Attendu, selon l'arrêt critiqué, que, par convention du 28 mars 1985, la société Banco di Roma (la banque) a consenti à la société Maurice X..., qui était titulaire d'un compte courant dans ses livres, une ouverture de crédit de 1 000 000 francs, englobant le montant du découvert autorisé et celui des effets remis à l'escompte ; qu'au mois de mars 1987 les concours ont été portés à la somme de 3 000 000 francs ; qu'à la fin du mois de mars 1988, époque à laquelle le découvert était de 3 000 000 francs, la banque a décidé de ne plus délivrer de carnets de chèques à la société Maurice X... ; que celle-ci a intenté une action en responsabilité civile contre son banquier, en soutenant que la dégradation de sa situation était la conséquence de la brusque rupture de son crédit et de l'absence de renouvellement de ses formules de chèques ; que, par acte du 25 février 1990, la banque a fait assigner la société Maurice X..., ainsi que M. et Mme X..., cautions, en paiement du montant du solde du compte courant, en principal et intérêts ; qu'après la mise en redressement, puis en liquidation judiciaires de la société Maurice X..., le 18 septembre 1991, M. Y... a repris l'instance au nom de celle-ci ;
Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :
Attendu que M. Y..., mandataire judiciaire, agissant en qualité de liquidateur de la société
X...
, et les époux X... font grief à l'arrêt d'avoir rejeté les demandes dirigées contre la banque, alors, selon le pourvoi, d'une part, que la convention de compte courant se caractérise par la possibilité de remises réciproques, les soldes pouvant, dans la commune intention des parties, varier alternativement au profit de l'une ou de l'autre ; que la cour d'appel, qui a constaté expressément que la convention conclue entre les parties s'analysait en un compte courant mais qui admet que la banque ait pu unilatéralement modifier les règles de fonctionnement du compte en devenant seul juge de la possibilité d'inscription au débit du compte, a violé l'article 1134 du Code civil ; et alors, d'autre part, qu'en l'absence de tout incident de paiement ou de comportement répréhensible de la part du client, une banque ne peut, sans préavis, priver ce dernier d'un des moyens de paiement les plus utilisés entre commerçants ; que la cour d'appel, qui admet néanmoins qu'en décidant de ne plus délivrer de carnets de chèques la banque n'a pas abusivement rompu le concours à durée indéterminée consenti à la société Maurice X..., a violé les articles 1147 du Code civil et 60 de la loi du 24 janvier 1984 ;
Mais attendu, d'une part, que la cour d'appel n'a pas admis que la banque avait pu modifier unilatéralement les règles de fonctionnement du compte courant, en se réservant la possibilité de ne pas inscrire des opérations au débit de celui-ci ; que le moyen manque en fait dans sa première branche ;
Attendu, d'autre part, que l'arrêt retient que si les formules de chèques habituellement délivrées par les banques à leurs clients représentent l'un des moyens de faire fonctionner le compte et, par conséquent, de disposer du crédit, elles ne constituent cependant pas le seul, et qu'un compte bancaire fonctionne aussi, même si moins commodément, par le moyen de virements, d'effets et billets, de prélèvements, de chèques certifiés ; qu'il constate, ensuite, que la banque a maintenu le découvert existant jusqu'au début de l'année 1990 et que le compte a continué à fonctionner jusqu'à cette époque, même avec une activité moindre ; qu'en l'état de ces énonciations et constatations, c'est à bon droit que la cour d'appel a décidé que M. Y..., ès qualités, et les époux X... étaient, en conséquence, mal fondés à soutenir que la décision de ne plus délivrer de carnets de chèques serait constitutive de la part de la banque d'une rupture abusive de crédit ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Sur le deuxième moyen, pris en ses trois branches : (sans intérêt) ;
Sur le troisième moyen, pris en ses deux branches : (sans intérêt) ;
Mais sur le quatrième moyen, pris en sa première branche :
Vu l'article 55 de la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985 ;
Attendu qu'il résulte, notamment, de ce texte, que le jugement d'ouverture du redressement judiciaire arrête le cours des intérêts légaux et conventionnels, à moins qu'il ne s'agisse des intérêts résultant de contrats de prêt conclus pour une durée égale ou supérieure à un an ;
Attendu que, pour dire que la banque est créancière de la société Maurice X... à hauteur de 2 997 944,71 francs, outre intérêts au taux contractuel à compter du 25 janvier 1990, et condamner les époux X... à payer à la banque la somme de 2 997 944,71 francs, outre intérêts au taux contractuel à compter du 25 janvier 1990, l'arrêt retient que le cours des intérêts n'est pas suspendu par le jugement d'ouverture de redressement judiciaire puisque la convention d'ouverture de crédit s'analyse en un prêt dont la durée à été supérieure à un an ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'il ne résultait pas de ses constatations que la banque et la société Maurice X... avaient conclu un contrat de prêt pour une durée égale ou supérieure à un an, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et sur le quatrième moyen, pris en sa seconde branche :
Vu l'article 1134 du Code civil ;
Attendu que, pour dire que la banque est créancière de la société Maurice X... à hauteur de 2 997 944,71 francs, outre intérêts au taux contractuel à compter du 25 janvier 1990, et condamner les époux X... à payer à la banque la somme de 2 997 944,71 francs, outre intérêts au taux contractuel à compter du 25 janvier 1990, l'arrêt retient que cette date est celle de l'arrêté de compte ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si un accord était intervenu entre les parties pour maintenir, après la clôture du compte, les intérêts au taux conventionnel, alors qu'à défaut d'un tel accord le taux légal était applicable, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a augmenté la somme dont la Banco di Roma a été jugée créancière à l'égard de la société Maurice X..., et la somme que les époux X... ont été condamnés à payer à la Banco di Roma, d'une part, des intérêts au taux contractuel entre le 25 janvier 1990 et le 18 septembre 1991 et, d'autre part, d'intérêts après cette dernière date, l'arrêt rendu le 21 janvier 1994, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble.