Sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche :
Vu l'article 1382 du Code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'à la suite d'un contrat de " swap ", le Crédit Suisse a remis la somme de 35 000 000 dollars à la banque Pallas Stern, et a reçu de celle-ci, en échange, 171 398 500 francs ; qu'il était convenu que le 27 juin 1995, le Crédit Suisse ferait parvenir à la banque Pallas Stern, par l'intermédiaire du réseau de règlements interbancaires " Sagittaire " 171 430 000 francs français, et de la banque Bruxelles Lambert France, adhérente de ce réseau, tandis que la banque Pallas Stern lui virerait, en échange, 35 000 000 dollars à son agence de New-York ; que quelques jours avant la date convenue, le Crédit Suisse a demandé au Crédit commercial de France, autre adhérent du réseau Sagittaire de la Banque de France, d'assurer, par l'intermédiaire de ce réseau, son paiement à la banque Bruxelles Lambert France ; que le Crédit commercial de France a ordonné le virement sur le réseau le 26 juin 1995, à 17 heures 25, la banque Bruxelles Lambert France en étant avisée le lendemain à 8 heures 25 ; qu'à 10 heures 30, le Crédit commercial de France a demandé à la banque Bruxelles Lambert de " retourner " le montant reçu ; qu'à 11 heures environ, les banques étaient toutes avisées de ce que la banque Pallas Stern était placée par la commission bancaire sous administration provisoire et invitées à virer les avoirs de cet établissement dans leurs livres à un nouveau compte chez un tiers ; que la banque Bruxelles Lambert France a fait parvenir la somme reçue du Crédit commercial de France à la banque Pallas Stern, après déduction d'une somme de 49 962 536 francs dont celle-ci était débitrice à son égard ; que le Crédit Suisse a réclamé à la banque Bruxelles Lambert France le remboursement des 171 430 000 francs, dont elle n'avait pu avoir la contrepartie, ainsi que des dommages-intérêts ;
Attendu que pour condamner la banque Bruxelles Lambert France à des dommages-intérêts pour un montant de 171 430 000 francs, l'arrêt retient que la banque Bruxelles Lambert France a volontairement et fautivement refusé de prendre en compte la demande de retour formulée par le Crédit commercial de France avant la clôture de la journée comptable Sagittaire, intervenant à 13 heures, et avant laquelle les transferts de fonds ne sont pas réalisés, si bien qu'elle aurait pu donner un ordre de règlement en sens inverse après avoir vérifié que la banque Pallas Stern ne respecterait pas son propre engagement ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'il ne résulte pas des textes conventionnels régissant le réseau Sagittaire, que les opérations y enregistrées soient révocables à la demande des donneurs d'ordres jusqu'à leur imputation dans des comptes globaux extérieurs à ce réseau ni que la banque Bruxelles Lambert France, intervenant en qualité de mandataire de la seule banque Pallas Stern, fût tenue à l'égard des donneurs d'ordre à des diligences quelconques pour leur permettre de révoquer utilement leurs ordres, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 12 mars 1998, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris.