AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu que, selon l'arrêt attaqué (Paris, 25 septembre 2002), le Groupement des ASSEDIC de la région parisienne (GARP) a fait citer la société France Télécom devant le tribunal de grande instance de Paris, d'une part, pour avoir paiement d'une provision à valoir sur le montant des cotisations, échues depuis le 1er janvier 1997, au régime d'assurance des salariés contre le risque de non-paiement, en cas de procédure de redressement ou de liquidation judiciaire, des sommes qui leur sont dues en exécution du contrat de travail et, d'autre part, pour l'entendre condamner à lui fournir sous astreinte et avec exécution provisoire la déclaration des salaires versés depuis le 1er janvier 1997 à ses salariés sous contrat de droit privé ; que l'assurance de garantie des salaires (AGS) est intervenue volontairement à l'instance ;
Attendu que la société France Télécom fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à fournir au GARP les déclarations des salaires versés depuis le 1er janvier 1997 à ses salariés sous contrat de droit privé, alors, selon le moyen, qu'une personne morale de droit privé, soumise à une législation particulière inconciliable avec le droit commun des procédures collectives, n'est pas soumise à l'obligation d'assurance prévue à l'article L. 143-11-1 du Code du travail ; qu'il résulte de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990, modifiée par la loi n° 96-660 du 26 juillet 1996, et de la décision n° 96-380 DC du 23 juillet 1996 du Conseil constitutionnel, que France Télécom est une entreprise nationale chargée d'un service public national au sens du 9e alinéa du Préambule de la Constitution de 1946, et doit en conséquence rester sous le contrôle permanent de l'Etat ; que l'abandon de la participation majoritaire de l'Etat dans le capital de l'entreprise ne pourrait résulter que d'une loi ; qu'au demeurant France Télécom est soumise à la loi n° 83-675 du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du "service" public ; qu'en particulier le président du conseil d'administration est nommé et révoqué par décret ; qu'en raison de ces dispositions spéciales, France Télécom ne peut, en l'état actuel du droit, être soumise au droit commun des procédures collectives, prévoyant notamment le dessaisissement du débiteur, l'immixtion de mandataires judiciaires dans la gestion de l'entreprise, l'éviction des dirigeants ou encore la cession de l'entreprise à des personnes privées ; qu'en affirmant au contraire qu'aucune disposition de la loi du 26 juillet 1996 n'excluait l'application de la loi du 25 janvier 1985 relative au redressement et à la liquidation judiciaires, dont aucune ne lui serait contraire (devenu le titre II du Code de commerce), pour en déduire que France Télécom serait assujetti à l'obligation de garantie prévue à l'article L. 143-11-1 du Code du travail, la cour d'appel a violé les articles 1-1 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990, 5 à 13, 14 à 20 et 37, dernier alinéa, de la loi n° 83-675 du 26 juillet 1983, l'article 2 de la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985 (devenu l'article L. 620-2 du Code de commerce), ensemble l'article L. 143-11-1 du Code du travail ;
Mais attendu, d'abord, d'une part, qu'en vertu de l'article 1-1 ajouté à la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 par la loi n° 96-660 du 26 juillet 1996 la personne morale de droit public France Télécom a été transformée, à compter du 31 décembre 1996, en une entreprise nationale dénommée France Télécom, dont l'Etat détient directement plus de la moitié du capital social et qui est soumise aux dispositions de la loi du 2 juillet 1990, complétée et modifiée par celle du 26 juillet 1996, en tant que celle-ci concerne l'exploitant public France Télécom et, dans la mesure où elles ne sont pas contraires à ladite loi, aux dispositions législatives applicables aux sociétés anonymes ; d'autre part, que l'article 1er des statuts de France Télécom approuvés par le décret n° 96-1174 du 27 décembre 1996 dispose que l'entreprise nationale est une société anonyme soumise à la législation sur les sociétés anonymes sous réserve des lois spécifiques la régissant, notamment la loi n° 83-675 du 23 juillet 1983 et la loi du 2 juillet 1990, modifiée par la loi du 26 juillet 1996, et auxdits statuts ;
Attendu, ensuite, qu'aux termes de l'alinéa 1er de l'article L. 143-11-1 du Code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, tout employeur ayant la qualité de commerçant, d'artisan, d'agriculteur ou de personne morale de droit privé et occupant un ou plusieurs salariés doit assurer ses salariés, y compris les travailleurs salariés détachés à l'étranger ainsi que les travailleurs salariés expatriés visés à l'article L. 351-4, contre le risque de non-paiement, en cas de procédure de redressement ou de liquidation judiciaire, des sommes qui leur sont dues en exécution du contrat de travail ; que ces dispositions ne sont pas contraires aux lois spécifiques régissant l'entreprise France Télécom à laquelle sa soumission aux lois sur les sociétés anonymes confère la qualité de personne morale de droit privé ;
Et attendu, enfin, que la cour d'appel, qui, abstraction faite des motifs critiqués par le moyen et qui sont surabondants, a relevé qu'en vertu de l'article 29-1 ajouté à la loi du 2 juillet 1990 par la loi du 26 juillet 1996 la société France Télécom employait librement depuis le 1er janvier 1997 des agents contractuels sous le régime des conventions collectives, a exactement décidé, peu important l'origine de son capital et le service public national qui entre dans son objet en vertu de la loi, qu'elle devait fournir au GARP les déclarations des salaires versés depuis cette date à ses salariés soumis à un régime de droit privé ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société France Télécom aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande du GARP et de l'AGS ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du sept septembre deux mille quatre.