La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

11/10/1993 | FRANCE | N°92-81260

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 11 octobre 1993, 92-81260


CASSATION sur les pourvois formés par :
- X... Daniel,
- Y... Jean,
parties civiles,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Toulouse, chambre correctionnelle, du 5 décembre 1991, qui, sur renvoi après cassation dans les poursuites exercées contre Pierre Z..., Michel A..., Jean-Pierre B..., Roger C... et Jean-Charles D..., définitivement condamnés pour complicité de banqueroute, a déclaré irrecevables leurs constitutions de partie civile dirigées contre ces prévenus et contre la Banque Pouyanne et la Caisse régionale de crédit agricole mutuel du Sud-Ouest, civilement r

esponsables de leurs préposés respectifs.
LA COUR,
Joignant les pourvoi...

CASSATION sur les pourvois formés par :
- X... Daniel,
- Y... Jean,
parties civiles,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Toulouse, chambre correctionnelle, du 5 décembre 1991, qui, sur renvoi après cassation dans les poursuites exercées contre Pierre Z..., Michel A..., Jean-Pierre B..., Roger C... et Jean-Charles D..., définitivement condamnés pour complicité de banqueroute, a déclaré irrecevables leurs constitutions de partie civile dirigées contre ces prévenus et contre la Banque Pouyanne et la Caisse régionale de crédit agricole mutuel du Sud-Ouest, civilement responsables de leurs préposés respectifs.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu le mémoire ampliatif produit, commun aux deux demandeurs, et le mémoire en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 46 et 211 de la loi du 25 janvier 1985, 3 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de réponse aux conclusions et manque de base légale :
" en ce que la Cour a déclaré irrecevables les constitutions de parties civiles de X... et Y... ;
" aux motifs que l'article 136 de la loi du 13 juillet 1967, relatif à la poursuite des infractions de banqueroute et des délits assimilés, disposait : " la juridiction répressive est saisie soit par la poursuite du ministère public, soit sur constitution de partie civile ou par voie de citation directe du syndic ou de tout créancier, même bénéficiaire d'une sûreté réelle agissant soit en son nom propre, soit au nom de la masse " ; que ce texte a été abrogé par l'article 238 de la loi du 25 janvier 1985 relative au redressement et à la liquidation judiciaires des entreprises ; que cet article a été applicable dès l'entrée en vigueur de la loi, soit le 1er janvier 1986 ; que les parties civiles se sont toutes trois constituées après cette date, X... le 9 avril 1987, Y... le 17 novembre 1988, E... le 2 décembre 1988 ; que le nouveau texte applicable, l'article 211 de la loi du 25 janvier 1985, dispose : " la juridiction répressive est saisie soit sur la poursuite du ministère public, soit sur constitution de partie civile de l'administrateur, du représentant des créanciers, du représentant des salariés, du commissaire à l'exécution du plan ou du liquidateur " ; que ce texte a supprimé aux créanciers non seulement le droit de mettre en mouvement l'action publique mais aussi celui d'intervenir à titre individuel dans une procédure préalablement engagée en se constituant partie civile ; qu'en effet, d'une part, les travaux préparatoires de la loi précisent que le projet de loi supprime toute intervention des créanciers dont la défense des intérêts sera assurée par le représentant des créanciers, d'autre part, l'article 137, alinéa 2, de la loi du 13 juillet 1967, prévoyant que " tout créancier peut intervenir à titre individuel dans une poursuite en banqueroute si celle-ci est intentée par le syndic au nom de la masse ", a été également abrogé par l'article 238 de la nouvelle loi et n'a pas été remplacé, ce qui permet de retenir que, sous l'empire de la loi du 25 janvier 1985, l'action individuelle des créanciers n'est point recevable ; que, par un arrêt du 18 décembre 1986, la Cour de Cassation a d'ailleurs fait, a contrario, application de ce principe ; qu'elle a déclaré : " que, d'une part, en effet, le créancier tenait des dispositions de l'article 136 de la loi du 13 juillet 1967, jusqu'à leur abrogation par la loi du 25 janvier 1985, le droit de saisir la juridiction répressive des infractions de banqueroute ; que la constitution de partie civile, régulièrement intervenue, comme en l'espèce, sur le fondement du texte susvisé, conserve ses effets " ; que cet arrêt fait la distinction entre la mise en mouvement de l'action publique et la constitution de partie civile à l'occasion d'une procédure de banqueroute déjà mise en oeuvre ; que cette constitution ne peut avoir aucun effet dans le cadre de la loi du 25 janvier 1985 ;
" alors que si l'action civile d'un créancier du débiteur poursuivi du chef de banqueroute ne peut être exercée que par le représentant des créanciers lorsque le préjudice, dont la réparation est poursuivie, consiste dans le non-paiement de créances ou prend sa source dans l'intérêt collectif des créanciers, il en va différemment lorsque ce créancier poursuit la réparation d'un préjudice purement personnel résultant pour lui de la commission de l'infraction ; que X... et Y... invoquaient ainsi des chefs de préjudice purement personnels ne se confondant pas avec celui résultant du non-paiement des créances ; qu'en s'abstenant de répondre aux chefs de conclusions les invoquant et en décidant, de manière générale, que les créanciers se trouvaient privés non seulement du droit de mettre en mouvement l'action publique mais aussi de celui d'intervenir à titre individuel dans une procédure préalablement engagée en se constituant partie civile, la Cour a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés " ;
Vu lesdits articles ;
Attendu que l'action civile en réparation du dommage causé par un crime, un délit ou une contravention appartient devant la juridiction répressive à tous ceux qui ont personnellement souffert des conséquences directes de l'infraction ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que Daniel X... et Jean Y... se sont constitués parties civiles contre Michel A... et Pierre Z..., employés de la banque Pouyanne, contre Jean-Pierre B... et Roger C..., employés de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel du Sud-Ouest, et contre Jean-Charles D..., tous poursuivis et condamnés définitivement pour s'être rendus complices du délit de banqueroute par emploi de moyens ruineux pour se procurer des fonds dans l'intention d'éviter ou de retarder l'ouverture de la procédure de règlement judiciaire, dont les époux F...-G... ont été reconnus coupables ; que leurs actions étaient également dirigées contre les deux établissements bancaires déclarés civilement responsables de leurs préposés respectifs ;
Attendu que, pour dire ces demandes irrecevables, l'arrêt attaqué énonce que l'article 211 de la loi du 25 janvier 1985 relative au redressement et à la liquidation judiciaires des entreprises, applicable aux faits de la cause, a supprimé aux créanciers le droit, qui leur était reconnu antérieurement, non seulement de mettre en mouvement l'action publique du chef de banqueroute, mais aussi d'intervenir en se constituant parties civiles dans une procédure préalablement engagée ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors, d'une part, que l'article 211 susvisé n'interdit pas aux créanciers de se constituer parties civiles en raison d'un préjudice particulier distinct du montant de leur créance et résultant directement de l'infraction, et alors, d'autre part, que le principe de l'égalité des créanciers ne s'oppose pas à leur action individuelle contre les complices du banqueroutier qui ne font pas eux-mêmes l'objet d'une procédure collective et dont le patrimoine n'est pas en conséquence le gage de l'ensemble des créanciers, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Que la cassation est encourue de ce chef ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Toulouse du 5 décembre 1991, et pour qu'il soit jugé à nouveau conformément à la loi :
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Bordeaux.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 92-81260
Date de la décision : 11/10/1993
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1° ACTION CIVILE - Recevabilité - Banqueroute - Action d'un créancier - Délit commis par le débiteur en règlement judiciaire - Action dirigée contre les complices.

