LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte à la société France Q Group et à Mme X... du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre MM. Mathieu et Jacky Y..., M. Z... et M. A... ;
Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :
Vu l'article L. 621-1 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société France Q Group et Mme X... (les cédants) ont, le 21 janvier 2002, cédé au profit de la société Filière plastique international (la société FPI) les titres qu'ils détenaient dans la société Auxicad, en précisant dans l'acte de cession que cette dernière n'était pas en état de cessation des paiements ; que, par jugement du 7 février 2002, le tribunal de commerce a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société Auxicad et a fixé provisoirement la date de cessation des paiements au 24 janvier 2002 ; qu'estimant que son consentement avait été vicié, la société FPI a assigné les cédants afin d'obtenir la nullité de la cession pour dol ;
Attendu que pour accueillir la demande, l'arrêt, après avoir évalué au 31 décembre 2001 l'actif disponible de la société Auxicad, retient que le passif exigible de cette dernière à cette date était supérieur à son actif disponible, de sorte qu'elle était en état de cessation des paiements au 21 janvier 2002 ;
Attendu qu'en se déterminant par de tels motifs, impropres à établir qu'à cette date, la société Auxicad se trouvait dans l'impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 18 mars 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai, autrement composée ;
Condamne la société FPI aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à la société France Q Group et à Mme X... la somme globale de 2 500 euros et rejette sa demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du cinq mai deux mille neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP RICHARD, avocat aux Conseils pour la société France Q Group et Mme X...
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir prononcé la nullité des actes de cession des actions de la Société AUXICAD conclus entre, d'une part, la Société FRANCE Q GROUP et Madame Danielle X..., et d'autre part, la Société FPI, puis d'avoir débouté la Société FRANCE Q GROUP et Madame X... de leur demande tendant à voir condamner la Société FPI à leur payer le prix de cession des actions et le prix de cession de créances ;
AUX MOTIFS QUE la Société FPI invoque le vice de son consentement, en ce qu'elle aurait été trompée sur la situation réelle de l'entreprise dont elle a acquis les parts sociales, et particulièrement quant à son état de cessation des paiements, étant rappelé que l'annexe I à la convention de garantie de passif contient, dans son paragraphe 7 page 7, une mention selon laquelle la Société AUXICAD n'est pas en état de cessation des paiements ; que l'appréciation de l'état de cessation de paiement de la Société AUXICAD à la date du 21 janvier 2002 à laquelle ont été passés les actes de cession, notamment celui concernant les parts sociales de cette personne morale, est en conséquence déterminante pour la solution du présent litige ; que cette question peut être examinée dans le cadre de la présente instance, et ce au vu notamment de l'état des créances déposé par le représentant des créanciers et des deux rapports de la Société ERNST et YOUNG, désignée comme expert par le juge-commissaire pour rechercher les éléments relatifs à la date où l'état de cessation de paiement de la Société AUXICAD s'est trouvé caractérisé ; qu'en droit, l'article L. 621-1 du Code de commerce, dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005 sur la sauvegarde des entreprises compte tenu de la date des conventions intervenues entre les parties, définit l'état de cessation de paiement comme la situation de l'entreprise qui est dans l'impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible ; qu'il convient donc de rechercher, dans les éléments révélés par le dossier et notamment le rapport d' expertise régulièrement versé aux débats et soumis à la discussion contradictoire des parties, la consistance de ces deux postes à la date du 21 janvier 2002 à laquelle sont intervenus les actes litigieux ; que sur le passif exigible, il regroupe les dettes échues, donc que le créancier est en droit d'exiger (c'est ce que signifie l'adjectif « exigible » utilisé dans le texte) ; qu'en d'autres termes, si une dette est échue, elle est exigible, sauf si le créancier a accepté un report de paiement (ce qui lui fait d'ailleurs perdre son caractère « exigible ») ; que sur ce point, l'expert judiciaire a listé un certains nombre de postes
