Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt confirmatif attaqué (Chambéry, 10 septembre 1991) que la société civile immobilière Les Iris (la SCI), créée en 1973, a réalisé, en 1974 et 1977, les deux premières tranches du projet immobilier pour lequel elle avait été constituée ; que, recherchant de nouveaux concours financiers pour réaliser la troisième tranche de ce projet, les associés de la SCI se sont tournés vers M. Y..., qui, à la suite de divers accords intervenus en 1980 et 1981, est entré dans le capital social à hauteur de 67 % ; que, malgré d'importants emprunts contractés auprès d'un pool bancaire dirigé par Le Crédit chimique et auquel participait la Banque Laydernier, la SCI n'a pu faire face à ses engagements et a été mise en redressement judiciaire puis en liquidation judiciaire au cours de l'année 1988 ; que, dès le mois d'avril 1985, M. Y... avait assigné devant le tribunal de grande instance, outre la SCI elle-même, son gérant, les autres associés, les deux banques précitées ainsi qu'un ancien mandataire, M. X..., à qui il avait, du 1er octobre 1980 au 19 juillet 1982, confié " la mission de le représenter dans toutes les opérations attachées à la réalisation de l'opération immobilière SCI Les Iris " ; qu'il demandait que l'ensemble des personnes susmentionnées soient déclarées responsables in solidum du passif de la SCI, leur réclamant le remboursement des fonds qu'il avait avancés dans cette opération, ainsi que le paiement de dommages-intérêts ;
Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :
Attendu que M. Y... reproche à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande en ce qu'elle était dirigée contre M. X..., alors, selon le pourvoi, d'une part, que, dans les rapports qui s'établissent entre un mandataire salarié se targuant de la qualité de conseil en gestion de patrimoine et un mandant dont il n'est pas constaté qu'il était un professionnel des placements financiers, celui-ci insistant au contraire sur son absence de qualité quant à ce, ce n'est pas au néophyte de se renseigner sur le caractère sain ou non de l'opération devant servir d'assise à l'investissement, mais au mandant, professionnel qui avait choisi ladite opération, d'informer le mandataire de la situation exacte et de la nature des risques pris, et ce tant au moment du choix de l'investissement que dans un avenir prévisible ; qu'en décidant le contraire tant par motifs propres qu'adoptés sur le fondement de motifs inopérants, les juges du fond violent les articles 1991, 1992 et 1993 du Code civil ; et alors, d'autre part, que M. Y... insistait sur le fait que le mandataire, en sa qualité de professionnel des placements financiers, avait reçu une mission singulière consistant à effectuer toutes opérations et prendre toutes dispositions nécessaires pour la défense des intérêts du mandant dans le cadre de l'opération immobilière choisie par le mandataire, en rendre compte conformément aux dispositions de l'article 1993 du Code civil, et qu'il était avéré, s'agissant du plan financier prévisionnel du programme objet de l'investissement, que le mandataire avait précisé que la comptabilité de la SCI, contrôlée par ses soins, faisait apparaître une situation saine, un règlement intégral des entreprises et fournisseurs ayant participé aux travaux, ainsi que des différents impôts et taxes ; cependant qu'en fait, la vérité était ailleurs, l'affaire apparaissant bien vouée à l'échec, si bien qu'en ne s'exprimant pas par rapport à ces données de nature à avoir une incidence sur la solution du litige et en se contentant d'affirmations tout à la fois lapidaires et inopérantes, les juges du fond violent les textes cités au précédent élément de moyen ;
Mais attendu qu'après avoir relevé que rien n'établissait qu'à l'époque de l'entrée de M. Y... dans la SCI, M. X... ait été mieux que lui à même de prévoir les difficultés que celle-ci allait connaître par la suite, l'arrêt retient que le mandataire avait rendu compte de sa mission en remettant à son mandant une notice explicative comportant la description juridique, financière et commerciale du programme et précisant que la SCI ne disposait d'aucun fonds propre autres que ceux qui seraient apportés par les associés ; qu'à partir de ces constatations et énonciations, la cour d'appel a pu décider que M. Y... ne rapportait pas la preuve, qui lui incombait, des fautes qu'aurait commises M. X... dans l'exécution du mandat ; d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Sur le second moyen, pris en ses trois branches :
