Sur le premier moyen, pris en ses trois branches :
Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué (Paris, 4 juillet 1985) que, par acte du 20 avril 1973, M. du X..., en son nom personnel comme au nom d'autres actionnaires, a cédé à la société Iéna Industrie, filiale de la Bowater Corporation Limited (société Bowater) plus des deux tiers des actions de la société anonyme A.de LuzFils (société Luzentre les mêmes parties des promesses réciproques d'achat et de vente qui prévoyaient un minimum et un maximum au prix qui devait être fixé, déterminaient un délai d'option situé en 1977 et portaient sur un nombre d'actions tel que l'ensemble des actes visait la totalité du capital de la société Luzaction) ; que M. du X... ayant déchargé la société Iéna Industrie de ses obligations, la société Bowater a, par lettre du 11 novembre 1975, souscrit une promesse d'achat qui, prévoyant un délai d'option en 1982, précisait que le prix serait déterminé d'un commun accord par référence " à la valeur nette d'actif tangible et corporel " de la société Luzsinon à dire d'expert, le prix ne pouvant être inférieur à une somme fixée à 5 millions de francs ; que la société Bowater devint, courant 1976, associée de la société LuzM. du Vivier, pour avoir paiement du prix minimum prévu, introduisit une demande à laquelle la société Bowater résista en soutenant que la clause prévoyant un tel prix était nulle comme contrevenant à l'article 1844-1 du Code civil ;
Attendu qu'il est reproché à l'arrêt d'avoir, pour condamner la société Bowater au paiement réclamé, écarté cette prétention aux motifs que la promesse en cause n'était utilement critiquée, ni dans son objet, dès lors qu'elle était intervenue à des conditions plus favorables que celles prévues par les promesses d'achat souscrites par la société Iéna Industrie, ni dans son résultat, dès lors que la société Bowater n'avait fourni aucun élément sur la valeur des actions, en termes réels, au jour de la promesse, et n'avait pas permis ainsi de déterminer si la fixation d'un prix minimum avait eu pour effet d'exonérer M. du X... et les actionnaires par lui représentés de la totalité des pertes sociales, alors, selon le pourvoi, d'une part, que se trouve atteinte de nullité toute convention ayant pour but d'affranchir un associé des pertes de la société pour les faire supporter à d'autres associés ; qu'il s'ensuit que la Cour d'appel ne pouvait, au motif que les conditions de prix et de délai de la seconde promesse du 11 novembre 1975 auraient été plus favorables que celles de la première, s'abstenir de vérifier si la fixation, au jour de la promesse du 11 novembre 1975, d'un prix minimum garanti qui devait s'appliquer, au seul gré du bénéficiaire, lors de la réalisation de la cession des actions, plusieurs années plus tard, quelles que soient les pertes subies par la société, n'avait pas pour objet de prémunir les actionnaires, bénéficiaires de la promesse, contre les risques de pertes de la société, reportés ainsi sur l'associé promettant ; que la Cour d'appel a ainsi entaché sa décision d'un manque de base légale au regard de l'article 1844-1 du Code civil, alors que, d'autre part, il n'avait été aucunement contesté que le prix minimum garanti, qui avait été déterminé au jour de la conclusion de la promesse, ait correspondu à la valeur réelle des actions au jour de la conclusion de cette promesse ; qu'en
soulevant d'office, et sans provoquer les observations des parties, un moyen tiré de ce que la société Bowater n'apportait aucun élément sur cette valeur, bien que si ses observations avaient été provoquées, elle eût été à même de rapporter ces éléments, la Cour d'appel la violé l'article 16 du Nouveau Code de procédure civile, alors que, d'autre part, dans ses conclusions devant la Cour d'appel la société Bowater avait, comme le rappelle elle-même la Cour d'appel invoqué des éléments démontrant la disproportion existant entre le prix de l'action résultant du prix minimum garanti fixé au jour de la promesse (861,30 francs l'action) et la valeur réelle de l'action à l'époque de la cession (vente consentie à 62,07 francs l'action en 1980) ; qu'il résultait de cette disproportion que les bénéficiaires de la promesse se trouvaient exonérés des pertes subies par la société durant la période prévue dans la promesse ; qu'en s'abstenant de se prononcer sur ces éléments, déterminants pour la