REJET du pourvoi formé par :
- X... Jacques,
contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 13 septembre 1995, qui, dans l'information suivie contre lui pour atteinte à l'autorité de la justice, a infirmé l'ordonnance du juge d'instruction déclarant prescrite l'action publique et a renvoyé la procédure à ce magistrat pour la poursuite de l'information.
LA COUR,
Vu l'ordonnance du président de la chambre criminelle prescrivant l'examen immédiat du pourvoi en date du 17 octobre 1995 ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation de l'article 434-25, 4e alinéa, du nouveau Code pénal, des articles 7 et 8 du Code de procédure pénale, des articles 80, 80-1, 187 et 570 du même Code :
" en ce que l'arrêt attaqué infirme une ordonnance du juge d'instruction près le tribunal de grande instance de Nice disant n'y avoir lieu à procéder à l'interrogatoire de première comparution du requérant, la prescription de l'action publique étant acquise, dit que la prescription de l'action publique a été régulièrement interrompue depuis les faits par des actes de poursuite ou d'instruction qui se sont succédé à moins de 3 mois d'intervalle et que la prescription a été suspendue entre le 2 février et le 6 mars 1995 et renvoie la procédure au juge d'instruction pour poursuite de l'information par mise en examen et tous actes subséquents utiles ;
" aux motifs que dans les 3 mois qui ont précédé l'arrêt de la chambre d'accusation du 20 octobre 1994 annulant le procès-verbal de première comparution du 24 mai 1994, des actes d'instruction interromptifs sont intervenus, notamment une ordonnance de versement de pièces du 9 juin et un réquisitoire du procureur général du 19 septembre 1994, que suite au pourvoi de Jacques X... contre cet arrêt et en l'absence de dépôt au greffe de la requête prévue aux articles 570 et 571 du Code de procédure pénale, le président de la chambre criminelle de la Cour de Cassation a, par ordonnance du 30 janvier 1995, refusé de recevoir le pourvoi en l'état et ordonné que la procédure soit continuée devant la juridiction saisie, que, sur saisine du Parquet de Nice, la chambre d'accusation a annulé par arrêt du 2 février 1995 un réquisitoire définitif du 29 juillet 1994 qui s'appuyait sur l'interrogatoire de première comparution précédemment annulé, que cet arrêt a été signifié à Jacques X... le 1er mars 1995 et est devenu définitif le 6 mars, que le 16 mai 1995 le procureur de la République a signé un réquisitoire supplétif demandant un interrogatoire et la continuation de l'information ; que doit être considéré comme acte interruptif de prescription tout acte de procédure régulier accompli par une personne compétente et manifestant clairement une volonté de poursuivre l'action publique jusqu'à son terme, qu'entrent dans cette définition les ordonnances du juge d'instruction et du président de la chambre d'accusation qui statuent sur une requête en accomplissement d'actes d'instruction de même que les réquisitions du procureur général concluant au rejet d'une requête en nullité et à la poursuite de l'information ; que l'article 187 du Code de procédure pénale autorisant le juge d'instruction à poursuivre l'information lorsque la chambre d'accusation est saisie d'une requête en nullité ne prive pas les actes de procédure intervenus à cette occasion ni les arrêts ou voies de recours de leur effet interruptif de prescription ; que les obstacles de droit tel que le pourvoi en cassation ont pour effet de suspendre la prescription, que par suite la prescription n'a pu courir entre l'arrêt du 20 octobre 1994 et l'ordonnance du président de la chambre criminelle du 30 janvier 1995, qu'elle a été interrompue par l'arrêt de la chambre d'accusation du 2 février 1995 annulant 2 actes de procédure, puis suspendue jusqu'au 6 mars 1995, date d'expiration du délai de pourvoi contre cet arrêt, et a été à nouveau interrompue par le réquisitoire supplétif du Parquet de Nice du 16 mai 1995 ;
" alors, d'une part, que le délai de prescription ne peut être suspendu par l'exercice d'une voie de recours que dans la seule mesure où cette voie de recours met dans l'impossibilité absolue la partie poursuivante ou le juge d'instruction d'accomplir un acte d'instruction ou de poursuite interruptif et que tel ne peut être le cas ni d'une instance en nullité portée devant la chambre d'accusation en application de l'article 173 du Code de procédure pénale, dès lors que cette instance n'a aucun effet suspensif en vertu de l'article 187 du même Code, ni d'un pourvoi en cassation formé contre un arrêt qui ne met pas fin à la procédure lorsque ce pourvoi n'est pas accompagné d'une requête article 570, seul le délai de pourvoi ayant couru avant dépôt de ce pourvoi incomplet présentant un caractère suspensif aux termes des alinéas 2 et 3 dudit article ;
" alors, d'autre part, que la courte prescription instituée par l'article 434-25 du nouveau Code pénal ne peut être interrompue que par un acte d'instruction ou de poursuite, ce qui interdit de conférer un effet interruptif de la prescription de l'action publique aux actes d'une procédure incidente ouverte sur un recours ayant pour seul objet l'annulation d'un acte de poursuite ou d'instruction ainsi qu'aux jugements, arrêts ou ordonnances rendus exclusivement dans le cadre de ces recours incidents ;