Attendu que M. Y... reproche encore à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande en ce qu'elle était dirigée contre Le Crédit chimique (aux droits duquel vient la Banque du Phénix) et la Banque Laydernier, alors, selon le pourvoi, d'une part, que le fait pour l'associé d'une SCI d'avoir eu connaissance des difficultés financières rencontrées par ladite SCI, difficultés qui furent à l'origine d'un très grand nombre de crédits octroyés dans des conditions des plus préjudiciables et ruineuses, ne peut en lui-même dépouiller de tout caractère fautif le comportement de banques qui maintinrent artificiellement une opération immobilière irrémédiablement vouée à l'échec, en sorte qu'en déboutant ledit associé de la SCI de ses demandes en dommages-intérêts, au motif central qu'il était nécessairement au courant de la situation, la cour d'appel viole l'article 1382 du Code civil ; alors, d'autre part, que M. Y... insistait sur toute une série de données convergentes, à savoir sur le fait qu'en un court laps de temps, le crédit en compte courant émanant des banques a été porté de 2 500 000 francs à 5 000 000 de francs ; qu'un crédit supplémentaire d'un million de francs a été consenti et qu'une convention d'ouverture de crédit a autorisé un dépassement de 650 000 francs, puis de 500 000 francs, ce qui déboucha sur un débit à court terme de plus de sept millions de francs, lui-même générateur d'agios extrêmement lourds, étant observé que, parallèlement, les banques ont multiplié les garanties par des sûretés réelles et personnelles afin de se protéger contre la fragilité évidente de la SCI, dont il est acquis, et l'arrêt le relève, qu'elle manquait de fonds propres, et ce de longue date, au regard des règles de gestion qui s'imposaient, ce qui ne pouvait être ignoré des banques ; qu'en déboutant néanmoins la victime de tels agissements en faisant état de la singularité des financements de l'opération immobilière d'envergure, la cour d'appel inscrit dans son arrêt des motifs inopérants et n'examine pas le litige dans ses véritables dimensions au regard de l'article 1382 du Code civil, ainsi violé ; et alors, enfin, que la cour d'appel n'a pu, sans se contredire, indiquer, d'une part, que la SCI, à partir de 1972, n'avait pas suffisamment de fonds propres et a eu recours systématique à des concours bancaires importants, et affirmer, d'autre part, que lesdits concours n'étaient pas anormaux ; qu'ainsi ont été méconnues les exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu, en premier lieu, qu'après avoir relevé que la SCI était ancienne et justifiait de réalisations importantes auxquelles s'étaient intéressés plusieurs établissements publics et privés, que son gérant était un professionnel de la promotion immobilière et que les crédits litigieux avaient pour objet le financement d'un programme de construction de logements et non la survie artificielle d'une entreprise en difficulté, la cour d'appel, qui a constaté que les sûretés constituées par les banques n'étaient pas excessives au regard des risques pris, a pu décider que celles-ci n'avaient commis aucune faute de nature à engager leur responsabilité délictuelle ; qu'elle a ainsi, sans se déterminer par le seul motif relatif à la connaissance par M. Y... des difficultés de la SCI, légalement justifié sa décision ;
Attendu, en second lieu, qu'en relevant une insuffisance des fonds propres de la SCI et un recours excessif de celle-ci à l'emprunt bancaire, l'arrêt s'est référé à la structuration du passif de l'entreprise, c'est-à-dire à son mode de financement, tandis qu'en énonçant que les concours bancaires accordés à la SCI n'étaient pas anormaux, l'arrêt a analysé, du point de vue des banques, la politique de crédit suivie à l'égard de cette entreprise ; que, portant des appréciations différentes sur des réalités et des intérêts qui étaient eux-mêmes différents, la cour d'appel ne s'est pas contredite ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.