Attendu, selon le jugement déféré et les pièces de la procédure, que par acte du 27 mars 1980 M. X... a vendu aux époux Le Brocher une maison et des terres pour un prix converti en rente viagère annuelle ; que l'administration des impôts a estimé que cet acte dissimulait une donation en faisant valoir des présomptions tirées de l'âge du vendeur, de son décès moins de six mois après la vente, des liens de parenté et d'affection existant entre M. X... et Mme Le Brocher, de l'absence de contrepartie réelle à la transmission du bien, et de l'intérêt fiscal de la dissimulation d'une donation ; que l'administration a, en conséquence émis le 9 mars 1981 un avis de mise en recouvrement pour obtenir paiement des droits d'enregistrement estimés dus assortis de pénalités ; que par le jugement déféré le tribunal a rejeté l'opposition à cet avis formée par les époux Le Brocher ;
Sur le premier moyen, pris en sa première branche :
Vu l'article R.202-2 du Livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable en la cause selon laquelle les jugements des tribunaux de grande instance en matière de droits d'enregistrement sont rendus sur le rapport d'un juge fait en audience publique ;
Attendu que le Tribunal, en rendant collégialement le jugement déféré le 9 mai 1984 après débats devant le juge rapporteur à l'audience du 15 février 1984 selon les dispositions de l'article 786 du Nouveau Code de procédure civile, a violé le texte susvisé ;
Sur le second moyen, pris en ses trois branches :
Vu l'article 1649 quinquies B du Code général des Impôts dont les dispositions sont reprises par l'article L.64 du Livre des procédures fiscales, l'article 16 du Nouveau Code de procédure civile, et l'article 894 du Code civil ;
Attendu qu'en vertu du premier de ces textes, les actes dissimulant la portée véritable d'un contrat ou d'une convention sous l'apparence de stipulations donnant ouverture à des droits d'enregistrement ou à une taxe de publicité foncière moins élevés ne sont pas opposables à l'administration des impôts, laquelle supporte la charge de la preuve du caractère réel de ces actes ;
Attendu que, pour statuer ainsi qu'il l'a fait, le tribunal a retenu que les époux Le Brocher ne rapportaient pas la preuve que la première annuité de la rente du 27 mars 1980 ait été payée par eux ni que le vendeur ait pris une inscription de privilège à son profit, qu'ils avaient payé les taxes de publicité foncière sur la vente et les honoraires et frais du notaire, et qu'en conséquence la vente était dépourvue de contrepartie à la charge des acquéreurs, qui, en raison de leurs liens de parenté avec le vendeur, ne pouvaient ignorer que l'état de santé de ce dernier leur donnait " toutes les chances " de devenir prochainement ses héritiers ;
Attendu qu'en se déterminant par de tels motifs, le tribunal, qui a renversé la charge de la preuve, a retenu des faits non invoqués par l'administration des impôts dans ses mémoires et n'a pas relevé l'intention libérale du donateur prétendu, a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du premier moyen :
CASSE et ANNULE le jugement rendu le 9 mai 1984, entre les parties, par le Tribunal de grande instance de Guingamp ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le Tribunal de grande instance de Morlaix