solution du litige, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que la Cour d'appel n'avait pas à vérifier si la fixation, au jour de la promesse, d'un prix minimum, avait pour effet de libérer le cédant de toute contribution aux pertes sociales dès lors qu'elle constatait que la convention litigieuse constituait une cession ; qu'en effet est prohibée par l'article 1844-1 du Code civil la seule clause qui porte atteinte au pacte social dans les termes de cette disposition légale ; qu'il ne pouvait en être ainsi s'agissant d'une convention, même entre associés, dont l'objet n'était autre, sauf fraude, que d'assurer, moyennant un prix librement convenu, la transmission de droits sociaux, que dès lors, sans méconnaître le principe de la contradiction et sans avoir à entrer dans le détail de l'argumentation de la société Bowater, la Cour d'appel par motifs propres et adoptés, et abstraction faite de tous motifs surabondants, a décidé à bon droit que la convention litigieuse n'avait pas porté atteinte au pacte social ; que le moyen n'est donc fondé en aucune de ses branches ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu qu'il est encore fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré que, par une lettre postérieure à la promesse d'achat litigieuse et par laquelle M. du X... manifestait son accord aux modalités prévues par cette promesse, ce dernier, en précisant que, pour la détermination du prix par référence à " la valeur nette d'actif tangible et corporel " ne seraient pas prises en compte les sommes apportées par la société Bowater à la société Luzn'avait pas entendu renoncer au prix minimum prévu, alors, selon le pourvoi, que la renonciation peut résulter de tout acte ou fait impliquant la volonté de renoncer ; que celle-ci se déduit de l'incompatibilité d'un engagement nouveau avec la convention antérieure ; qu'en l'espèce, en s'engageant, dans une lettre postérieure à la promesse, à acquérir les actions à un prix déterminé comme si les augmentations de capital souscrites par la société Bowater n'avaient pas eu lieu, le bénéficiaire de la promesse reconnaissait nécessairement que les termes de la promesse et l'équilibre voulu par celle-ci s'étaient trouvés anéantis par les augmentations de capital souscrites uniquement par l'exposante ; qu'en se fondant sur l'absence de renonciation expresse dans la lettre de M. B.du Vivier du
28 septembre 1976 sans vérifier si l'engagement qu'elle comportait était compatible avec le maintien des termes de la promesse, la Cour d'appel a entaché sa décision d'un manque de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil ;
Mais attendu que c'est par voie d'interprétation nécessaire de la lettre en cause qui prévoyait qu'elle " amendait et modifiait en tant que de besoin les dispositions de votre lettre du 11 novembre 1975 " que la Cour d'appel a décidé qu'elle n'emportait pas renonciation au prix minimum prévu par la convention ; qu'il s'ensuit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le troisième moyen :
Attendu qu'il est enfin reproché à l'arrêt d'avoir condamné la société Bowater à payer à M. du X... une certaine somme à titre de dommages-intérêts, au motif adopté que la résistance de la société Bowater " était empreinte de mauvaise foi ", alors, selon le pourvoi, que, d'une part, une condamnation à des dommages-intérêts pour résistance abusive ne peut être prononcée sans que soit caractérisée la faute ayant fait dégénérer en abus le droit de contester la prétention de l'adversaire ; que la Cour d'appel, qui ne relève aucun élément susceptible d'établir cette faute, a entaché sa décision d'un manque de base légale au regard tant de l'article 1153 du Code civil que de l'article 1382 du Code civil et alors, d'autre part, que la Cour d'appel ne relève pas davantage d'élément susceptible de faire apparaître le préjudice, indépendant du retard, qu'aurait subi l'autre partie ; qu'elle a encore entaché sa décision d'un manque de base légale tant au regard de l'article 1153 que de l'article 1382 du Code civil ;
Mais attendu que la Cour d'appel n'a fait qu'user de son pouvoir souverain en retenant que M. du X... avait subi un préjudice distinct de celui réparé par des dommages-intérêts calculés au taux légal et que le comportement de la société Bowater était empreint de mauvaise foi ; qu'il s'ensuit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi