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15/03/2005 | FRANCE | N°04-84831

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 15 mars 2005, 04-84831


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le quinze mars deux mille cinq, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller GUIRIMAND, les observations de Me BOUTHORS, et de Me COPPER-ROYER, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général FINIELZ ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Evelyne,

contre l'arrêt de la cour d'appel de LYON, 7ème chambre, en date du 24 juin 2004, qui, dans la procédure suivie contre elle du chef d'injure pu

blique envers un fonctionnaire public, a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu les m...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le quinze mars deux mille cinq, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller GUIRIMAND, les observations de Me BOUTHORS, et de Me COPPER-ROYER, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général FINIELZ ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Evelyne,

contre l'arrêt de la cour d'appel de LYON, 7ème chambre, en date du 24 juin 2004, qui, dans la procédure suivie contre elle du chef d'injure publique envers un fonctionnaire public, a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 6 et 10 de la Convention européenne des droits de l'homme, 29, 30, 31, 32 et 33 de la loi du 29 juillet 1881, 2, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a constaté que les faits imputés à Evelyne X... étaient constitutifs du délit d'injure publique commise envers un fonctionnaire public et a déclaré cette dernière responsable du préjudice qui en était résulté pour Jean-Claude Y... et l'a condamnée à payer à celui-ci, en réparation de ce préjudice, la somme de 3000 euros à titre de dommages-intérêts ainsi qu'une somme de 2500 euros sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale ;

"aux motifs que "les abus de la liberté d'expression prévus et réprimés par la loi du 29 juillet 1881 ne peuvent être réparés sur le fondement de l'article 1382 du Code civil ; que le visa erroné de cet article 1382 du Code civil dans les conclusions d'appel de Jean-Claude Y... est sans incidence sur la recevabilité de son action civile dès lors que celle-ci est liée à l'action publique mise en mouvement par la citation directe qu'il a fait délivrer et qui a fixé définitivement et irrévocablement la nature et l'étendue de la poursuite quant aux faits et à leur qualification ; que cette action civile est fondée sur les articles 29, alinéa 2, 31 et 33 de la loi du 29 juillet 1881 et sur l'article 2 du Code de procédure pénale ; que, tenue de trancher le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables, la Cour doit faire application de ces seuls textes ;

qu'aux termes du second alinéa de l'article 29 de la loi du 29 juillet de 1881 sur la liberté de la presse toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l'imputation d'aucun fait est une injure ; que, pour apprécier la qualification qui dit être donnée aux propos incriminés, il convient de tenir compte non seulement de ces propos eux-mêmes et des circonstances, relevées dans la citation, dans lesquelles ils ont été tenus mais aussi des éléments extrinsèques de nature à leur donner leur véritable sens et susceptibles de caractériser l'infraction poursuivie, à condition toutefois que ces éléments aient été invoqués et qu'ils aient fait l'objet d'un débat contradictoire ; que les propos reprochés à Evelyne X... ne renferment pas d'allégation ou d'imputation se présentant sous la forme d'une articulation précise de faits de nature à être, sans difficulté, l'objet d'une preuve et d'un débat contradictoire ; qu'en effet, en déclarant à Jean-Claude Y..., dans les circonstances ci-dessus rappelées, qu'il était "la honte de la communauté, Evelyne X... a entendu lui signifier que, parce qu'il travaille au sein de l'université Jean Moulin-Lyon III, il était indigne d'appartenir à la communauté juive ou à tout le moins qu'il jetait l'opprobre sur celle-ci et la déconsidérait ; qu'en tenant ces propos, qui induisent que le personnel de ladite université soit est antisémite, révisionniste ou négationniste soit cautionne les adeptes de ces idéologies condamnables et qui impliquent que tout membre de la communauté juive devrait s'abstenir d'enseigner dans cet établissement, la prévenue impute à Jean-Claude Y... non pas un fait précis, mais un état d'esprit, une attitude à l'égard de ces courants de pensées, par le reproche qu'elle lui adresse de ne pas s'en démarquer en continuant à exercer ses fonctions dans cette université ; que ces propos, qui reviennent en définitive à dénier à la partie civile toute capacité à avoir une opinion et un jugement personnels face à ces positions idéologiques, ont pour but et pour effet de déconsidérer la personne à qui ils sont adressés et présentent un caractère injurieux ; que l'article 33 de la loi du 29 juillet 1881 n'incrimine spécifiquement les injures dirigées contre les personnes revêtues des qualités énoncées par l'article 31 de cette même loi que lorsque les dites injures caractérisent des actes se rattachant à la fonction qu'exercent ces personnes ou à leur qualité ;

