LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique, tenue au Palais de Justice, à PARIS, le dix juillet mil neuf cent quatre vingt neuf, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller référendaire MARON, les observations de la société civile professionnelle LYON-CAEN, FABIANI et LIARD, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LIBOUBAN ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- LA SOCIETE ANONYME GENTY, partie civile,
contre l'arrêt de la cour d'appel de GRENOBLE, chambre correctionnelle, en date du 5 janvier 1989, qui a relaxé Betty X... des chefs de vol et abus de confiance ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 408 du Code pénal, 388, 427, 459, 591, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a prononcé la relaxe pure et simple de Mme X..., prévenue d'avoir soustrait frauduleusement la somme de 9 233 francs au préjudice des établissements Genty en prélevant cette somme dans la caisse d'un magasin dont elle avait la responsabilité ;
" aux motifs que Mme X... est prévenue d'avoir soustrait frauduleusement la somme de 9 233 francs au préjudice des établissements Genty ; que l'enquête a porté sur le vol de 200 francs et non sur le détournement de 9 233 francs qui aurait été commis par des artifices comptables ; que la Cour n'est donc pas saisie pour le vol de 200 francs que le ministère public n'a pas cru utile de poursuivre ; que les documents comptables qui ont été versés aux débats le jour de l'audience sans que la prévenue ou son conseil aient pu en prendre connaissance et faire connaître leurs explications ne peuvent emporter la conviction de la Cour, qu'il y ait eu-non pas vol-mais détournement commis sciemment ; que dans ces conditions, il convient de réformer le jugement et de déclarer que la preuve du détournement de 9 233 francs n'est pas rapportée ;
" alors que, d'une part, le juge doit fonder sa décision sur les preuves qui lui sont apportées au cours des débats et contradictoirement discutées devant lui ; qu'en écartant tous les documents produits le jour de l'audience par la victime, la Cour a méconnu les droits reconnus à la partie civile et son propre pouvoir d'instruction à l'audience, issu des articles 427 et 459 du Code de procédure pénale, qui lui permettait d'assurer pleinement le respect du contradictoire et des droits de la défense, et partant, a violé les textes susvisés ;
" alors que, d'autre part, le juge saisi in rem, ne peut prononcer de relaxe qu'en tant qu'il a vérifié que les faits dont il est saisi ne sont constitutifs d'aucune infraction pénale ; qu'en s'en abstenant au seul motif que les éléments de preuve versés au débat n'avaient pu être préalablement à ceux-ci connus de la prévenue, la Cour a ainsi violé l'article 388 du Code de procédure pénale ;
" et alors enfin que la Cour ne pouvait purement et simplement se dispenser de répondre aux conclusions de la partie civile dont elle était régulièrement saisie qui sollicitaient, in fine, si un doute subsistait à la lecture des documents produits sur la réalité des détournements, une expertise comptable dès lors qu'en se retranchant derrière l'impossibilité de combler à l'audience les lacunes de l'enquête, elle en admettait implicitement mais nécessairement l'utilité, sans se contredire et priver sa décision de base légale ;
Attendu que sous couvert de défaut de motifs et manque de base légale, le moyen se borne à remettre en discussion l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des éléments de preuve au vu desquels ils ont estimé que n'étaient pas établis, à l'encontre de Mme X..., les faits reprochés ;
Que le moyen, dès lors, doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la demanderesse aux dépens ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Où étaient présents : M. Le Gunehec président, M. Maron conseiller rapporteur, MM. Bonneau, Morelli, Jean Simon, Massé conseillers de la chambre, M. Louise, Mme Ract-Madoux conseillers référendaires, M. Libouban avocat général, Mme Patin greffier de chambre ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.