CASSATION PARTIELLE sur l'opposition formée par :
- l'administration des Douanes,
contre l'arrêt du 25 juin 1998 de la Cour de Cassation qui, prononçant sur le pourvoi de Mohamed X..., a cassé et annulé sans renvoi l'arrêt de la cour d'appel d'Amiens, du 18 octobre 1996, lequel, pour complicité de transfert sans déclaration de sommes, titres ou valeurs en provenance de l'étranger, et complicité d'exportation sans déclaration de lingots d'or, avait condamné le prévenu à 1 an d'emprisonnement avec sursis, à des amendes douanières et à la confiscation des valeurs saisies.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur la recevabilité de l'opposition contestée en défense :
Attendu que l'opposition, formée par un contrôleur des Douanes, exerçant les fonctions d'agent poursuivant représentant le directeur général des Douanes, est recevable au regard de l'article 343 du Code des douanes, la non-appartenance de l'intéressé au cadre A de la fonction publique étant sans incidence sur la validité de son intervention ;
Sur le fond :
Sur le premier moyen de cassation, présenté par Mohamed X... et pris de la violation des articles 392, 428-1, 414 du Code des douanes, de l'article 98-1 modifié de la loi n° 89-935 du 29 décembre 1989, de l'article 23 de la loi n° 90-614 du 12 juillet 1990, de l'article 60 du Code pénal et de l'article 593 du Code de procédure pénale :
" en ce que l'arrêt déclare Mohamed X... coupable de complicité de manquement à l'obligation de déclaration de devises, le condamne à la peine d'1 an d'emprisonnement avec sursis, à une amende de 101 500 francs et prononce la confiscation des 60 000 DM en sa possession ;
" aux motifs qu'à l'occasion d'un contrôle effectué le 23 septembre 1992 sur le territoire français au cours duquel il a été constaté que Mohamed X... était en possession de 30 000 DM, ce dernier a admis que ces devises lui avaient été remises " à Orly le 20 septembre 1992 par un nommé Kacène Y..., demeurant à Cologne (Allemagne) qui n'avait pas fait de déclaration d'importation " et déclarait être chargé de passer les " commandes " sur instructions de son père, sans qu'il soit prévu qu'il signe aucun document ou qu'il se fasse remettre des documents attestant les règlements intervenus ; qu'il résulte des propres aveux du prévenu que Kacène Y... n'avait pas fait de déclaration d'importation ;
" alors, d'une part, que la cour d'appel dénature en le tronquant l'aveu ainsi relevé contre Mohamed X..., aveu qui précisait que Kacène Y... n'avait pas fait de déclaration d'importation de moyens de paiement parce qu'il avait la nationalité allemande, cette dernière circonstance étant, de surcroît, en elle-même de nature à faire disparaître le délit principal dont Mohamed X... est déclaré coupable ;
" alors, d'autre part, que la complicité par aide ou assistance ne peut concerner qu'un acte antérieur ou concomitant à la commission de l'infraction et que, s'agissant d'une infraction caractérisée par l'absence d'une déclaration qui devait être effectuée au moment de l'introduction de devises sur le territoire français, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision en condamnant, en l'espèce, Mohamed X... comme complice en raison d'un comportement personnel qui se situait après que les devises litigieuses soient entrées en France ;
" alors, enfin, que, pour que la complicité puisse être retenue au titre de l'aide ou de l'assistance, il faut qu'un acte positif directement lié à la commission de l'infraction ait été commis ; que la cour d'appel ne donne pas, à ce titre non plus, de base légale à son arrêt en condamnant Mohamed X... comme complice sur le fondement d'un comportement qui ne caractérise aucun fait positif directement lié à une absence de déclaration de devises lors de leur passage de la frontière " ;
Attendu que, pour déclarer Mohamed X... coupable de complicité de transfert sans déclaration de sommes en provenance de l'étranger, l'arrêt attaqué retient que le prévenu a été trouvé porteur sur le territoire français d'une somme de 60 000 DM qu'il a déclaré lui avoir été remise à l'aéroport d'Orly par un ressortissant allemand, Kacène Y..., domicilié à Cologne, sans qu'ait été souscrite la déclaration de transfert prévue par l'article 464 du Code des douanes ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, d'où il résulte que Mohamed X... a participé en tant qu'auteur principal à l'introduction de devises sans déclaration sur le territoire national, l'arrêt n'encourt pas la censure ;
Qu'en effet, l'obligation de déclarer le transfert vers l'étranger ou en provenance de l'étranger de sommes, titres ou valeurs, à l'exclusion des transferts dont le montant est inférieur à 50 000 francs, prévue par les articles 98- I de la loi de finances du 29 décembre 1989 et 23- I de la loi du 12 juillet 1990, devenus les articles 464 et 465 du Code des douanes, s'impose à toute personne physique, résident ou non résident français ; que les dispositions de ces textes sont compatibles avec les exigences de la directive du Conseil du 24 juin 1988, sur la libre circulation des capitaux, dont l'article 4 autorise les Etats membres à prendre les mesures indispensables pour faire échec à leurs lois et règlements ;