" et alors que le cours de la prescription n'ayant été suspendu qu'entre le 15 et 17 novembre 1994 (dates de signification de l'arrêt de la chambre d'accusation du 20 octobre précédent et date du pourvoi formé contre cet arrêt sans être accompagné d'une requête, art. 570) et entre le 1er mars et le 6 mars 1995 (délai de pourvoi contre l'arrêt de la chambre d'accusation du 2 février 1995), et le délai de prescription n'ayant par ailleurs pu être interrompu ni par des actes de procédure annulés par les arrêts susvisés des 20 octobre 1994 et 2 février 1995, ni par les actes de procédure et décisions de justice essentiellement relatifs aux instances incidentes ayant eu pour objet lesdites annulations (y compris les réquisitoires du procureur général devant la chambre d'accusation, les arrêts de ladite chambre d'accusation et l'ordonnance du président de la chambre criminelle de la Cour de Cassation du 30 janvier 1995 disant n'y avoir lieu de recevoir le pourvoi en l'état), ni par les actes d'instruction ou de poursuite irrégulièrement effectués postérieurement aux arrêts d'annulation prononcés par la chambre d'accusation des 20 octobre 1994 et 2 février 1995 avant que ces arrêts n'aient été exécutés et que le dossier n'ait été expurgé des pièces annulées, il s'avère que la prescription de l'action publique s'est trouvée acquise une première fois le 2 octobre 1994, le dernier acte interruptif constaté par l'arrêt attaqué étant l'ordonnance de soit-communiqué du magistrat instructeur du 1er juillet 1994 ; que postérieurement au 17 novembre 1994, date du pourvoi en cassation formé sans requête 570 à l'encontre de l'arrêt de la chambre d'accusation du 20 octobre 1994, plus de 3 mois se sont de nouveau écoulés sans que ne soit de nouveau accompli aucun acte régulier d'instruction ou de poursuite, avant le réquisitoire supplétif du procureur de la République du 16 mai 1995 dont, de surcroît, le premier juge a justement constaté l'irrégularité pour avoir été pris avant que le dossier ne soit expurgé des actes annulés " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que le procureur de la République de Nice a, le 14 février 1994, requis l'ouverture d'une information à l'encontre de Jacques X... du chef du délit d'atteinte à l'autorité de la justice, prévu par l'article 226 ancien du Code pénal, à raison de propos tenus par celui-ci le 2 février 1994 ; que le magistrat instructeur, après avoir accompli divers actes d'instruction en février, mars, mai et juin 1994, et ayant notifié aux parties l'avis prévu par l'article 175 du Code de procédure pénale le 9 juin 1994, Jacques X... a adressé à la chambre d'accusation, le 28 juin 1994, une requête en annulation d'actes, dont le procès-verbal de première comparution ; que la chambre d'accusation, statuant sur cette requête au vu des réquisitions prises par le procureur général le 19 septembre 1994, a annulé le procès-verbal d'interrogatoire de première comparution et rejeté les autres chefs de la demande en nullité, par arrêt en date du 20 octobre 1994, signifié à Jacques X... le 15 novembre 1994 ; que ce dernier a formé contre cette décision, le 17 novembre 1994, un pourvoi en cassation qui, faute d'être assorti de la requête prévue par les articles 570 et 571 du Code de procédure pénale, a été déclaré non recevable en l'état par ordonnance du président de la chambre criminelle ; que, cependant, le 30 novembre 1994, le procureur de la République de Nice a adressé à la chambre d'accusation une requête en annulation d'un réquisitoire définitif, signé le 29 juillet 1994, alors qu'il n'avait pas encore été statué sur la demande de nullité régulièrement présentée par Jacques X... ; que le procureur général a pris ses réquisitions sur cette requête le 7 décembre 1994 ; que la chambre d'accusation, par arrêt du 2 février 1995, signifié le 1er mars 1995, a annulé le réquisitoire définitif ; que le procureur de la République a alors requis le juge d'instruction, le 16 mai 1995, de procéder à un nouvel interrogatoire de première comparution de Jacques X... ; qu'enfin, par ordonnance en date du 30 juin 1995, le juge d'instruction a déclaré ne pouvoir procéder à cet interrogatoire, la prescription de l'action publique étant acquise ;
Attendu qu'en l'état de ces seuls actes d'instruction ou de poursuite, la Cour de Cassation est en mesure de s'assurer que la prescription de l'action publique a été régulièrement interrompue jusqu'à l'ordonnance du 30 juin 1995 ; que, dès lors, en infirmant cette ordonnance, la chambre d'accusation n'a pas encouru les griefs allégués ;
Qu'en effet, les dispositions de l'article 434-25 nouveau du Code pénal, entrées en vigueur le 1er mars 1994 et édictant une prescription de 3 mois à compter du jour où l'infraction a été commise, sont applicables aux instances en cours, conformément à l'article 112-2, alinéa 4, de ce Code ; qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions avec celles des articles 7 et 8 du Code de procédure pénale que la prescription abrégée reprend son cours après chaque acte d'instruction ou de poursuite accompli dans le même délai de 3 mois, tant au cours de l'information qu'au cours de procédures incidentes devant la chambre d'accusation ; que tel a été le cas en l'espèce ;
Que, par ailleurs, il importe peu que le réquisitoire définitif annulé par l'arrêt en date du 2 février 1995 n'ait été retiré du dossier que le 11 juin 1995, cette circonstance n'étant pas de nature à entacher de nullité les réquisitions supplétives aux fins d'interrogatoire de première comparution prises le 16 mai 1995 par le procureur de la République ; que l'article 174 du Code de procédure pénale dispose seulement qu'il est interdit de tirer des actes et des pièces annulés aucun renseignement contre les parties, à peine de poursuites disciplinaires pour les avocats et les magistrats ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.