Sur le deuxième moyen :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 20 décembre 1983), que M. X..., technicien frigoriste, qui avait signé le 28 janvier 1977 à N'Djamena (Tchad) un contrat de travail régi par le droit tchadien, devant s'exécuter au Tchad ou en République Centrafricaine, avec la société tchadienne Comouna Tchad ayant son siège social à N'Djamena, a été licencié par cette dernière le 2 mai 1980 sans préavis ;
Attendu que la Société française d'études et de participation en Afrique Centrale, dite SETPAC, reproche à l'arrêt d'avoir jugé qu'elle était l'employeur de M. X... aux côtés de la société Comouna Tchad, alors, selon le moyen, qu'en ne cherchant pas si celui-ci était subordonné à la SETPAC ni si les deux sociétés étaient confondues à son égard, l'arrêt manque de base légale au regard de l'article 1780 du Code civil ;
Mais attendu qu'ayant relevé que la SETPAC a recruté M. X... en France en vue d'un stage avant de partir au Tchad, qu'elle l'a rapatrié, qu'elle lui a réglé son solde de salaire après la rupture, qu'elle l'a assisté dans des démarches auprès de divers organismes, que la SETPAC possède 893 des 4 000 actions de Comouna Tchad, que les deux sociétés ont une communauté d'intérêts, que la SETPAC a assumé certaines fonctions de l'employeur, que les bureaux de Comouna Tchad à Paris sont à la même adresse que le siège social de la SETPAC, que les deux sociétés ont le même président, la cour d'appel a pu estimer qu'il y avait communauté d'intérêts entre les deux sociétés et pluralité d'employeurs de M. X... ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la SETPAC et la société Comouna Tchad font grief à l'arrêt d'avoir déclaré le conseil de prud'hommes de Poitiers compétent pour connaître des demandes dirigées contre elles par M. X..., aux motifs que celui-ci est français et résidait en France lors de ses congés pendant la durée du contrat de travail ; que dans l'article 16 de ce contrat, il n'existe aucune renonciation à l'article 14 du Code civil ; qu'en droit français, une clause " compromissoire " est contraire à l'ordre public ; alors, selon le moyen, que comme le conseil de prud'hommes l'a jugé et le soulignaient les appelantes dans leurs conclusions, l'article 16 du contrat de travail est une clause attributive de compétence aux tribunaux tchadiens après l'échec d'une conciliation préalable devant l'inspecteur du Travail Local ; qu'en retenant la qualification de clause compromissoire, l'arrêt a dénaturé l'article 16 du contrat de travail, et alors qu'une telle clause attributive de compétence emporte renonciation à l'article 14 du Code civil sauf si elle devait être annulée en vertu de la soumission du contrat de travail aux règles françaises de compétence interne (article R. 517-1 du Code du travail) ; qu'en omettant de rechercher si l'un des chefs de compétence de cet article désignait ou non un tribunal français, l'arrêt manque de base légale au regard des articles R. 517-1 du Code du travail et 14 du Code civil ;
Mais attendu qu'aux termes de l'alinéa 2 de l'article R. 517-1 du Code du travail, si le travail est effectué en dehors de tout établissement, la demande est portée devant le conseil de prud'hommes du domicile du salarié ; qu'il résulte des constatations de la cour d'appel que M. X..., qui était lié par un même contrat de travail à deux employeurs dont l'un était français et avait effectué son travail en dehors de tout établissement, était domicilié à Poitiers ;
Qu'il s'ensuit que, nonobstant les motifs surabondants critiqués par les deux premières branches du moyen, les juges du second degré ont donné une base légale à leur décision au regard des dispositions d'ordre public prévues par le texte précité ;
Sur le troisième moyen :
Attendu qu'il est enfin fait grief à l'arrêt d'avoir jugé que les deux sociétés devaient une indemnité de préavis, aux motifs qu'il est certain que si l'état de guerre a pu rendre plus difficile pour l'employeur le paiement de sommes d'argent, il ne l'a pas rendu impossible et que ces circonstances ne revêtent pas le caractère de la force majeure, alors, selon le moyen, que la force majeure dispensant l'employeur du préavis doit être appréciée au regard de l'exécution de son obligation de fournir du travail au salarié et non de celle de payer le salaire ; que l'arrêt n'a pas répondu aux conclusions des appelantes invoquant l'impossibilité de continuer à faire travailler le salarié et manque dès lors de base légale au regard de l'article L. 122-12, alinéa 1, du Code du travail ;
Mais attendu que la cour d'appel ayant relevé que, postérieurement à la lettre de licenciement du 2 mai, la société Comouna écrivait le 30 mai 1980 que son directeur local avait été chargé de divers travaux pour la Coopération et le Gouvernement tchadien, qu'il était précisé qu'à cette date si, " pas mal de choses " pouvaient avoir été " détruites ", la " concession " n'avait pas été pillée, ce dont il résultait qu'il n'y avait pas eu impossibilité définitive de continuer l'exploitation de l'entreprise, la décision est ainsi légalement justifiée au regard du texte cité ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi