REJET du pourvoi formé par :
- X... Joseph,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Metz, chambre correctionnelle, en date du 23 juin 1994, qui, pour importations réputées faites sans déclaration de marchandises prohibées, l'a condamné à une amende de 905 672 francs et au paiement des droits fraudés.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Attendu que Joseph X..., qui exerçait, sous l'enseigne commerciale Prestige Import, une activité d'importation et de vente de véhicules de luxe, a procédé en 1989 et 1990 à l'importation de 9 véhicules en provenance des USA et de 3 véhicules en provenance de la CEE ;
Que les valeurs en douane de ces véhicules, déclarées soit directement par ses soins, soit par l'intermédiaire de préposés, ont été contestées par l'Administration qui, après avoir effectué un rapprochement entre les déclarations, les factures d'achat et les sommes réellement versées pour ces acquisitions, a fait valoir que les minorations opérées avaient eu pour effet d'éluder une partie des droits de douane et de la TVA dus ;
Qu'après avoir décerné plusieurs contraintes pour tenter de recouvrer les droits compromis l'administration des Douanes a cité l'intéressé directement devant la juridiction correctionnelle, sur le fondement des articles 38 et 426.3° du Code des douanes et du règlement CEE/1224/80 du 31 mai 1980, pour importations réputées faites sans déclaration de marchandises prohibées ;
Que, par jugement avant dire droit du 5 février 1993, le tribunal correctionnel, répondant aux exceptions soulevées par le prévenu, a annulé une partie des citations délivrées, au motif qu'elles visaient " la société " Prestige Import qui n'était que l'enseigne commerciale d'une activité en nom propre, et rejeté l'exception d'irrecevabilité invoquée par le prévenu prise de ce que l'Administration, en procédant par voie de contraintes, aurait déjà engagé une action civile ;
Que, par jugement au fond du 19 mars 1993, la juridiction correctionnelle a déclaré Joseph X... coupable des faits qui lui étaient reprochés, qu'il soit pris en qualité d'auteur pour les déclarations personnellement souscrites, ou en qualité de complice ou d'intéressé à la fraude pour celles des déclarations souscrites pour son compte ;
Que la cour d'appel a confirmé les 2 jugements entrepris ;
En cet état :
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 5, 459 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a dit n'y avoir lieu de poser une question préjudicielle au sujet de la conformité de l'article 110 de la loi du 17 juillet 1992 à la Cour de justice des Communautés européennes, confirmé le jugement du 5 février 1993 et le jugement du 19 mars 1993 en toutes leurs dispositions sur l'action pénale douanière, l'amende douanière et les droits fiscaux fraudés, et prononcé en tant que de besoin la contrainte par corps ;
" aux motifs qu'en l'occurrence l'exception de nullité des citations délivrées à la société Import Prestige et la fin de non-recevoir tirée de l'article 5 du Code de procédure pénale, touchant à l'ordre public, exigeaient une décision immédiate ; que, dès lors, le recours à l'article 459, alinéa 4, du Code de procédure pénale apparaît justifié ; qu'au surplus Joseph X... ne saurait se plaindre de l'application de ce texte puisque le tribunal a partiellement fait droit à ses conclusions en décidant que les citations délivrées à la société Import Prestige, personne morale inexistante, étaient nulles ; que Joseph X... prétend que, pour les mêmes faits, il avait fait l'objet de poursuites préalables par la voie civile ; que l'administration des Douanes avait en effet émis des contraintes pour les mêmes causes le 27 novembre 1991 ; que ces titres ont été notifiés le 4 décembre 1991, alors que les citations devant la juridiction répressive datent du 5 décembre 1991, soit 24 heures plus tard ; qu'il est dès lors fondé à soulever l'irrecevabilité résultant de l'article 5 du Code de procédure pénale ; mais que la contrainte est un acte administratif qui permet l'exécution forcée sur les biens des débiteurs de l'administration des Douanes ; que, si la contrainte dûment signifiée a tous