AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en ses diverses branches :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 6 avril 1999), que l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat (ANAH) a accordé à M. X..., le 24 avril 1991, une subvention destinée à lui permettre de rénover un immeuble qu'il venait d'acquérir et lui a alloué un acompte de 159 174 francs le 26 mai 1992 ; que la société en nom collectif dont M. X... était l'un des associés a été mise en redressement judiciaire, le 15 mars 1993, puis en liquidation judiciaire le 19 avril 1993, cette procédure étant déclarée commune à M. X... ; que M. Y... a été désigné en qualité de liquidateur ; que, le 10 septembre 1993, le 18 juillet 1994 et le 3 juillet 1995, la délégation locale de l'ANAH a invité M. X... à justifier de l'utilisation des fonds qui lui avaient été versés ;
que, le 19 octobre 1995, la commission locale de crédit de l'ANAH a prononcé le retrait de la subvention et invité M. X... à restituer l'acompte versé ; qu'un état exécutoire a été délivré le 12 avril 1996 à M. X..., puis notifié au liquidateur le 2 avril 1997 ; que le liquidateur a saisi le juge de l'exécution, le 20 juin 1997, pour faire juger que la créance de l'ANAH ne relevait pas des dispositions de l'article 40 de la loi du 25 janvier 1985 ; que le juge de l'exécution s'est déclaré incompétent au profit du juge-commissaire de la procédure collective ; que, par ordonnance du 6 janvier 1998, le juge-commissaire a accueilli la demande du liquidateur et dit que l'ANAH ne pouvait obtenir le paiement de sa créance sur le fondement de l'article 40 de la loi de 1985 ; que le tribunal a confirmé l'ordonnance ;
Attendu que le liquidateur fait grief à l'arrêt d'avoir dit que la créance de restitution d'un acompte sur une subvention accordée par l'ANAH relevait de l'article 40 de la loi du 25 janvier 1985, alors, selon le moyen :
1 / que le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire emporte de plein droit, à partir de sa date, dessaisissement du débiteur de l'administration et de la disposition de ses biens, en sorte que les droits et actions concernant son patrimoine sont exercés pendant toute la durée de la procédure collective par son liquidateur et que tout acte accompli par lui ou contre lui seul est inopposable à la procédure collective ; qu'en ne tirant pas les conséquences légales de ses propres constatations, desquelles il résultait que la résiliation unilatérale du contrat, ayant comporté trois mises en demeure, une décision prononçant le retrait de la subvention puis un état exécutoire, avait été dirigée contre le seul débiteur au lieu de l'avoir été contre son liquidateur, en sorte qu'elle était inopposable à la procédure collective, la cour d'appel a violé l'article 152 de la loi du 25 janvier 1985 ;
2 / que le liquidateur faisait valoir que, dans l'hypothèse où la créance de l'organisme d'aide ne relèverait pas de l'article 37 de la loi du 25 janvier 1985, le juge se devait de vérifier qu'elle était née régulièrement, comme l'exigeait l'article 40 de cette même loi, qu'en l'espèce tel n'était pas le cas puisqu'elle était issue du silence du débiteur dessaisi et que l'organisme d'aide ne pouvait se fonder sur un titre exécutoire inopposable au liquidateur auquel aucune mise en demeure préalable n'avait été adressée ; qu'en délaissant de telles conclusions, déterminantes pour la solution du litige, la cour d'appel a privé sa décision de tout motif en méconnaissance des exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
3 / que toute créance due en vertu d'un contrat naît à la date de la signature de celui-ci, peu important qu'elle ne soit exigible que postérieurement, et ce quelle que soit la nature de l'obligation, qu'elle ait été exécutée ou non, et quelle que soit la qualité du cocontractant ; qu'en décidant que la créance de restitution de l'acompte versé était née à la date à laquelle l'organisme d'aide avait résilié unilatéralement la convention accordant au propriétaire une subvention, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1184 du Code civil ainsi que l'article 40 de la loi du 25 janvier 1985 ;
4 / que si en relevant que la créance de l'organisme d'aide trouvait son fondement dans le droit que la loi reconnaissait à l'Etat de résilier unilatéralement la convention passée avec un particulier en exigeant la restitution immédiate de l'acompte versé, il a entendu ainsi déclaré qu'il aurait existé une disposition légale exorbitante du droit commun qui érigerait en principe que la créance de restitution prendrait naissance à la date de la réclamation de cette restitution, le juge se devait de préciser la teneur de la loi sur laquelle il appuyait la solution retenue ;
qu'en s'en abstenant, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles R. 351-1 et suivants, R. 321-1 et suivants du Code de la construction, ainsi que les articles 1134 et 1184 du Code civil ;
Mais attendu, en premier lieu, que l'arrêt retient que le titre exécutoire dont l'ANAH se prévaut pour demander la restitution de l'acompte sur la subvention reçu par le débiteur en liquidation judiciaire a été signifié au liquidateur, ce dont il résulte que la décision de retrait de la subvention et la demande de restitution sont opposables à la procédure collective ;
Attendu, en second lieu, que l'arrêt retient que la créance trouve son origine dans la décision de retrait de la subvention et de reversement de l'acompte perçu, prise par l'ANAH postérieurement à l'ouverture de la procédure collective pour sanctionner l'absence de respect des conditions d'attribution de l'aide prévues conformément à l'article R. 321-4 du Code de la construction et de l'habitation dans sa rédaction applicable en la cause et dont les effets ne sont pas régis par les dispositions de l'article 37 de la loi du 25 janvier 1985 ; que la cour d'appel a ainsi légalement justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Y..., ès qualités, aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de M. Y..., ès qualités ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du treize mai deux mille trois.