Sur le premier moyen, pris de la violation des articles L. 122-12 du Code du travail, 1134 du Code civil et de la dénaturation :
Attendu que M. Bernard X..., engagé en 1956 par le gouvernement général de l'Afrique occidentale française en qualité de journaliste, intégré dans la Société de radiodiffusion de la France d'outre-mer, devenue l'Office de coopération radiophonique (OCORA), a, le 24 décembre 1969, après la suppression de ce dernier organisme et le transfert des agents en dépendant à l'Office de radiodiffusion télévision française (ORTF), signé, sous des réserves exprimées par un courrier du 15 septembre précédent, une lettre-engagement, dite contrat " de garde ", prenant effet au 1er juillet 1969 et lui garantissant sa rémunération et son ancienneté à l'issue de son détachement au secrétariat d'Etat aux Affaires étrangères ; qu'à l'issue de ce détachement, M. X... a, le 26 septembre 1975, été intégré au sein du personnel de la Société nationale de programme France région 3, dite FR3, laquelle avait succédé à l'ORTF, à son tour supprimé ; que, soutenant que la situation qui lui était désormais faite emportait la modification du contrat de travail tel qu'il était en cours lors de la reprise du personnel par l'ORTF et la perte des avantages en découlant, il a fait citer son employeur devant la juridiction prud'homale ;
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir débouté de sa demande en paiement de rappel de salaires, alors, d'une part, que, si le contrat de garde garantissait, ainsi que l'a relevé la cour d'appel, le maintien de la rémunération du salarié à l'expiration de son détachement auprès du secrétariat d'Etat aux Affaires étrangères, c'est donc par référence à cette dernière rémunération que les droits du salarié devaient s'apprécier ; que la cour d'appel n'a pas tiré de ses propres constatations les conséquences qui s'en évinçaient nécessairement puisque tout en constatant l'engagement du contrat de garde elle a, néanmoins, retenu la rémunération par ailleurs prévue par ce contrat et qui se trouvait être inférieure, alors, d'autre part, que le contrat de garde prenant effet au 1er juillet 1969, la référence à la rémunération du salarié à cette date revenait à prendre encore une fois en considération la rémunération telle que prévue par ledit contrat qui se trouvait en contradiction avec l'engagement pris du maintien de la rémunération en application de l'article L. 122-12 du Code du travail, alors, enfin, que le salarié produisait, d'une part, un certificat de la Trésorerie générale ainsi qu'un certificat de cessation de paiement établissant qu'il percevait bien quand il se trouvait en France un traitement brut de 8 473,75 francs et une indemnité de résidence de 1 101,58 francs et, d'autre part, pour la période de son détachement, la décision le désignant à sa fonction et un bulletin de paie faisant tous deux apparaître qu'il percevait en sus une indemnité de " nomadisme " distincte de la prime de résidence, que, par suite, en considérant que la différence entre le salaire dit métropolitain tel que fixé par le contrat de garde et le salaire sur la base duquel le rappel était fondé ne résultait que de la compensation de sujétions liées à l'expatriation du salarié, la cour d'appel a dénaturé ces documents ;
Mais attendu, d'abord, que la cour d'appel qui, pour se déterminer, n'a pas retenu comme éléments de preuve les documents argués de dénaturation, n'a pu s'exposer au grief qui lui est adressé de ce chef ;
Attendu, ensuite, qu'après avoir constaté que les diverses indemnités perçues par M. X... en sus de son salaire de base métropolitain et dont il réclamait paiement depuis le 1er octobre 1975 étaient destinées à compenser les sujétions que lui imposait son séjour en Afrique, la cour d'appel en a exactement déduit qu'elles ne pouvaient être maintenues quand il avait été mis fin à ces sujétions à l'expiration de ce séjour ; que de telles indemnités, en effet, étaient liées à une situation qui avait cessé d'être celle du salarié ;
Que le premier moyen n'est donc pas fondé ;
Mais sur le second moyen :
Vu l'article 1134 du Code civil ;
Attendu que pour débouter M. X... de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour réparation du préjudice qu'il avait subi du fait que son intégration à la société FR3 avait eu pour conséquence de lui faire perdre sa qualité de journaliste, la cour d'appel a retenu pour motifs essentiels que de 1969 à 1975 l'ORTF ne lui avait pas donné un poste de journaliste et que cette situation s'était poursuivie sans provoquer de sa part la moindre protestation ;
Attendu cependant que dans sa lettre du 15 septembre 1969, se prévalant du fait que, depuis plus de quatorze ans, les fonctions qu'il avait exercées et les responsabilités qu'elles comportaient avaient toujours été en relation étroite avec la profession de journaliste, ce qui avait permis à l'ORTF de faire régulièrement renouveler sa carte de presse, M. X... avait manifesté l'intention de conserver le statut dont il bénéficiait antérieurement ;
Qu'en statuant comme elle l'a fait, alors qu'en présence de la volonté ainsi exprimée par le salarié, elle ne pouvait déduire l'acceptation par celui-ci de la modification substantielle de son contrat, du fait qu'il avait poursuivi son travail, au sein d'entreprises de presse, dans des fonctions d'administrateur et non de journaliste, la cour d'appel a violé l'article susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais uniquement en ce qu'il a débouté M. Bernard X... de sa demande en dommages-intérêts pour réparation du préjudice subi du fait de la perte de sa qualité de journaliste, l'arrêt rendu le 1er février 1985, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Orléans