CONTRE L'ARRET RENDU LE 10 AVRIL 1973 PAR LA COUR D'APPEL DE PARIS.