de créances résultant notamment des déclarations faites au représentant des créanciers ; qu'il indique avoir recueilli des observations de Madame
Danielle X..., faisant état d'accords pour des délais de paiement ; qu'il précise que seule une partie des accords allégués avec les créanciers a été étayée par des pièces correspondantes ; que dans la recherche de la détermination de l'état de cessation de paiement, il ne peut être tenu compte que des accords fermes des créanciers pour différer le règlement d'une créance ; que, a contrario, il doit être considéré que les dettes pour lesquelles aucun accord n'est justifié sont exigibles ; que sur les emprunts bancaires, l'expert a vérifié que les échéances de l'emprunt auprès de la Société FINORPA n'ont pas été respectées, et que ce montant s'élevait à 159.000 au 31 décembre 2001 ; qu'ainsi qu'il a été dit plus haut, le fait que le paiement de cet arriéré n'était pas exigé est sans incidence ; que Madame Danielle X... a fait état d'une discussion en cours pour convenir de nouveaux délais ; que l'expert cite, sur ce point, une lettre de l'organisme prêteur qui demande « que lui soit proposée une solution raisonnable en vue de régulariser la situation » ; que ce libellé exclut l'existence, en l'état, d'un accord ferme, ce dernier dépendant de l'appréciation qu'aurait ce créancier sur le caractère raisonnable et acceptable des propositions attendues ; qu'il s'agit donc bien d'un poste de passif exigible, au 31 décembre 2001, a fortiori au 21 janvier 2002 ; que sur les dettes fournisseurs l'expert a listé et chiffré les différentes dettes échues au 31 décembre 2001 pour un total de 353.000 ; qu'il indique que Madame Danielle X... a fait état de nombreuses situations de reports d'exigibilité convenues avec les clients (en réalité avec les fournisseurs), mais il précise que certaines seulement sont étayées par des pièces ; qu'il cite ainsi avoir vérifié l'existence d'un accord avec une société SOLIDWORKS pour une créance de 74.507 ; qu'à défaut d'éléments plus précis sur les vérifications opérées par l'expert quant aux reports d'exigibilité, il ne peut être tenu compte que de cette dernière dette comme ayant fait l'objet d'un accord ferme, et donc la seule à exclure du passif exigible ; que cela ramène ce poste du passif exigible à 353.000 - 74.507 = 278.490 ; que sur les dettes fiscales et sociales, l'expert a listé, en dernière partie de son rapport en date du 8 juillet 2003, les échéances de charges fiscales et sociales échues entre le 31 décembre 2001 et le 15 janvier 2002 et impayées au jour de l'ouverture du redressement judiciaire ; que le montant total en est, d'après lui, de 165.000 échus au 15 janvier 2002, mais, d'après les éléments figurant dans le tableau détaillé de ces créances avec leurs montants et dates d'échéances, le montant total est en réalité, au 20 janvier 2002 de 191.986,11 se répartissant comme suit :
NOM DU CREANCIER
DATE D'ECHEANCE
MONTANT
Recette des Impôts de Dunkerque
après transaction
20 janvier 2002
26 420,35
ASSEDIC d'ANZIN
5 janvier 2002
4 021,76
GIRS 4ème trimestre 2001
15 janvier 2002
91 080
GIRCACIC 4ème trimestre 2001
15 janvier 2002
55 978
GENERA 4ème trimestre 2001
1er janvier 2002
14 486
que sur l'actif disponible, concernant les disponibilités, l'expert a chiffré ce poste à 350.000 au 31 décembre 2001, mais relève à juste titre qu'il convient d'en déduire la somme de 119.000 qui n'est pas réellement disponible à cette date, dès lors qu'elles et constituée d'une créance sur la Société Dalkia prise par le CCF comme garantie sur le découvert existant ; que ce poste doit donc être limité à 231.000 au 31 décembre 2001 ; que sur les découverts bancaires, l'expert a pris en considération une somme de 270.734 comme limite totale de découvert toutes Banques confondues ; que cependant, il précise que seul le découvert du Crédit Industriel et Commercial fait l'objet d'une autorisation écrite, dont il lui a été justifié, à hauteur de 45.734 ; que sur ce poste, il a vérifié que cette autorisation de crédit avait été utilisée à hauteur de 21.937 seulement ; qu'il est donc juste de considérer qu'il existe une réserve utilisable à hauteur de 23.797 ; que pour le surplus, à défaut d'accord écrit des Banques correspondantes, rien ne permet de retenir, comme réserve sur des découverts bancaires, des postes pour la Caisse d'Epargne et le CCF pour une somme de l'ordre de 270.000 , dès lors qu'aucune autorisation écrite n'étant justifiée, les soldes déjà accordés pouvaient être réclamés à tout moment ; que c'est ce que l'expert précise au point 4,2.2 de son rapport sous l'intitulé "Découverts bancaires", où il indique que ce poste s'élève à 889.000 au 31 décembre 2001 (ce qui entre d'ailleurs en contradiction avec le poste 4.1.2 où il chiffre le total des découverts en comptes à 219.634 seulement), qu'ils ont été "accordés" en dehors de toute convention écrite, et que le CCF a dénoncé ses concours par courrier du 1er février 2002 ; qu'à défaut d'autres éléments non communiqués, Madame Danielle X... et la SARL FRANCE Q GROUP ne fournissant aucune pièce à ce titre et le rapport d'expertise ne comportant pas d'annexe sur ce point, seule la somme de 23.797 peut en conséquence être retenue ; que sur la mobilisation de créances clients, l'expert retient, à ce titre, une ressource de 230.000 , ce qui correspond à peu près à l'équivalent en euros de la ligne de DAILLY accordée par la Caisse d'Epargne selon courrier du 10 août 2001 pour 1.500.000 F, dont il note qu'elle n'a pas été utilisée au 31 décembre 2001 ; qu'il émet cependant une réserve importante à la prise en considération de ce poste dans l'actif disponible, c'est que la SA AUXICAD ait disposé effectivement de créances clients non cédées et remplissant les conditions posées par la Caisse d'Epargne pour les mobiliser, ce qu'il indique n'avoir pas pu vérifier ; qu'au vu de ces éléments, la balance entre passif exigible et actif disponible s'établit de manière suivante :
- emprunts bancaires 159.000
- dettes fournisseurs 278.490
- dettes fiscales et sociales 191.986,11
Total PASSIF EXIGIBLE : 629.476,11 629.476,11
- disponibilités 231.000
- découverts bancaires 23.797
- mobilisation de créances clients 230.000
(sous les réserves détaillées ci-dessus)
Total ACTIF DISPONIBLE : 484.797 484.797
BALANCE en faveur du passif exigible : 144.679,11
qu'il résulte de ces éléments que, le passif exigible étant supérieur à l'actif disponible, la Société AUXICAD était en état de cessation des paiements à la date du 21 janvier 2002, moment où les cessions litigieuses sont intervenues entre les parties ; que dans ces conditions, la Société FRANCE Q GROUP et Madame Danielle X..., en signant un acte qui comportait, en annexe, la mention selon laquelle l'entreprise dont les titres étaient cédés n'était pas en état de cessation des paiements, ont menti sur la situation réelle de cette personne morale, alors que cet élément constituait une condition essentielle de la vente des actions puisque l'acquéreur, en y souscrivant, poursuivait nécessairement un projet industriel, probablement en synergie avec d'autres sociétés dont elle est propriétaire dans le même domaine ; qu'à cet égard, tant Madame Danielle X... en sa qualité de PDG de la Société AUXICAD que la Société FRANCE Q GROUP en qualité d'actionnaire majoritaire de cette dernière, ne peuvent raisonnablement soutenir avoir été dans l'ignorance de l'état réel de l'entreprise, et elles ne l'allèguent d'ailleurs pas ; que dès lors, d'une part cette affirmation mensongère, d'autre part l'absence d'information exacte sur l'état de cessation de paiement de l'entreprise ont induit la Société FPI, acquéreur, en erreur de telle manière que cette dernière n'aurait pas acquis si les informations exactes lui avaient été données, ou à tout le moins pas dans de telles conditions ; qu'en effet, il n'y avait, pour elle, aucun intérêt à prendre la majorité dans une société pour laquelle une procédure collective avait vocation à être ouverte à tout moment, et dont les actifs pouvaient, dans ce cadre, être