Attendu, selon l'arrêt déféré (Paris, 21 mars 1996), que, par deux contrats du 11 juin 1985, la société Agence Squale (l'agence) a pris en location, à la société Métrobus publicité (le support), concessionnaire exclusif de la Régie autonome des transports parisiens pour l'exploitation de la publicité, divers emplacements publicitaires, pendant une période déterminée, pour le compte de la société Stéphan films (l'annonceur) ; que, n'étant pas payé par l'agence, le support a adressé ses factures à l'annonceur et, le 16 novembre 1992, l'a assigné en paiement ; que l'annonceur a résisté au motif qu'il s'était, depuis longtemps, libéré de sa dette auprès de l'agence ;
Sur le premier moyen, pris en ses cinq branches :
Attendu que la société Métrobus publicité reproche à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'en constatant que les deux contrats litigieux du 11 juin 1985 mentionnaient que la société Squale agissait à titre de mandataire ducroire de la société Stéphan films, tout en estimant que le fait que la société Métrobus n'ait facturé que la société Squale, qu'elle prétendait mandataire, et qu'elle ait convenu avec la société Squale de la rémunération de cette agence, dont elle avait accepté de conserver la charge, constituait un anomalie par rapport aux règles ordinaires du mandat, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 94 du Code de commerce ; alors, d'autre part, qu'en se bornant à énoncer que le texte des contrats préimprimés que la société Métrobus avait fait signer le 11 juin 1985 dérogeait aux usages régissant l'activité des agences de publicité en ce qu'il faisait de la société Squale un mandataire, de surcroît ducroire, de la société Stéphan films, sans rechercher, comme elle y était invitée par les conclusions de la société Métrobus, si l'agence, en dévoilant au support l'identité de l'annonceur au nom duquel il avait établi ouvertement le contrat, ne lui avait pas ainsi révélé l'existence d'un mandat jusque-là limité dans ses effets aux seuls rapports avec son commettant qui le mettait en mesure et en droit de s'en prévaloir directement à l'égard de ce dernier à charge de réciprocité, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 94, alinéa 2, du Code de commerce ; alors, de surcroît, que la société Métrobus avait expressément fait valoir dans ses conclusions d'appel que c'était à tort que la société Stéphan films croyait pouvoir indiquer qu'en matière de publicité, il serait d'usage que l'agence de publicité soit commissionnaire ducroire du support et non mandataire de l'annonceur ; qu'il résultait très largement de la jurisprudence que, dans ce type de situations, les agences de publicité agissaient bien en qualité de mandataire ; que, dès lors, en énonçant que la société Métrobus reconnaissait elle-même que le texte des contrats préimprimés qu'elle avait fait signer le 11 juin 1985 dérogeait aux usages régissant l'activité des agences de publicité en ce qu'il faisait de la société Squale un mandataire de surcroît ducroire, de la société Stéphan films, la cour d'appel a dénaturé les conclusions de la société Métrobus en violation des articles 4 et 7 du nouveau Code de procédure civile ; alors, encore, qu'en s'abstenant de répondre aux conclusions de la société Métrobus faisant valoir que la société Stéphan films ne versait aux débats aucune pièce tendant à démontrer ses rapports contractuels avec l'agence Squale qui permettait de considérer qu'il s'agissait d'un contrat de commission, la cour d'appel a violé 455 du nouveau Code de procédure civile ; et alors, enfin, que comme le faisait valoir la société Métrobus dans ses conclusions, les affiches apposées sur les emplacements loués portaient des messages publicitaires de la société Stéphan films ; que celle-ci, dans ses écritures, reconnaissait d'ailleurs avoir effectivement rémunéré la société Squale pour les prestations litigieuses ; qu'en décidant cependant que la société Métrobus ne saurait trouver dans la fourniture des affiches la preuve d'un mandat apparent, la cour d'appel a violé l'article 1998 du Code civil ;
Mais attendu que l'arrêt retient que les deux contrats litigieux, portant que l'agence agit en qualité de mandataire de l'annonceur, dérogeaient aux usages de la profession selon lesquels l'agence est un commissionnaire tenu au paiement envers le support et que, par suite, il appartient à ce dernier d'apporter la preuve que l'annonceur, qui n'a pas été partie aux contrats, avait accepté cette dérogation aux usages, le rendant, solidairement avec l'agence, débiteur du support ; qu'il retient encore que n'est établi, à la charge de l'annonceur, aucun mandat de contracter en son nom, aucun mandat de paiement et aucun mandat apparent ; qu'ainsi, abstraction faite du motif critiqué par la troisième branche qui est surabondant, la cour d'appel, qui n'a pas commis la contradiction reprochée par la première branche et qui n'avait pas à répondre aux conclusions dont fait état la quatrième branche, par lesquelles la société Métrobus publicité lui demandait d'inverser la charge de la preuve, a légalement justifié sa décision ; que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses cinq branches ;
Et sur le second moyen :
Attendu que la société Métrobus publicité reproche encore à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer à la société Stéphan films la somme de 10 000 francs à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive, alors, selon le pourvoi, que l'exercice d'une action en justice, de même que la défense à une telle action, constitue en principe un droit et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages-intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi ou d'erreur grossière équipollente au dol ; qu'il en résulte que la défense à une action en justice ne peut, sauf circonstances particulières qu'il appartient alors au juge de spécifier, dégénérer en abus lorsque sa légitimité a été reconnue par les premiers juges malgré l'infirmation dont leur décision a été l'objet ; que, dès lors en statuant de la sorte, l'arrêt infirmatif attaqué a violé l'article 1382 du Code civil ;
Mais attendu que l'infirmation de la décision de première instance n'empêche pas le juge d'appel de retenir l'abus dans l'exercice de l'action ; que, dès lors que le moyen ne conteste pas que l'arrêt a énuméré les fautes " lourdes " commises par la société Métrobus publicité dans l'exercice de son action dirigée contre la société Stéphan films, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen est sans fondement ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.