LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon les arrêts attaqués (Paris, 21 septembre 2006 et 8 février 2007), que M. X..., engagé par la société Toupret le 1er septembre 1958, et exerçant les fonctions de conseiller prud'homme, a été mis à la retraite par lettre du 26 février 2001 avec effet au 1er août, après que l'employeur eut obtenu l'autorisation de l'inspecteur du travail le 20 février 2001, confirmée sur recours gracieux le 9 avril suivant ; qu'estimant que les conditions de sa mise à la retraite n'étaient pas réunies, M. X... a engagé une action prud'homale et a saisi le juge administratif d'une demande d'annulation de l'autorisation donnée par l'inspecteur du travail ; que le conseil de prud'hommes a sursis à statuer dans l'attente de la décision du juge administratif ; que la cour administrative d'appel a également sursis à statuer jusqu'à ce que l'autorité judiciaire se soit prononcée sur des questions préjudicielles relatives à l'interprétation du dispositif conventionnel sur la base duquel l'employeur avait procédé à la mise à la retraite de M. X..., invitant ce dernier à saisir la juridiction compétente pour répondre à ces questions ; que saisi par M. X..., le conseil de prud'hommes, après avoir révoqué le sursis à statuer, a procédé à l'interprétation du dispositif conventionnel et répondu aux questions préjudicielles posées par le juge administratif ; que par arrêt du 21 septembre 2006, la cour d'appel a rejeté le contredit formé contre ce jugement prud'homal et, évoquant l'affaire en renvoyant les parties à une audience ultérieure, a, par arrêt du 8 février 2007, statué sur ces questions préjudicielles ;
Sur le pourvoi en ce qu'il est dirigé contre l'arrêt du 21 septembre 2006 :
Attendu que la société Toupret fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté le contredit qu'elle avait formé, alors, selon le moyen, que seul le tribunal de grande instance est compétent pour répondre à une question préjudicielle portant sur l'interprétation d'un accord collectif et émanant de la juridiction administrative dans le cadre d'un recours contentieux contre une décision de l'inspection du travail sans formulation de demandes dirigées contre l'employeur ; qu'il en est ainsi quand bien même la juridiction prud'homale a été saisie parallèlement de demandes du salarié contre l'employeur et que sa décision est susceptible d'être tributaire de la réponse apportée à la question préjudicielle ainsi que de la décision de la juridiction administrative ; qu'en l'espèce, statuant sur le recours formé par M. X... contre la décision de l'inspection du travail autorisant la société Toupret à procéder à sa mise à la retraite, la cour administrative d'appel de Versailles a sursis à statuer jusqu'à ce que l'autorité judiciaire se soit prononcée sur quatre questions préjudicielles ayant trait à l'interprétation de l'accord national professionnel relatif à l'organisation, la réduction du temps de travail et à l'emploi du 22 décembre 1998 ; qu'en estimant la juridiction prud'homale compétente pour y répondre au prétexte qu'elle avait été également saisie par M. X..., la cour d'appel a violé les articles 49 du code de procédure civile, R. 311-1 du code de l'organisation judiciaire, L. 511-1 du code du travail ;
Mais attendu que le juge prud'homal, compétent pour connaître de l'interprétation d'un accord collectif lorsque celle-ci est nécessaire à la solution d'un litige lié au contrat de travail d'un salarié, est compétent pour statuer sur une question préjudicielle relative à l'interprétation d'un accord collectif posée par le juge administratif dans le cadre d'un litige individuel opposant le salarié à son employeur ; que tel était le cas en l'espèce, la question préjudicielle étant relative à la situation individuelle de M. X... ;
Que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le pourvoi en ce qu'il est dirigé contre l'arrêt du 8 février 2007 :
Sur le premier moyen :
Attendu que la société Toupret fait grief à l'arrêt d'avoir dit qu'à la date des 29 février et 9 avril 2001, les dispositions contenues dans l'avis interprétatif du 21 avril 2001 n'étaient pas applicables à la situation de M. X... lors de sa mise à la retraite et que seules étaient applicables les dispositions de l'article 9.3.2 de l'accord relatif à l'organisation, la réduction du temps de travail et à l'emploi en date du 22 décembre 1998, alors, selon le moyen, que l'avenant interprétatif d'un accord collectif signé par l'ensemble des parties à l'accord initial s'impose avec effet rétroactif à la date d'entrée en vigueur de ce dernier, le juge ne pouvant en écarter l'application ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que, le 21 mars 2001, les deux parties signataires de l'accord national professionnel relatif à l'organisation, la réduction du temps de travail et à l'emploi du 22 décembre 1998 ont conclu un avenant interprétatif précisant le sens et la portée qu'il convenait de donner à l'article 9.3.2 ; que la cour d'appel a refusé d'appliquer rétroactivement cet accord au prétexte inopérant, d'une part, que l'accord professionnel de branche du 22 décembre 1998 n'a pas institué une commission paritaire d'interprétation dont les avis auraient valeur d'avenants, d'autre part, que l'avenant ne se bornait pas à interpréter l'accord initial mais en modifiait la portée ; qu'ainsi, la cour d'appel a violé les articles 1101 et 1134 du code civil, L. 132-17 du code du travail ;
Mais attendu qu'ayant relevé que l'article 9.3.2 de l'accord du 22 décembre 1998 signé entre l'Union nationale des industries de carrières et matériaux de construction, d'une part, et la Fédération des travailleurs de la céramique, des carrières et matériaux de construction CGT-FO, d'autre part, autorisait un employeur à mettre à la retraite un salarié âgé de moins de soixante-cinq ans sous réserve que ce salarié puisse bénéficier d'une pension de vieillesse à taux plein versée par la sécurité sociale et qu'il puisse faire liquider sa pension de retraite complémentaire sans abattement, et qu'aux termes de l'avenant conclu entre les mêmes parties le 21 mars 2001 et qualifié par elles d'interprétatif, la pension de retraite complémentaire doit s'entendre de celle acquise au titre des tranches A et B, à l'exclusion de celle acquise au titre de la tranche C qui ne peut être liquidée avant l'âge de soixante-cinq ans, la cour d'appel a décidé à bon droit que cet avenant modifie les conditions de mise à la retraite des salariés cadres cotisants au titre de la tranche C, qu'il est dès lors dépourvu de caractère interprétatif et ne peut s'appliquer à une mise à la retraite prononcée antérieurement ;
Que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur deuxième et troisième moyens qui ne seraient pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi formé contre les arrêts rendus par la cour d'appel de Paris le 21 septembre 2006 et le 8 février 2007 ;
Condamne la société Toupret aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Toupret à payer à M. Jardin la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit mars deux mille huit.