AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu que M. X... a été employé par l'association Acerep, en qualité de formateur, à compter du 25 septembre 1995 et jusqu'au 31 mars 1998, en vertu de contrats à durée déterminée, successivement renouvelés ; que le 1er avril 1998, l'association Acerep a proposé à M. X... un contrat à durée indéterminée, comportant une clause d'association rendue nécessaire par la transformation de cette association en société coopérative ; que M. X... ayant refusé ce contrat, la société Acerep a rompu les relations contractuelles et lui a adressé un certificat de travail et une attestation destinée à l'ASSEDIC ;
que M. X... a saisi la juridiction prud'homale d'une demande tendant à la requalification de son contrat de travail en contrat à durée indéterminée et au paiement d'indemnités, pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Attendu que la société Acerep fait grief à l'arrêt attaqué (Grenoble, 25 juin 2001) d'avoir fait droit à ces demandes, alors, selon le moyen :
1 / que la répétition de missions semblables pendant plusieurs années est autorisée par l'article L. 122-3-10, alinéa 2, du Code du travail dans la mesure où les contrats à durée déterminée sont conclus successivement avec le même salarié au titre du 3 de l'article L. 122-1-1 du même Code ; que cette répétition ne suffit pas à caractériser la nature permanente de l'emploi occupé par un salarié ; qu'en l'espèce, la société Acerep faisait valoir que les contrats proposés M. X... intervenaient dans le cadre d'actions limitées dans le temps, qu'ils étaient fonction de conventions précises et à durée limitée avec l'ANPE, lesquelles conventions concernaient des prestations particulières mises en oeuvre selon le cahier des charges précis déterminé par l'ANPE ; qu'en se bornant, pour requalifier les différents contrats à durée déterminée de M. X... en un seul contrat à durée indéterminée, à des considérations d'ordre général à l'activité de l'employeur qui relève de l'enseignement, sans rechercher, ainsi que le faisait valoir la société Acerep, si la nature spécifique des missions confiées au formateur, lesquelles étaient déterminées par l'ANPE qui en fixait les conditions dans des conventions précises et à durée limitée, ne présentait pas un caractère temporaire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 122-1-1-3 et D. 121-2 du Code du travail ;
2 / qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen des conclusions, la cour d'appel a méconnu l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
3 / que l'activité de l'Acerep dépendant exclusivement des conventions temporaires passées avec l'ANPE, la cour d'appel ne pouvait, sans autrement s'en expliquer, affirmer que le fait, pour celle-ci, d'avoir proposé à M. X... un contrat de formateur à durée indéterminée à l'issue de son dernier contrat à durée déterminée de formateur qui avait pris fin le 31 mars 1998, établissait que l'emploi de ce salarié relevait de l'activité normale et permanente de l'entreprise au sens de l'article 121-1, alinéa 1er, du Code du travail ; que ce motif insuffisant ne justifie pas légalement la solution de l'arrêt attaqué au regard de ce dernier texte ;
4 / que n'est pas responsable de la rupture des relations contractuelles l'employeur qui propose à un salarié, à l'issue de son contrat à durée déterminée, un nouvel engagement à durée indéterminée à des conditions différentes des précédentes ; qu'en l'espèce, la société Acerep avait fait valoir que l'emploi de formateur proposé pour une durée indéterminée à M. X... à l'issue de son dernier contrat à durée déterminée devait s'exercer dans les nouvelles activités qu'elle avait prévu de développer dans le cadre de sa nouvelle structure juridique
-transformation en coopérative-, que tout recrutement dans le cadre de cette structure était subordonné à la condition que le salarié soit aussi sociétaire de la coopérative, et que M. X... avait refusé cette condition ;
qu'en décidant, sans s'expliquer sur ce moyen des conclusions, que la société Acerep était responsable de la rupture des relations contractuelles, la cour d'appel a violé l'article L. 122-1-1 du Code du travail ;
5 / que, lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par mise en société, les contrats de travail en cours au jour de la modification, ne subsistent avec le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise que si ce personnel est d'accord ; qu'en l'espèce, il est constant que l'association Acerep est devenue société coopérative à la fin de 1997, que cette forme juridique lui imposait de ne recruter ses salariés que parmi ses sociétaires et que c'est après cette transformation qu'elle a proposé à M. X..., à l'issue de son contrat à durée déterminée, un contrat à durée indéterminée devant s'exercer, avec la même qualification dans le cadre de ses activités nouvelles à la condition qu'il devienne sociétaire ; qu'il est également constant que M. X... a refusé cette proposition ; qu'en imputant à la société Acerep la responsabilité de la rupture des relations contractuelles sans s'expliquer sur ce moyen des conclusions, la cour d'appel a aussi violé l'article L. 122-12, alinéa 2, du Code du travail ;
Mais attendu qu'il résulte de la combinaison des articles L. 122-1, L. 122-1-1, L. 122-3-10 et D. 121-2 du Code du travail, d'abord, que dans les secteurs d'activités définis par décret ou par voie de convention ou d'accord collectif étendu, certains des emplois en relevant peuvent être pourvus par des contrats de travail à durée déterminée lorsqu'il est d'usage constant de ne pas recourir à un contrat à durée indéterminée, en raison du caractère par nature temporaire de ces emplois, ensuite, que des contrats à durée déterminée successifs peuvent être conclus avec le même salarié, enfin, que l'office du juge saisi d'une demande de requalification d'un contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, est seulement de rechercher, par une appréciation souveraine, si, pour l'emploi concerné, et sauf si une convention collective prévoit en ce cas le recours au contrat à durée indéterminée, il est effectivement d'usage constant de ne pas recourir à un tel contrat ; que l'existence de l' usage doit être vérifiée au niveau du secteur d'activité défini par l'article D. 121-2 du Code du travail ou par une convention ou un accord collectif étendu ;
Et attendu qu'il ressort des énonciations de l'arrêt que l'emploi occupé par M. X... n'était pas de ceux pour lesquels il est d'usage constant de ne pas recourir à un contrat à durée indéterminée dans ce secteur d'activité ;
Que le moyen ne peut être accueilli ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Acerep aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société Acerep à payer à M. X... la somme de 2 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six novembre deux mille trois.