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08/07/2003 | FRANCE | N°00-21591

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 08 juillet 2003, 00-21591


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant tant sur le pourvoi principal formé par la Banque internationale pour le commerce et l'industrie de la Guinée (BICIGUI) que sur le pourvoi incident relevé par la société Grégori international ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, le 1er août 1988, a été signée entre deux sociétés de droit guinéen, la société Guinée fleurs et la société Banque internationale pour le commerce et l'industrie de la Guinée (la société BICIGUI

), une convention-cadre pour le financement de travaux que la société Guinée fleurs devai...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant tant sur le pourvoi principal formé par la Banque internationale pour le commerce et l'industrie de la Guinée (BICIGUI) que sur le pourvoi incident relevé par la société Grégori international ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, le 1er août 1988, a été signée entre deux sociétés de droit guinéen, la société Guinée fleurs et la société Banque internationale pour le commerce et l'industrie de la Guinée (la société BICIGUI), une convention-cadre pour le financement de travaux que la société Guinée fleurs devait réaliser en deux tranches ;

que la société Grégori international, société de droit français, ayant une participation dans le capital de la société Guinée fleurs, s'est engagée en qualité de caution solidaire en faveur de sa filiale, à concurrence de 750 000 francs ; que la liquidation judiciaire de la société Guinée fleurs ayant été prononcée par jugement du 30 mars 1993 du tribunal de première instance de Conakry (Guinée), la société BICIGUI, a, par acte du 13 mai 1992, fait assigner la société Grégori international devant le tribunal de commerce de Toulouse, en paiement de la somme de 750 000 francs au titre de la caution fournie en faveur de la société Guinée fleurs et d'une certaine somme représentant le solde débiteur du compte dont la société Grégori international était titulaire dans ses livres ;

que, par acte du 28 janvier 1994, la société Grégori international a fait assigner la société BICIGUI en réparation du préjudice subi résultant du défaut de mise en place du financement de la seconde tranche de travaux ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident :

Attendu que la société Grégori international fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté son action en responsabilité dirigée contre la société BICIGUI, alors, selon le moyen, que, dans ses conclusions récapitulatives, elle avait fait état du télex du 21 février 1991 par lequel la société BICIGUI reconnaissait que la Caisse centrale de coopération économique (CCCE) avait signé son accord de prêt sur la seconde tranche et que la mise en place effective du prêt de la société BICIGUI était entrée dans une phase administrative, ce dont la société Grégori international déduisait que la société BICIGUI admettait que les conditions suspensives initiales stipulées en août 1990 avaient été remplies et que le prêt devait être délivré ; que dès lors, en décidant qu'il n'était pas justifié de l'accord de la CCCE sur la base des conditions suspensives énoncées en août 1990, sans s'expliquer sur la reconnaissance par la société BICIGUI de l'accord de CCCE dans le télex précité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1147 du Code civil ;

Mais attendu qu'après avoir analysé l'ensemble des courriers et télécopies échangés entre le mois d'août 1990 et le mois de décembre 1991 entre les parties sur le financement des travaux que devait réaliser la société Guinée fleurs et notamment la télécopie citée au moyen, la cour d'appel, qui en a déduit que la société BICIGUI n'avait pas délibérément paralysé la concrétisation du crédit en refusant le déblocage des fonds, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le moyen unique du pourvoi principal, pris en sa seconde branche :

Vu les articles 1er, 14 et 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, les articles 1 et 5 de son protocole additionnel, ensemble l'article 55 de la Constitution du 4 octobre 1958 ;

Attendu qu'il résulte des dispositions de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que des articles 1 et 5 du protocole additionnel à cette Convention que toute personne morale, quelle que soit sa nationalité, a droit au respect de ses biens et à ce que sa cause soit entendue par un tribunal indépendant et impartial ;

Attendu que pour déclarer irrecevable la demande de la société BICIGUI, l'arrêt retient que cette société ne peut ester en justice, faute de satisfaire aux exigences de la loi du 30 mai 1857 qui subordonnent le droit d'agir des sociétés de capitaux étrangères à une autorisation délivrée par décret ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que les dispositions de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du protocole additionnel à cette Convention ont une valeur supérieure à celle de la loi du 30 mai 1857, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la première branche du moyen unique du pourvoi principal :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a déclaré irrecevable la demande de la société BICIGUI, l'arrêt rendu le 6 juillet 2000, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Pau ;

Condamne la société Grégori international aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la société BICIGUI ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du huit juillet deux mille trois.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 00-21591
Date de la décision : 08/07/2003
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

CONVENTION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME - Article 6.1. - Tribunal - Accès - Droit d'agir - Bénéficiaires - Personne morale de nationalité étrangère.

CONVENTION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME - Premier protocole additionnel - Article 1er - Protection de la propriété - Bénéficiaires - Personne morale - Nationalité - Absences d'influence

SOCIETE ETRANGERE - Droit d'ester en justice en France - Exercice - Conditions - Autorisation délivrée par décret - Exclusion

CONVENTION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME - Article 14 - Interdiction de discrimination - Violation - Cas - Discrimination fondée sur l'origine nationale - Caractérisation - Applications diverses - Décision d'irrecevabilité d'une action en justice engagée par une société de capitaux étrangers non autorisée

Viole les articles 1er, 14 et 6.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, les articles 1er et 5 de son protocole additionnel, ensemble l'article 55 de la Constitution du 4 octobre 1958, la cour d'appel qui, pour déclarer irrecevable la demande en justice d'une société retient que celle-ci ne peut ester en justice, faute de satisfaire aux exigences de la loi du 30 mai 1857, qui subordonnent le droit d'agir des sociétés de capitaux étrangères à une autorisation délivrée par décret, alors que toute personne morale, quelle que soit sa nationalité, a droit au respect de ses biens et à ce que sa cause soit entendue par un tribunal indépendant et impartial.


Références :

Constitution du 04 octobre 1958 art. 55
Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales art. 14, 6.1
Protocole additionnel art. 1er, 5

Décision attaquée : Cour d'appel de Toulouse, 06 juillet 2000

A RAPPROCHER : Chambre criminelle, 1990-11-12, Bulletin crim 1990, n° 377, p. 956 ; Chambre civile 1, 1991-06-25, Bulletin 1991, I, n° 207 (1), p. 136 (rejet), et les arrêts cités ; Chambre commerciale, 1994-11-15, Bulletin 1994, IV, n° 335, p. 275 (rejet).


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 08 jui. 2003, pourvoi n°00-21591, Bull. civ. 2003 IV N° 121 p. 139
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2003 IV N° 121 p. 139

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Tricot.
Avocat général : Avocat général : M. Lafortune.
Rapporteur ?: Rapporteur : Mme Betch.
Avocat(s) : Avocats : la SCP Vincent et Ohl, la SCP Delaporte, Briard et Trichet.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2003:00.21591
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