LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
X... Joachim, partie civile,
contre l'arrêt de la cour d'appel de MONTPELLIER, chambre correctionnelle, en date du 6 décembre 2007, qui, dans la procédure suivie contre Rémy Y... du chef de blessures involontaires, a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 1382 du code civil, L. 132-8, L. 146, L. 147 et L. 148 du code de la famille et de l'aide sociale, des articles 29 et 33 de la loi du 5 juillet 1985, 2, 459, 464 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a rejeté la demande de Joachim X... en indemnisation de son préjudice résultant de la nécessité où il se trouve à être assisté par une tierce personne ;
"aux motifs que le tribunal a, à juste titre, constaté que l'expert judiciaire a préconisé une aide ménagère à domicile de 20 heures par mois et que Joachim X... bénéficie d'une aide gratuite de la mairie depuis le 30 avril 2003 ; que le préjudice invoqué par la victime au titre de l'éventuelle demande de remboursement en cas de retour à meilleure fortune est hypothétique, qu'il ne s'agit pas d'un préjudice susceptible d'être réparé dans la présente procédure ;que le rejet de la demande en indemnisation est donc maintenu, tout comme la mention portée au dispositif de la décision, selon laquelle dans le cas où l'aide viendrait à cesser, Joachim X... pourrait agir en justice aux fins d'indemnisation sans que puisse lui être opposée l'autorité de la chose jugée ;
"et aux motifs adoptés des premiers juges que le médecin expert préconise une aide ménagère à domicile de 20 heures par mois ; qu'or il résulte, selon attestation versée au dossier, que l'association d'aide à domicile de Thuir fournit à Joachim X... depuis le 27 mars 2002 une aide à domicile salariée par cette association, sur une base, depuis le 30 avril 2003 jusqu'au 31 mars 2008 de 25 heures, supérieure à celle préconisée par l'expert ; que Joachim X... demande une indemnisation au titre de la tierce personne pour l'assistance depuis la date de son retour à son domicile le 28 février 2002 jusqu'au jour du jugement à intervenir, et au-delà au titre de l'assistance future, à capitaliser par application de l'euro de rente en tenant compte du taux horaire pratiqué par l'association, soit 16,30 euros TTC ; que, s'il est constant que les frais de tierce personne correspondent à un dommage découlant directement des conséquences de l'accident et fait partie des indemnités mises à la charge du responsable, la partie civile ne peut percevoir une indemnité pour une aide dont elle a déjà bénéficié à ce jour gratuitement, et qui n'a en conséquence engendré aucune dépense à sa charge, ou dont elle bénéficiera à l'avenir, compte tenu de l'aide prévisionnelle planifiée par l'association débitrice jusqu'en 2008, sinon à indemniser deux fois le même préjudice, en nature et en espèces, générateur d'un enrichissement sans cause ; que la demande de la partie civile est en conséquence rejetée mais que le présent jugement prévoira expressément dans son dispositif que pour le cas où l'association de Thuir viendrait à cesser son aide gratuite, compte tenu du niveau de ressources de la victime créancière d'une indemnité à déterminer ou au-delà de 2008, la partie civile pourra exercer toute action nouvelle pour recouvrer à la charge du responsable les frais de tierce personne à venir, sans que l'autorité de la chose jugée puisse lui être opposée ;
"alors que seules doivent être imputées sur l'indemnité réparant l'atteinte à l'intégrité physique de la victime d'un accident de la circulation, les prestations versées par les tiers payeurs qui ouvrent droit, au profit de ceux-ci, à un recours subrogatoire contre la personne tenue à réparation, ce qui ne peut être le cas du conseil général ayant pris en charge les services ménagers d'une association d'aide à domicile, en raison de l'état physique de la victime ; qu'en rejetant la demande du demandeur en indemnisation de son préjudice pour assistance d'une tierce personne à domicile à raison de 20 heures par mois préconisée par l'expert, sous prétexte que ce dernier bénéficiait déjà de l'assistance d'une tierce personne à raison de 25 heures par mois prise en charge par le conseil général de son domicile, les juges du fond ont donc violé les articles 1382 du code civil et 29 de la loi du 5 juillet 1985" ;
Vu les articles 1382 du code civil, 29 et 31 de la loi du 5 juillet 1985 ;
Attendu que le préjudice résultant d'une infraction doit être réparé dans son intégralité, sans perte ni profit pour aucune des parties ;
Attendu qu'appelée à statuer sur les conséquences dommageables d'un accident de la circulation, dont Rémy Y..., condamné pour blessures involontaires, a été déclaré tenu à réparation intégrale, la juridiction du second degré était saisie de conclusions de la partie civile demandant que lui soit allouée une rente au titre de l'assistance d'une tierce personne ;
Attendu que, pour confirmer le jugement qui a écarté cette demande, l'arrêt retient que Joachim X... bénéficie d'une aide gratuite de la mairie, qu'une demande de paiement de cette aide en cas de retour à meilleur fortune est hypothétique et qu'il pourra toujours agir en justice au cas où elle cesserait ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors que les juges doivent apprécier tous les postes de préjudice subis, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Montpellier, en date du 6 décembre 2007, en ses seules dispositions relatives à l'assistance d'une tierce personne, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Nîmes, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Montpellier et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Pelletier président, M. Palisse conseiller rapporteur, MM. Farge, Blondet, Le Corroller, Mme Radenne conseillers de la chambre, Mmes Agostini, Leprieur, MM. Chaumont, Delbano conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Mathon ;
Greffier de chambre : Mme Daudé ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.