AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'ordonnance attaquée (premier président de la cour d'appel d'Amiens, 26 juin 2002), rendue en matière de contestations d'honoraires d'avocat, que le 3 mars 1993 le Crédit immobilier a assigné M. X... afin de le voir condamner au paiement d'une somme de 40 millions de francs à titre de dommages-intérêts ; que l'affaire a été plaidée le 6 juin 1996 par M. Y..., avocat de M. X... ; que le 21 novembre 1996 M. X... a été mis en redressement judiciaire, converti le 25 septembre 1997 en liquidation judiciaire, M. Z... étant nommé liquidateur ; qu'un jugement du 6 mars 1997 ayant prononcé la nullité de l'assignation du Crédit immobilier, M. Y... a, au terme de cette procédure, fixé le montant de ses honoraires, pour les diligences accomplies entre 1993 et 1997, à la somme de 160 000 francs et a réclamé à son client, à titre de solde d'honoraires, la somme de 147 132 francs ; que M. X... ayant refusé de régler cette dernière somme, M. Y... a saisi le 18 juin 1997 le bâtonnier de l'ordre des avocats d'une demande de fixation de ses honoraires ; que l'ordonnance de taxe du bâtonnier du 18 décembre 1997, ayant fixé à 147 132 francs les honoraires restant dus à M. Y..., a été annulée par une ordonnance du premier président de la cour d'appel de Douai du 12 janvier 1999 ; qu'un arrêt de la première chambre civile de la Cour de Cassation du 9 mai 2001 (pourvoi n° F 99-12.752) a cassé cette décision au motif que le premier président, tout en déclarant recevable l'intervention du liquidateur, s'était borné à annuler la décision du bâtonnier sans statuer sur le fond du litige ; que par ordonnance du 26 juin 2002 le premier président de la cour d'appel d'Amiens a confirmé l'ordonnance de taxe du 18 décembre 1997 ;
Attendu que le liquidateur de M. X... et ce dernier font grief à l'arrêt d'avoir ainsi statué, alors, selon le moyen :
1 / que le prononcé de la liquidation judiciaire est une cause d'interruption de l'instance devant toute juridiction, sauf lorsqu'il survient après l'ouverture des débats ; que la procédure de taxation des honoraires d'avocat devant le bâtonnier est une procédure sans débats, faute d'audience ; qu'en l'espèce, les débats n'ont été ouverts que devant le premier président de la cour d'appel, soit bien postérieurement au jugement d'ouverture de la procédure collective ; qu'en se fondant dès lors sur la date de la saisine du bâtonnier, inopérante pour écarter l'effet interruptif du jugement d'ouverture de la procédure collective antérieur à l'ouverture des débats devant lui, le premier président de la cour d'appel a violé la règle de la suspension des poursuites individuelles, et les articles 369, 371 et 372 du nouveau Code de procédure civile, ensemble l'article L. 621-41 du Code de commerce ;
2 / que la décision du bâtonnier fixant le montant des honoraires dus par le client à son avocat est susceptible de recours devant le premier président de la cour d'appel ; que par l'effet du jugement d'ouverture du redressement judiciaire du débiteur, les instances sont suspendues jusqu'à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de sa créance ; qu'en conséquence, le premier président saisi du recours contre une décision d'un bâtonnier ayant fixé le montant des honoraires dus par un client à son avocat postérieurement au jugement prononçant l'ouverture d'une procédure collective du client, doit constater l'interruption de l'instance jusqu'à ce que l'avocat créancier ait procédé à la déclaration de sa créance ; qu'en écartant dès lors la règle susvisée pour confirmer la décision portant fixation du montant des honoraires dus par le débiteur, l'ordonnance attaquée a méconnu les dispositions de l'article L. 621-41 du Code de commerce ;
Mais attendu que les contestations concernant le montant et le recouvrement des honoraires des avocats ne peuvent être réglées qu'en recourant à la procédure prévue aux articles 175 et suivants du décret du 27 novembre 1991, dont l'objet n'est pas de déterminer le débiteur de ces honoraires ; que c'est donc à bon droit que le premier président de la cour d'appel, qui n'avait pas à se prononcer sur la date du fait générateur de la créance ni à prendre en compte la suspension des poursuites individuelles contre M. X..., a statué sur les contestations émises par celui-ci en ce qui concerne le montant des honoraires de son avocat ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... et la société Bernard et Nicolas Soine ès qualité aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de M. Y... ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre janvier deux mille six.