1° BANQUEROUTE - Action civile - Action d'un créancier - Recevabilité - Délit commis par le débiteur en règlement judiciaire - Action dirigée contre les complices.

1° L'article 211 de la loi du 25 janvier 1985 n'interdit pas aux créanciers de se constituer partie civile par voie d'intervention en raison d'un préjudice particulier distinct du montant de leur créance et résultant directement de l'infraction.

2° ACTION CIVILE - Recevabilité - Banqueroute - Action d'un créancier - Règle de l'égalité des créanciers - Effet.

2° BANQUEROUTE - Action civile - Action d'un créancier - Règle de l'égalité des créanciers - Effet.

2° Le principe de l'égalité des créanciers ne s'oppose pas à leur action individuelle contre les complices du banqueroutier dès lors que ces derniers ne font pas l'objet d'une procédure collective et que leur patrimoine, en conséquence, n'est pas le gage de l'ensemble des créanciers (1).


Références :

1° :
1° :
Code de procédure pénale 3
Loi 85-98 du 25 janvier 1985 art. 211

Décision attaquée : Cour d'appel de Toulouse (chambre correctionnelle), 05 décembre 1991

CONFER : (2°). (1) Cf. Chambre criminelle, 1980-06-16, Bulletin criminel 1980, n° 189, p. 490 (rejet), et les arrêts cités ;

Chambre criminelle, 1981-06-10, Bulletin criminel 1981, n° 193, p. 522 (cassation).


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 11 oct. 1993, pourvoi n°92-81260, Bull. crim. criminel 1993 N° 283 p. 713
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1993 N° 283 p. 713

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Tacchella, conseiller doyen faisant fonction.
Avocat général : Avocat général : M. Monestié.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Roman.
Avocat(s) : Avocats : M. Brouchot, la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1993:92.81260
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award