AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le douze octobre deux mille quatre, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire MENOTTI, les observations de Me COSSA, de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DI GUARDIA ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Gilles, partie civile,
contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 11ème chambre, en date du 8 octobre 2003 qui, dans la procédure suivie contre Jérôme Y... du chef de diffamation non publique envers un particulier, a constaté l'extinction de l'action publique par l'amnistie, et a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 122-4 et R. 621-1 du Code pénal, 29, alinéa 1er, de la loi du 29 juillet 1881, L. 122-14-2 du Code du travail, 2, 591 et 593 du Code de procédure pénale, 1382 du Code civil, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué, après avoir constaté l'extinction de l'action publique par l'effet de l'amnistie, a dit que Jérôme Y... n'avait pas commis de faute sur la base de l'article R. 621-1 du Code pénal et, en conséquence, a débouté Gilles X... de sa demande de dommages-intérêts ;
"aux motifs que, s'il convient de constater l'extinction de l'action publique par l'effet de l'amnistie, il reste à rechercher si Jérôme Y... a commis sur la base des faits ayant donné lieu aux poursuites une faute engageant sa responsabilité civile ; que la discussion sur le caractère confidentiel de la lettre incriminée est sans intérêt en l'espèce puisque cette lettre, contenant des imputations dont il n'est pas contesté qu'elles portent atteinte à l'honneur et à la considération de Gilles X... lui a été personnellement adressée de sorte que son contenu est susceptible de caractériser la contravention visée à l'article R. 621-1 du Code pénal ; qu'il ressort de l'article L.122-14-2 du Code du travail que "l'employeur est tenu d'énoncer le ou les motifs du licenciement dans la lettre de licenciement" ; qu'en l'espèce, alors que les imputations incriminées par Gilles X... constituent les motifs du licenciement décidé par l'employeur (sans que soient développés contrairement à ce que prétend l'intimé d'autres griefs que celui invoqué comme motif du licenciement, ou des circonstances superflues pour l'énonciation de ce motif), Jérôme Y... se prévaut à bon droit du fait justificatif prévu à l'article 122-4 du Code pénal selon lequel "n'est pas pénalement responsable la personne qui accomplit un acte prescrit ou autorisé par les dispositions législatives ou réglementaires" ; que Jérôme Y... n'ayant pas ainsi commis de faute sur la base du texte fondant les poursuites, les demandes formées contre lui et la société L'Oréal doivent être rejetées, par réformation du jugement ;
"alors que le fait justificatif prévu par l'article 122-4 du Code pénal s'entend de la prescription légale dont l'accomplissement oblige à commettre l'infraction ; que, dès lors, l'obligation faite à l'employeur par l'article L. 122-14-2 du Code du travail d'énoncer les motifs du licenciement dans la lettre de licenciement ne constitue pas un fait justificatif de la diffamation non publique réprimée par l'article R. 621-1 du Code pénal, résultant de la formulation dans cette lettre de faits diffamatoires auxquels seul l'établissement de leur vérité, dont la possibilité est prévue par ce texte, est de nature à ôter leur caractère d'infraction ; qu'il s'ensuit qu'en statuant comme elle l'a fait après avoir constaté que la lettre de licenciement contenait des imputations diffamatoires, dont le prévenu n'avait d'ailleurs jamais cherché à établir la vérité dans les formes prescrites par la loi, la cour d'appel a violé les textes susvisés" ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que Gilles X... a fait citer devant le tribunal de police Jérôme Y..., directeur des ressources humaines de la société L'Oréal, ainsi que cette dernière, civilement responsable, pour diffamation non publique envers un particulier en raison des termes d'une lettre de licenciement lui imputant des faits de harcèlement sexuel ;
Attendu que, pour infirmer le jugement ayant déclaré le prévenu coupable, constater l'extinction de l'action publique par l'amnistie, dire que la diffamation n'était pas caractérisée et débouter la partie civile de ses demandes, l'arrêt retient que l'article L. 122-14-2 du Code du travail fait obligation à l'employeur d'énoncer le ou les motifs du licenciement dans la lettre prévue à l'article L. 122-14-1 dudit Code ; que les juges ajoutent que les imputations incriminées par Gilles X... "constituent les motifs du licenciement décidé par l'employeur sans que soient développés d'autres griefs ou des circonstances superflues" ; qu'ils en déduisent que le prévenu se prévaut à bon droit du fait justificatif prévu par l'article 122-4 du Code pénal ;
Attendu qu'en prononçant ainsi, la cour d'appel a fait l'exacte application du texte précité ;
D'où il suit que le moyen ne peut qu'être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Cotte président, Mme Ménotti conseiller rapporteur, M. Joly, Mmes Chanet, Anzani, MM. Beyer, Pometan, Mmes Palisse, Guirimand conseillers de la chambre, M. Valat, Mme Degorce conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Di Guardia ;
Greffier de chambre : Mme Randouin ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;