LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 29 septembre 2005), que M. X... est propriétaire de deux brevets relatifs à un dispositif de fermeture automatique du plateau d'un hayon élévateur plus spécialement destiné aux véhicules pour handicapés physiques, l'un français déposé le 11 mars 1983 et donné en licence exclusive d'exploitation le 15 janvier 1984 à la société Etablissements X... (les Etablissements), l'autre européen déposé sous priorité du premier le 9 mars 1984 ; qu'il a poursuivi la société Pimas orthopédie (la société Pimas) pour avoir commercialisé un hayon élévateur pour handicapés fabriqué par la société The Braun corporation (la société Braun), reproduisant les caractérisiques de son invention ; que cette société a conclu à la nullité des revendications n° 1 des deux brevets ;
Sur le premier moyen :
Attendu que M. X... et les établissements font grief de les avoir déboutés de leur action en contrefaçon de brevet, alors, selon le moyen :
1°/ que l'administration de la justice doit se faire en langue française ; qu'il s'ensuit qu'un document ne peut être admis à titre de preuve que s'il est rédigé en langue française ou si sa production est accompagnée d'une traduction en français ; qu'en vertu du principe suivant lequel nul ne peut se constituer une preuve à lui-même, ensemble du principe de l'égalité des armes, une telle traduction ne saurait être l'oeuvre de la partie même qui l'invoque ou d'une personne non identifiée et dont les compétences et l'impartialité demeurent incertaines ; que la traduction qui accompagne la pièce rédigée dans une langue étrangère doit donc obligatoirement émaner d'un traducteur assermenté ou inscrit sur une liste officielle; qu'en estimant pourtant qu'elle était en droit de se fonder, pour rejeter l'action en contrefaçon, sur un brevet japonais antérieur, portant le n° 51 122217, qui n'était accompagné que d'une traduction officieuse, dont l'auteur n'était pas même identifié, et qui, en tout cas, n'était pas l'oeuvre d'un traducteur officiel ou assermenté, la cour d'appel viole l'article 111 de l'ordonnance d'août 1539, dite ordonnance de Villers-Cotterêts, l'article 1315 du code civil et l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
2°/ que l'étendue de la protection conférée par le brevet est déterminée par la teneur des revendications ; que l'invention doit être exposée dans la demande de brevet de façon suffisamment claire et complète pour qu'un homme du métier puisse l'exécuter ; que le degré de précision ainsi exigé s'oppose à ce que puisse être opposée au titulaire du brevet litigieux, aux fins de faire preuve d'une antériorité, la traduction "libre", et donc par hypothèse dépourvue de rigueur et de précision, d'un brevet étranger ; qu'en décidant le contraire pour infirmer le jugement entrepris, la cour viole les articles L. 612-5 et L. 613-2 du code de la propriété intellectuelle ;
Mais attendu que M. X... n'a pas soutenu devant la cour d'appel que la traduction produite était erronée et a conclu au fond au vu de ce document ; que dès lors, le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le second moyen :
Attendu que M. X... et les établissements font également grief à l'arrêt de les avoir déboutés de leur action en contrefaçon de brevet alors, selon le moyen, que dans une revendication, la portée de la protection est définie caractérisante ; qu'ayant elle-même relevé que la partie caractérisante de la revendication n° 1 du brevet français résidait dans l'articulation de la bielle en un point d'un des bras du parallélogramme aute que le bras supérieur, la cour d'appel ne pouvait écarter l'action en contrefaçon, motif pris de l'existence d'un brevet japonais antérieur décrivant et divulgant les moyens et la fonction de relevage et de fermeture automatique du hayon par le jeu d'une bielle, sans préciser si la bielle, telle que décrite par ce brevet japonais, était reliée à l'un des bras du parallélogramme autre que le bras supérieur et si le dispositif produit par la société Braun et commercialisé par la société Pimas mettait lui-même ou non en oeuvre une bielle dont l'articulation présentait cette caractéristique ; qu'il s'ensuit que l'arrêt infirmatif n'est pas légalement justifié au regard de l'article L. 613-2 du code de la propriété intellectuelle ;
Mais attendu que l'arrêt retient qu'était déjà connue, au jour du dépôt des demandes de brevet de M. X..., la fonction incriminée de relevage et de fermeture automatique du hayon par le jeu d'une bielle reproduite par le système fabriqué par la société Braun et commercialisée par la société Pimas ; que notamment, le brevet japonais 51 12 2217 publié le 26 octobre 1976 décrit et divulgue les moyens et la fonction revendiquée de relevage et de fermeture automatique du hayon par le jeu d'une bielle ; que M. X... et les établissements ne peuvent pas revendiquer un monopole sur le principe général d'un dispositif fonctionnel déjà connu en soi ; que, dès lors la portée du brevet français est nécessairement limitée au mode particulier de leur réalisation et que celui-ci ne protège la fonction décrite que dans sa forme nouvelle avec les moyens nouveaux précisés, par le brevet, consistant essentiellement en la mise en oeuvre d'une bielle réglable associée au dispositif de relevage automatique ; qu'ils ne peuvent donc pas soutenir que, contrefait par équivalence, le produit par la société Braun et commercialisé par la société Pimas, qui reprend une fonction antérieurement connue et ne met pas en oeuvre une bielle réglable ; que la cour d'appel qui a déduit de ces constatations et énonciations que le dispositif incriminé n'était pas une contrefaçon par équivalence, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... et la société X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande et les condamne à payer à la société Pimas orthopédie et à la société Braun corporation la somme globale de 2 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six février deux mille huit.