cédés à un tiers sans aucun contrôle de sa part ; que c'est bien d'ailleurs ce qui est advenu finalement pour la Société AUXICAD puisqu'un plan de cession a été adopté la concernant en juin 2002, l'importance du passif déclaré (8.714.211,77 ), excluant toute possibilité de redressement par la continuation de l'activité ; que dès lors, la demande de la Société FPI tendant à voix prononcer la nullité de la cession des actions en date du 21 janvier 2002 à cause du dol qu'elle a subi, est parfaitement fondée, et il y a lieu d'y faire droit ; que les autres cessions intervenues entre les parties le même jour doivent connaître le même sort, les parties s'accordant sur le point que ces conventions formaient un tout indivisible ; qu'il en est de même de l'acte de garantie du passif, qui n'était qu'un corollaire de la session ;
1°) ALORS QUE se trouve en état de cessation des paiements, l'entreprise qui est dans l'impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible ; qu'une dette échue pour le paiement de laquelle le créancier a consenti un moratoire au débiteur ne constitue pas un élément composant le passif exigible ; qu'en décidant néanmoins que la dette de 159.000 contractée à l'égard de la Société FINORPA constituait un élément du passif exigible, après avoir néanmoins constaté que le créancier avait accepté de ne pas en exiger le remboursement immédiat, à condition « que lui soit proposée une solution raisonnable en vue de régulariser la situation », ce dont il résultait que le créancier avait consenti un moratoire à la Société AUXICAD, à tout le moins dans l'attente de la formulation d'une telle proposition, la Cour d'appel a violé l'article L 621-1 du Code de commerce, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005, ensemble les articles 1134 et 1116 du Code civil ;
2°) ALORS QUE se trouve en état de cessation des paiements, l'entreprise qui est dans l'impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible ; qu'en se bornant, pour décider que la Société AUXICAD se trouvait en état de cessation des paiements à la date du 21 janvier 2002, à constater le montant de ses disponibilités au 31 décembre 2001, sans établir le montant de ses disponibilités à la date du 21 janvier 2002, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard l'article L 621-1 du Code de commerce, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005, ensemble au regard des articles 1134 et 1116 du Code civil ;
3°) ALORS QUE se trouve en état de cessation des paiements, l'entreprise qui est dans l'impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible ; que l'autorisation de découvert bancaire durable et régulier constitue un élément de l'actif disponible ; que le découvert bancaire peut être tacite et que la preuve de l'autorisation de découvert peut être rapportée par tous moyens ; qu'en décidant néanmoins que la preuve de l'autorisation de découvert devait nécessairement être rapportée par écrit et qu'à défaut, une telle autorisation ne pouvait être prise en considération pour déterminer l'actif disponible, la Cour d'appel a violé l'article L 621-1 du Code de commerce, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005, ensemble les articles 1134 et 1116 du Code civil ;
4°) ALORS QUE, subsidiairement, le dol ne se présume pas et doit être prouvé ; qu'en se bornant, pour décider que Madame X... et la Société FRANCE Q GROUP avaient commis un dol, à affirmer qu'en leur qualité, respectivement, de dirigeant et d'actionnaire majoritaire de la Société AUXICAD, ils ne pouvaient raisonnablement soutenir avoir été dans l'ignorance de l'état réel de l'entreprise, sans constater qu'ils avaient effectivement connaissance de l'état de cessation des paiements, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1116 du Code civil ;
5°) ALORS QUE, à titre également subsidiaire, en se bornant à affirmer que Madame X... et la Société FRANCE Q GROUP connaissaient l'état de cessation des paiements de la Société AUXICAD, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la Société FPI disposait des mêmes informations qu'eux et connaissait parfaitement la situation financière de la Société AUXICAD, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1116 du Code civil.