AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le deux septembre deux mille quatre, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire CARON, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN et de Me FOUSSARD, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DAVENAS ;
Statuant sur les pourvois formés par :
- X... Joël,
- Y... Jean-Pierre,
contre l'arrêt de la cour d'appel de GRENOBLE, chambre correctionnelle, en date du 5 mars 2004, qui, dans la procédure suivie contre eux pour fraude fiscale et complicité, après infirmation du jugement du tribunal correctionnel ayant renvoyé le ministère public à mieux se pourvoir, a renvoyé la cause et les parties devant les premiers juges ;
Vu l'ordonnance du président de la chambre criminelle, en date du 7 juillet 2004, joignant les pourvois en raison de la connexité et prescrivant leur examen immédiat ;
I - Sur le pourvoi formé par Jean-Pierre Y... :
Attendu qu'aucun moyen n'est produit ;
II - Sur le pourvoi formé par Joël X... :
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 385, 507, 508, 592 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré recevable l'appel du Procureur général ;
"aux motifs que les premiers juges ont, sans l'annuler, considéré que, par l'ordonnance de renvoi saisissant le tribunal, le juge d'instruction n'avait pas vidé sa saisine en ce qu'il n'avait pas statué sur la mise en examen initiale ; que, sur ce seul fondement, ils ont renvoyé le ministère public à mieux se pourvoir ; qu'en exécution du jugement critiqué le procureur de la République ne dispose d'aucune voie de droit pour continuer les poursuites ou rectifier l'erreur de droit désignée ; qu'en effet, la saisine du juge d'instruction ne peut être légalement envisagée hors les cas prévus par l'article 385 du Code de procédure pénale dont les dispositions sont inapplicables à la présente espèce ; qu'ainsi, le procureur de la République ne peut, en l'état de la procédure consécutive audit jugement, suivre une autre voie procédurale que celle qu'il avait initialement choisie ; qu'il ne peut donc répondre à l'injonction du tribunal de mieux se pourvoir ; que, dès lors, le jugement querellé s'analyse en un jugement qui met fin à la procédure au sens de l'article 507 du Code de procédure pénale ;
"alors, d'une part, qu'aux termes de l'article 507 du Code de procédure pénale, lorsque le tribunal statue par un jugement distinct du jugement sur le fond, l'appel n'est immédiatement recevable que si ce jugement met fin à la procédure ;
que, dans le cas contraire, la partie appelante doit déposer au greffe, dans les délais d'appel, une requête adressée au président de la chambre des appels correctionnels et tendant à faire déclarer l'appel immédiatement recevable ; que ces dispositions impératives s'appliquent au ministère public comme aux autres parties et sont d'ordre public ; qu'en l'espèce, si le jugement entrepris qui, après avoir constaté l'irrégularité de l'ordonnance de renvoi qui saisissait le tribunal, a renvoyé le ministère public à mieux se pourvoir, a dessaisi la juridiction qui l'a rendu, il n'a pas mis fin à la procédure toujours en cours par l'effet des réquisitoires introductif, supplétif et de l'ordonnance de renvoi ; qu'en admettant néanmoins la recevabilité de l'appel du parquet qui n'avait pas été précédé d'une requête adressée au président de la chambre des appels correctionnels, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et excédé ses pouvoirs ;
"alors, d'autre part, que, selon l'article 385, alinéa 2, du Code de procédure pénale, lorsque l'ordonnance de renvoi n'a pas été rendue conformément aux dispositions de l'article 184, le tribunal renvoie la procédure au ministère public pour lui permettre de saisir à nouveau la juridiction d'instruction afin que la procédure soit régularisée ; que tel était le cas en l'espèce de l'ordonnance de renvoi qui ne comportait aucun motif sur les faits objet de la première mise en examen ; qu'en déclarant ces dispositions inapplicables, l'arrêt attaqué a violé l'article susvisé" ;
Et sur le moyen relevé d'office, en ce qui concerne Jean-Pierre Y..., pris de la violation de l'article 507 du Code de procédure pénale ;
Les moyens étant réunis ;
Vu l'article 507 du Code de procédure pénale ;
Attendu qu'aux termes de cet article, lorsque le tribunal statue par un jugement distinct du jugement sur le fond, l'appel est immédiatement recevable si ce jugement met fin à la procédure ; que, dans le cas contraire, la partie appelante peut déposer au greffe, avant l'expiration des délais d'appel, une requête adressée au président de la chambre des appels correctionnels et tendant à faire déclarer l'appel immédiatement recevable ; que ces dispositions d'ordre public s'appliquent au ministère public comme à toute autre partie ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que le tribunal correctionnel, saisi par l'ordonnance de renvoi des poursuites exercées notamment contre Joël X... et Jean-Pierre Y..., a constaté une omission par le juge d'instruction de statuer sur certains faits et a renvoyé le ministère public à se pourvoir ainsi qu'il lui appartiendrait ; que, sur l'appel du ministère public, l'arrêt attaqué infirme la décision du tribunal correctionnel et renvoie la cause et les parties devant les premiers juges ;
Mais attendu qu'en recevant immédiatement cet appel, alors que le jugement entrepris, s'il renvoyait la procédure au ministère public pour lui permettre de saisir le juge d'instruction de toutes réquisitions appropriées visant les faits sur lesquels il n'avait pas été statué dans l'ordonnance de règlement, ne mettait pas fin à la procédure, toujours en cours par l'effet de la régularité du réquisitoire introductif, et alors qu'aucune requête tendant à l'examen immédiat de l'appel n'avait été adressée au président de la chambre des appels correctionnels, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé ;
D'où il suit que la cassation est encourue ; que la juridiction d'appel n'ayant pas été régulièrement saisie, il n'y a pas lieu à renvoi ;
Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre moyen de cassation proposé pour Joël X... ;
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt de la cour d'appel de Grenoble en date du 5 mars 2004 ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Grenoble, sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Cotte président, Mme Caron conseiller rapporteur, MM. Le Gall, Pelletier, Mme Ponroy, MM. Arnould, Corneloup conseillers de la chambre, MM. Sassoust, Lemoine conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Davenas ;
Greffier de chambre : Mme Daudé ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;