que l'expression injurieuse proférée par Evelyne X... vise Jean-claude Y... à raison de son appartenance aux corps des enseignants de l'université Jean Moulin-Lyon III, puisque c'est l'exercice même de cette fonction publique d'enseignement au sein de cet établissement qui lui vaudrait, selon la prévenue, d'être le déshonneur de la communauté juive ; que la partie civile a bien été injuriée en tant que représentant de l'Administration ; que la condition de publicité requise pour que soit constituée l'infraction est caractérisée en l'espèce, puisque les propos incriminés ont été proférés sur une voie publique, en présence, aux dires de la prévenue elle-même, d'une "foule de manifestants" ; que l'élément intentionnel résulte des termes de mépris utilisés qui portent, en eux-mêmes, la volonté de dénigrer et de blesser ; que l'article 33 de la loi du 29 juillet 1881 ne prévoit l'excuse de provocation que pour les injures commises envers les particuliers ; que tel n'est pas le cas de l'injure poursuivie à l'encontre d'Evelyne X... et qui est dirigés contre un fonctionnaire public ; qu'il résulte de l'ensemble de ces considérations que l'infraction pénale d'injure publique commise envers un fonctionnaire public qui a été imputée à Evelyne X... est bien constituée en tous ses éléments à l'encontre de celle-ci ; que cette infraction résulte directement pour Jean-Claude Y..., blessé dans son honneur, atteint dans la dignité et la respectabilité de sa fonction, un préjudice personnel dont Evelyne X... doit être déclarée responsable et qu'elle sera tenue de réparer ; qu'eu égard à l'offense dont la partie civile a été victime, une indemnité de 3000 euros réparera intégralement le dommage dont elle a souffert ;"

1)"alors que, d'une part, l'imputation d'une prise de position "honteuse" dans un contexte polémique lié au développement du négationnisme au sein d'une université est légitime et relève de la protection inconditionnée de l'article 10 de la Convention européenne dont la Cour de Lyon a méconnu le sens et la portée ;

2) "alors que, d'autre part, le propos litigieux n'ayant pas interpellé le requérant en sa qualité de fonctionnaire, la Cour n'a pu légalement reconnaître l'existence d'une injure publique envers fonctionnaire ;

3) alors, en tout état de cause, que l'injure est excusée par la provocation ; qu'en ne s'expliquant pas autrement sur le sens et la portée de la provocation initiale du plaignant, la Cour a derechef privé sa décision de toute base légale" ;

Attendu que, pour retenir à la charge d'Evelyne X... des faits constitutifs du délit d'injure publique envers un fonctionnaire public et allouer des dommages-intérêts à la partie civile sur ce fondement, l'arrêt attaqué prononce par les motifs repris au moyen ;

Attendu qu'en cet état, les griefs allégués ne sont pas encourus dès lors que la cour d'appel, sans méconnaître les dispositions conventionnelles invoquées qui permettent de limiter la liberté d'expression pour la protection de la réputation ou des droits d'autrui, a exactement apprécié le sens et la portée des propos incriminés, constitutifs d'une expression outrageante se rattachant directement à la fonction ou à la qualité de la personne visée, au sens de l'article 33, alinéa 1er, de la loi du 29 juillet 1881, et écarté à bon droit l'excuse de provocation applicable, selon l'alinéa 2 de ce texte, au seul délit d'injure envers particulier ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

FIXE à 2 500 euros la somme qu'Evelyne X... devra payer à Jean-Claude Y... au titre de l'article 618-1 du Code de procédure pénale ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, Mme Guirimand conseiller rapporteur, M. Joly conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Randouin ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 04-84831
Date de la décision : 15/03/2005
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

PRESSE - Injures - Provocation - Excuse - Domaine d'application.

EXCUSES - Excuse de provocation - Application - Presse - Injures publiques - Injure publique envers un fonctionnaire public (non)

L'excuse de provocation n'est admise par l'article 33 de la loi du 29 juillet 1881 que pour les injures envers les particuliers.


Références :

Loi du 29 juillet 1881 art. 33 al. 1, 2

Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon, 24 juin 2004

Dans le même sens que : Chambre criminelle, 1896-06-12, Bulletin criminel 1896, n° 189 (1), p. 300 (rejet).


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 15 mar. 2005, pourvoi n°04-84831, Bull. crim. criminel 2005 N° 89 p. 318
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2005 N° 89 p. 318

Composition du Tribunal
Président : M. Cotte
Avocat général : M. Finielz.
Rapporteur ?: Mme Guirimand.
Avocat(s) : Me Bouthors, Me Copper-Royer.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2005:04.84831
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