D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
Mais sur le deuxième moyen de cassation, présenté par Mohamed X... et pris de la violation des articles 392, 428-1, 414 du Code des douanes, de l'arrêté ministériel du 18 décembre 1990, pris en application du décret n° 90-1119 du 18 décembre 1990 et de l'article 98 de la loi de finances pour 1990, de l'article 23 de la loi n° 90-614 du 12 juillet 1990, de l'article 60 du Code pénal, de l'article 593 du Code de procédure pénale :
" en ce que l'arrêt déclare Mohamed X... coupable de complicité d'exportation de lingots d'or et le condamne à 1 an de prison avec sursis ainsi qu'au paiement d'une amende de 3 893 000 francs ;
" aux motifs qu'il résulte de l'article 428-1 du Code des douanes et de l'arrêté du 18 décembre 1990 que l'exportation d'or est assujettie à des formalités particulières et que c'est en toute connaissance de cause que le prévenu a accepté de jouer un rôle important d'intermédiaire dans une organisation structurée de trafic d'argent et d'or mise au point par ses proches ;
" alors que les lingots d'or sont expressément visés par l'arrêté du 18 décembre 1990 comme étant des sommes, titres ou valeurs et relevant ainsi, non du régime général institué par l'article 428-1 du Code des douanes, mais du régime particulier de l'article 23 de la loi du 12 juillet 1990 qui sanctionne uniquement le délit instantané de défaut de déclaration des sommes, titres ou valeurs lors de leur passage à la frontière ; que la cour d'appel n'a pas, en conséquence, donné de base légale à sa décision en déclarant Mohamed X... coupable de complicité d'un tel délit sur le fondement de constatations de caractère général qui n'établissent aucun fait positif directement lié à un tel défaut de déclaration " ;
Vu les articles 414 et 428 du Code des douanes ;
Attendu que ces textes ne s'appliquent qu'aux faits d'importation ou d'exportation sans déclaration de marchandises de la catégorie de celles qui sont prohibées ou fortement taxées ;
Attendu que, pour déclarer Mohamed X... coupable de complicité d'exportation sans déclaration de marchandises prohibées sur le fondement des articles 414 et 428 du Code des douanes, la cour d'appel relève que le prévenu a acquis en France, pour le compte de tiers, des lingots d'or qui ont été par la suite transférés en Tunisie sans qu'aucune déclaration ait été effectuée ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors que, l'or n'étant plus une marchandise prohibée, au sens des articles 7 et 38 du Code des douanes, les faits reprochés ne pourraient plus être réprimés que par les articles 464 et 465 du Code des douanes, pour défaut de déclaration de transfert de fonds à destination de l'étranger, sauf au prévenu à rapporter la preuve que la valeur des lingots d'or était inférieure à 50 000 francs lors de chaque transfert, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée des textes susvisés ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Et sur le troisième moyen de cassation, présenté par Mohamed X... et pris de la violation des articles 343 du Code des douanes, 593 du Code de procédure pénale en ce que l'arrêt condamne Mohamed X... à 1 an d'emprisonnement avec sursis :
" aux motifs que " si le prévenu a bien été cité par le service des Douanes, et non par le Parquet, celui-ci est intervenu au procès en tant que partie jointe et a requis l'application de la loi qui prévoit de telles peines d'emprisonnement " ;
" alors qu'en application de l'article 343 précité du Code des douanes, les juges ne peuvent prononcer une peine d'emprisonnement contre un prévenu qui n'a pas été cité devant le tribunal correctionnel à la requête du Parquet et qui n'a pas, de façon expresse, accepté d'être jugé sur l'action publique " ;
Vu l'article 343 du Code des douanes ;
Attendu que l'action pour l'application des peines en matière douanière n'est exercée que par le ministère public ;
Attendu qu'il ressort de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que Mohamed X... a été cité devant le tribunal correctionnel à la seule initiative de l'administration des Douanes en vue de l'application des sanctions fiscales prévues par les articles 464 et 465 du Code des douanes, d'une part, et des articles 414 et 428 dudit Code, d'autre part ;
Que, cependant, statuant sur l'appel du prévenu et accueillant celui du ministère public, la cour d'appel, a condamné Mohamed X... à 1 an d'emprisonnement avec sursis ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors que le ministère public n'avait pas mis en mouvement l'action publique, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée du texte susvisé ;
D'où il suit que la cassation est, de nouveau, encourue ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE, en ses seules dispositions ayant condamné Mohamed X..., pour complicité d'exportation de lingots d'or, à 1 an d'emprisonnement avec sursis et 3 893 000 francs d'amende, l'arrêt susvisé de la cour d'appel d'Amiens du 18 octobre 1996 ;
Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Douai.