les effets d'un jugement civil par défaut, elle constitue un acte préalable de poursuite mais non un acte introductif d'instance ; qu'il n'existe d'instance judiciaire civile que sur opposition du redevable devant le tribunal d'instance (articles 357 bis et 358-2 du Code des douanes) ; qu'en l'occurrence Joseph X... a formé opposition aux contraintes qui lui ont été signifiées le 4 décembre 1991 ; qu'il convient de relever que le tribunal d'instance de Saint-Avold, par jugement du 25 mars 1992, a annulé la contrainte en date du 27 novembre 1991 portant sur la somme de 10 895 francs, et par jugement du 22 juillet 1992 la contrainte en date du 27 novembre 1991 portant sur la somme de 9 266 francs ; que l'annulation a été prononcée pour irrégularités de forme des contraintes ; que, par jugement du 22 octobre 1992, le tribunal d'instance de Sarreguemines, saisi de l'opposition de Joseph X... à l'encontre de la contrainte portant sur la somme de 12 301 francs, a dit que cette dernière était régulière en la forme mais, quant au fond, a sursis à statuer, le tribunal correctionnel de Sarreguemines étant saisi de l'affaire ; que ces décisions n'ont fait l'objet d'aucun recours ; que l'administration des Douanes n'a donc pas pris l'initiative de poursuites devant la juridiction civile, qu'elle était par suite bien fondée à agir par la voie pénale ; qu'en conséquence la fin de non-recevoir tirée de l'article 5 du Code de procédure pénale doit être rejetée ;
" 1° alors, d'une part, que l'exception de nullité des citations délivrées à la société Import Prestige et la fin de non-recevoir tirée de l'article 5 du Code de procédure pénale, ne touchant nullement à l'ordre public, n'exigeaient pas de décision immédiate ; qu'en conséquence en statuant comme elle l'a fait la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
" 2° alors, d'autre part, que l'émission des contraintes est un acte préalable de poursuites qui conduisent inéluctablement à des instances judiciaires civiles ; qu'en conséquence l'administration douanière avait bien choisi d'agir par la voie civile et qu'elle n'était pas fondée ultérieurement à agir par la voie pénale ; aussi, en affirmant le contraire, la cour d'appel a violé les textes susvisés " ;
Sur le moyen pris en sa première branche :
Attendu que le demandeur ne saurait se faire un grief ni de ce que les premiers juges aient cru devoir statuer par une décision distincte du jugement sur le fond, ni de ce que les juges du second degré aient refusé d'annuler une telle décision, dès lors qu'il ne démontre ni même n'allègue, ainsi que l'exige l'article 802 du Code de procédure pénale, que cette décision ait porté atteinte à ses intérêts ;
Sur le moyen pris en sa seconde branche :
Attendu que, pour déclarer recevable l'action engagée devant la juridiction répressive par l'administration des Douanes, la cour d'appel, après avoir observé que le juge d'instance, saisi des oppositions à contrainte formées par Joseph X..., a sursis à statuer en attendant l'issue de la procédure pénale, énonce que, si les contraintes délivrées dans les conditions prévues aux articles 345 à 347 du Code des douanes ont les mêmes effets que des jugements rendus par défaut, elles ne sont pas pour autant assimilables à des actes introductifs d'instance devant la juridiction civile, seule l'opposition à ces contraintes, à l'initiative du débiteur, ayant ce caractère ;
Attendu qu'en prononçant ainsi, et dès lors, en outre, que l'action pour l'application des sanctions fiscales exercée par l'administration des Douanes en application de l'article 343-2 du Code des douanes a le caractère d'une action publique qui trouve à s'exercer indépendamment du droit d'obtenir le paiement des sommes fraudées ou indûment obtenues, que cette dernière tient, à titre accessoire, de l'article 377 bis du Code précité, et qui seul a le caractère d'une action civile, la cour d'appel a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen, pris en ses 2 branches, doit être écarté ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 7 du Code des douanes, 414, 392, 435, 439, 337-2, 426-3, 423, 406 et 407 dudit Code, des articles 110, 111 et 121 de la loi n° 92-677 du 17 juillet 1992, de la directive n° 91/680/CEE du 16 décembre 1991, des articles 95 et 177 du traité de Rome, de l'article 23 de la loi du 8 juillet 1987 et de l'article 593 du Code de procédure pénale, contradiction et défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a dit n'y avoir lieu de poser une question préjudicielle au sujet de la conformité de l'article 110 de la loi du 17 juillet 1992 à la Cour de justice des Communauté européennes, confirmé le jugement du 5 février 1993 et le jugement du 19 mars 1993 en toutes leurs dispositions sur l'action pénale douanière, l'amende douanière et les droits fiscaux fraudés, et prononcé en tant que de besoin la contrainte par corps ;
" aux motifs que la Cour de Cassation a rappelé que ce n'est qu'en l'absence de dispositions contraires expresses qu'une loi nouvelle qui abroge une incrimination ou qui comporte des dispositions pénales ou fiscales plus douces s'applique aux faits commis avant son entrée en vigueur et non définitivement jugés (crim., 6 juin 1988, bull. n° 250) ; que l'article 110 constitue une disposition expresse qui doit recevoir application ; qu'à compter de l'entrée en vigueur du marché intérieur résultant de l'Acte unique européen les échanges intracommunautaires de marchandises ne constituent plus des "importations" et des "exportations", que le régime de la TVA applicable à ces marchandises est un système de TVA appliqué aux "acquisitions" et aux "expéditions" intracommunautaires ; que les changements ainsi opérés dans le régime de la TVA, s'ils ont pour effet, dans les échanges intracommunautaires, de transférer l'application de cette taxe de la Direction générale des douanes et droits indirects à la Direction générale des impôts, n'impliquent en aucune manière que les infractions en matière de TVA dans les échanges intracommunautaires cesseraient d'être punissables à partir du 1er janvier 1993 ; que les dispositions actuellement en vigueur exigent toujours l'acquittement de la TVA lorsqu'une marchandise fait l'objet d'une vente entre 2 ressortissants de la CEE ; qu'il en résulte que l'article 110 de la loi du 17 juillet 1992 ne saurait être regardé comme contraire à la règle d'application immédiate de la loi nouvelle plus douce ; qu'il convient d'observer encore qu'aucune des directives du Conseil n° 91/680/CEE et n° 92/12/CEE ne contient de dispositions relatives à la répression des infractions en matière de TVA ; que, dès lors, ces textes ne sont pas susceptibles de paralyser l'application de l'article 110 de la loi du 17 juillet 1992 ; qu'en définitive il est incontestable que la loi du 17 juillet 1992 portant mise en oeuvre de la directive n° 91/680/CEE édicte pour l'avenir et que l'article 110 de cette loi n'apparaît nullement contraire à cette directive en maintenant l'application des dispositions législatives antérieures aux infractions douanières commises avant le 1er janvier 1993 ; qu'il n'y a donc pas lieu de poser la question préjudicielle ; que Joseph X... n'apporte pas la preuve de sa bonne foi ; que Joseph X... exerçait l'activité de mandataire à l'importation de véhicules de luxe ; qu'il ne pouvait ignorer ses obligations professionnelles ; qu'il a volontairement et systématiquement minoré la valeur déclarée des véhicules achetés à l'étranger dans un but de fraude ; qu'il y a donc lieu de confirmer le jugement entrepris sur la culpabilité ; qu'il convient de confirmer la condamnation de Joseph X... au paiement d'une amende douanière égale à une fois la valeur des marchandises de fraude, soit la somme de 905 672 francs, en application de l'article 414 du Code des douanes ; que ce montant n'apparaît nullement disproportionné eu égard à l'ampleur de la fraude ;
" alors, d'une part, qu'il apparaît que l'article 110 de la loi n° 92-677 du 17 juillet 1992 portant mise en oeuvre par la République française de la directive n° 91/680/CEE, complétant le système commun de la taxe sur la valeur ajoutée, est incompatible avec le principe fondamental du droit communautaire qui prime sur le droit interne, et selon lequel les lois modificatives d'une disposition législative antérieure s'appliquent aux effets futurs de situations nées sous le régime du texte ancien, en sorte qu'en raison de la suppression, à compter du 1er janvier 1993, de l'application du Code des douanes aux marchandises communautaires les poursuites exercées se trouvaient dépourvues de leur élément légal ; qu'en soutenant le contraire et disant qu'il n'y a pas lieu de poser la question préjudicielle, la Cour a violé les textes susvisés ;
" alors, d'autre part, que Joseph X... a établi que l'administration des Douanes ne pouvait établir de manoeuvres destinées à contourner sciemment les impératifs de la réglementation douanière et de nature à entraîner un préjudice au détriment des finances communautaires et du Trésor public et qu'il n'y avait pas eu d'enrichissement personnel anormal ; qu'ainsi en soutenant notamment que Joseph X... ne faisait pas la preuve de sa bonne foi, la Cour a violé l'article 23 de la loi du 8 juillet 1987 permettant de prononcer la relaxe pour défaut d'intention ;
" alors, enfin, que l'amende douanière apparaît en son principe comme parfaitement contraire aux principes communautaires, l'article 414 du Code des douanes instituant un régime de sanctions contraires aux dispositions de l'article 95 du traité CEE, et en son montant fixé en violation du principe de proportionnalité ; qu'ainsi les sanctions sont dépourvues de base légale au regard des dispositions susvisées " ;
Sur le moyen pris en ses première et deuxième branches :
Attendu que, pour écarter les conclusions du prévenu invoquant l'abrogation des sanctions applicables aux 3 importations de véhicules en provenance de la CEE, en raison de l'entrée en vigueur de la loi du 17 juillet 1992 ayant modifié le Code des douanes, les juges énoncent que si l'article 111 de la loi, invoqué par l'intéressé, dispose que le Code des douanes ne trouve plus à s'appliquer à l'entrée des marchandises communautaires sur le territoire douanier, il n'en demeure pas moins que l'article 110 de ce texte précise que ces dispositions ne font pas obstacle à la poursuite des infractions douanières commises avant son entrée en vigueur sur le fondement des dispositions législatives antérieures ;
Attendu que la cour d'appel ajoute, pour déclarer Joseph X... coupable des faits visés à la prévention, qu'il ressort des éléments du dossier que le prévenu a volontairement minoré la valeur des 12 véhicules qu'il a lui-même achetés à l'étranger, alors qu'il savait, en sa qualité de professionnel, quelles étaient ses obligations à ce sujet, et que rien ne permet, en l'espèce, de retenir sa bonne foi ;
Attendu qu'en l'état des énonciations la cour d'appel a donné une base légale à sa décision ;
Qu'en effet une loi nouvelle, qui modifie une incrimination ou les sanctions applicables à une infraction, ne trouve à s'appliquer aux faits commis avant son entrée en vigueur et non définitivement jugés qu'à la condition que cette loi n'ait pas prévu de dispositions expresses contraires ;
Que tel est le cas de la loi du 17 juillet 1992 qui, en son article 110 dont les dispositions ne sont en rien contraires au droit commaunautaire , a expressément prévu que ses dispositions n'auraient aucun effet rétroactif sur les infractions commises avant son entrée en vigueur ;
Sur le moyen pris en sa troisième branche :
Attendu que, si c'est à tort que, pour les 12 infractions qui lui étaient reprochées, la cour d'appel a cru devoir faire indistinctement application à Joseph X... des sanctions prévues à l'article 414 du Code des douanes, sans rechercher si le montant des amendes et pénalités qu'elle lui infligeait, à raison des importations de véhicules originaires de la Communauté, n'excédait pas ce qu'il aurait encouru en cas de défaut de paiement de la TVA afférente à des transactions réalisées à l'intérieur du territoire national, la cassation n'est pas encourue dès lors que la pénalité de 905 672 francs infligée est justifiée par les condamnations prononcées des chefs d'importation sans déclaration de véhicules en provenance des Etats-Unis ;
D'où il suit que le moyen, pris en ses 3 branches, ne saurait être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.