AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué (Versailles, 8 novembre 2002), que M. et Mme X... se sont portés cautions solidaires de M. et Mme Y... pour l'exécution d'un contrat de fourniture que ces derniers avaient conclu avec la société Brasserie de Saint-Omer en vue de l'exploitation d'un fonds de commerce, et qui stipulait notamment l'engagement de caution de ce fournisseur dans le cadre d'un prêt ; que les exploitants ayant cédé leur fonds, et l'acquéreur n'ayant pas repris ce contrat, le fournisseur a actionné les cautions en paiement d'une indemnité contractuelle de rupture ;
Attendu que la société Brasserie de Saint-Omer fait grief à l'arrêt d'avoir annulé le contrat d'approvisionnement exclusif pour défaut de cause, alors, selon le moyen :
1 / qu'il incombe à la partie qui, à la faveur d'une exception de nullité, prétend que son obligation est dépourvue de cause, faute de contrepartie réelle et sérieuse, d'établir le caractère dérisoire de la contre-prestation ; qu'en déduisant la nullité de la convention litigieuse de ce que la société Brasserie de Saint-Omer ne rapportait pas la preuve que son engagement de caution était une condition nécessaire à l'obtention du prêt, ni du risque financier qu'elle avait pris en se portant caution, la cour d'appel a statué au prix d'une inversion de la charge de la preuve, et donc en violation de l'article 1315 du Code civil ;
2 / qu'à le supposer avéré, le caractère disproportionné de la clause pénale assortissant le contrat d'approvisionnement exclusif justifiait seulement la réduction judiciaire du quantum des pénalités, mais non point l'annulation, pour défaut de contrepartie réelle et sérieuse, de l'engagement lui-même ; qu'en statuant comme ils ont fait, les juges du fond ont violé les articles 1108, 1131 et 1152 du Code civil ;
3 / que l'existence de la cause d'une obligation s'apprécie à la date où elle est souscrite ; qu'il s'ensuit que les juges du fond ne pouvaient fonder leur décision sur la circonstance, relative à l'exécution de la convention, que le cautionnement donné par la Brasserie de Saint-Omer n'avait pas eu à être mis en oeuvre, en l'absence de défaillance du débiteur principal ; qu'à cet égard, les juges du fond ont de nouveau violé l'article 1131 du Code civil ;
Mais attendu qu'ayant relevé que l'engagement consistait à s'approvisionner exclusivement auprès de la Brasserie de Saint-Omer et avait pour contrepartie l'engagement de caution simple de cette dernière à concurrence de 20% du prêt consenti aux distributeurs, que la Brasserie était elle-même garantie par M. et Mme X..., qui s'étaient portés cautions, et qu'elle ne démontrait pas avoir pris un risque réel, la cour d'appel, qui a ainsi apprécié les contreparties au jour de la formation du contrat, a souverainement estimé, abstraction faite du motif surabondant critiqué par la première branche du moyen, que l'engagement pris par le brasseur était dérisoire, et en a justement déduit que le contrat litigieux était nul pour absence de cause ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Brasserie de Saint-Omer aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, la condamne à payer aux époux X... la somme de 2 000 euros, et rejette sa demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du huit février deux mille cinq.