LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu selon l'arrêt attaqué (Saint-Denis de la Réunion, 25 mars 2008), que M. X..., engagé par la société Sorelait le 3 juillet 2000 en qualité de conducteur d'engin de conditionnement, a été licencié pour faute lourde le 21 avril 2004 ;
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes en retenant l'existence d'une faute lourde, alors, selon le moyen :
1°/ qu'en jugeant sans intérêt la production de la fiche de suivi des arrêts de machines pour la journée et la soirée du 7 avril 2004, pourtant indispensable pour établir la chronologie des faits le soir de l'incident, dans lequel M. X... contestait toute implication, lorsque la charge de la preuve de l'existence d'une faute lourde commise par le salarié pèse exclusivement sur l'employeur, la cour d'appel a violé les articles 1315 du code civil et L. 223-14, alinéa 1er du code du travail, devenu l'article L. 3141-26 ;
2°/ qu'en retenant que les témoignages versés aux débats établissaient que M. X... avait profité de l'absence de M. Y... en fin de service pour stopper deux machines, dérégler la première et introduire de la confiture dans la seconde, lorsqu'aucun des trois salariés n'attestait avoir constaté l'existence de dégradations personnellement commises par M. X... sur le matériel -MM. Z... et A... se bornant à relever que lors de leur prise de service les machines étaient arrêtées et qu'ils avaient constaté leur dysfonctionnement en les remettant en marche et M. Y... indiquant s'être absenté pour vidanger et laver les poubelles et qu'à son retour la remplisseuse et l'étiqueteuse ne tournaient plus- la cour d'appel a dénaturé ces documents, en violation de l'article 1134 du code civil ;
3°/ qu'en outre, le seul fait que M. X... travaillait sur la ligne de conditionnement le soir du sabotage ne suffit pas à caractériser sa responsabilité dans cette action tendant à faire obstacle à la production ; qu'en retenant néanmoins, dans de telles circonstances, l'existence d'une faute lourde imputable au salarié, la cour d'appel a violé l'article L. 223-14, alinéa 1er, du code du travail, devenu l'article L. 3141-26 ;
4°/ qu'enfin, la dégradation du matériel imputée à M. X... n'implique pas, par elle-même, son intention de nuire à l'employeur, qui doit être caractérisée de manière distincte ; de sorte qu'en se bornant, pour estimer que le licenciement de M. X... était justifié par une faute lourde, à relever que " cette action délibérée en vue de faire obstacle à la production caractérise une faute caractérisée de M. X... et sa volonté de nuire à son employeur", la cour d'appel a statué par des motifs impropres à caractériser l'intention de nuire, en violation de l'article L. 223-14, alinéa 1er, du code du travail, devenu l'article L. 3141-26 ;
Mais attendu que la cour d'appel, appréciant souverainement les éléments de preuve et de fait qui lui étaient soumis, a estimé, hors toute dénaturation, que le salarié avait provoqué l'arrêt des machines en procédant sur la première à une manipulation qui avait faussé ses réglages et en introduisant de la confiture dans la seconde ; qu'elle a ainsi caractérisé l'intention de nuire à l'entreprise, constitutive d'une faute lourde ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois septembre deux mille neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Ancel et Couturier-Heller, avocat aux Conseils pour M. X...
Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que le licenciement de M. X... était justifié par une faute lourde et partant de l'avoir débouté de l'ensemble de ses demandes ;
AUX MOTIFS QUE la lettre de licenciement énonce comme griefs le sabotage d'une machine de conditionnement le 7 avril, le ralentissement délibéré des cadences machines (12 et 15 mars) et une insubordination réitérée ;
Que M. X... conteste le sabotage qui lui est reproché et demande la production aux débats de la fiche de suivi des arrêts pour le 7 avril 2004 ; qu'il entend tirer argument de ce que la société Sorelait ne l'a pas fait sans pour autant se prévaloir du contenu de cette fiche ; que si M. X... s'est effectivement rendu coupable d'un acte de sabotage la fiche n'en fait évidemment pas mention ; que dès lors la production de cette pièce est donc sans intérêt ;
Que quant aux constatations portant sur la crédibilité des attestations de M. Z... (tenant à une erreur quant à l'absence d'arrêt de la machine le 12 mars), ce n'est pas son audition dans le cadre d'une enquête susceptible de valider ou non son témoignage mais bien la confrontation avec les autres attestations produites par la société Sorelait ;
Que M. Y..., coéquipier de M. X..., a déclaré que le 7 avril à 21h50 il était sorti pour vidanger et laver les poubelles alors que les machines tournaient, qu'à son retour la remplisseuse et l'étiqueteuse ne tournaient pas, qu'il n'y avait pas prêté attention vu la production déjà réalisée, que la relève est arrivée et qu'ils sont partis après la passation des consignes ;
Que M. Z... a précisé qu'à 22h, au passage de la relève, il avait constaté que l'étiqueteuse et la filmeuse étaient arrêtées, que le magasin était mal mis en place pour la première avec pour conséquence de fausser les réglages et avoir été interpellé par son collègue pour un bourrage sur la seconde, que celui-ci résultait de la présence de base poire (confiture) sur le film, que le technicien de maintenance a confirmé l'explication de sabotage ;
Que M. A... a confirmé l'arrêt des deux machines lors de sa prise de service après celui de M. X..., qu'à leur mise en service l'étiqueteuse a dû être arrêtée et réglée et qu'il avait constaté sur l'autre machine la présence de confiture sur le film plastique et les rouleaux alors que les produits réalisés avant étaient parfaitement étiquetés et emballés ;
Que ces témoignages établissent que M. X... a profité de l'absence de M. Y... en fin de service pour stopper deux machines, dérégler la première et introduire de la confiture dans la seconde ; qu'il doit alors être retenu à l'encontre de M. X... une action délibérée en vue de faire obstacle à la production ; que le terme de sabotage utilisé par l'employeur est donc justifié ; que cette attitude caractérise une faute caractérisée de M. X... et sa volonté de nuire à son employeur ; que la faute lourde a ainsi été justement retenue par la société Sorelait ; que l'examen des autres fautes est alors sans intérêt ;
ALORS QUE en jugeant sans intérêt la production de la fiche de suivi des arrêts de machines pour la journée et la soirée du 7 avril 2004, pourtant indispensable pour établir la chronologie des faits le soir de l'incident, dans lequel M. X... contestait toute implication, lorsque la charge de la preuve de l'existence d'une faute lourde commise par le salarié pèse exclusivement sur l'employeur, la Cour d'appel a violé les articles 1315 du Code civil et L 223-14 alinéa 1er du Code du travail, devenu l'article L 3141-26 ;
ALORS ENSUITE QUE en retenant que les témoignages versés aux débats établissaient que M. X... avait profité de l'absence de M. Y... en fin de service pour stopper deux machines, dérégler la première et introduire de la confiture dans la seconde, lorsqu'aucun des trois salariés n'attestait avoir constaté l'existence de dégradations personnellement commises par M. X... sur le matériel - MM. Z... et A... se bornant à relever que lors de leur prise de service les machines étaient arrêtées et qu'ils avaient constaté leur dysfonctionnement en les remettant en marche et M. Y... indiquant s'être absenté pour vidanger et laver les poubelles et qu'à son retour la remplisseuse et l'étiqueteuse ne tournaient plus - la Cour d'appel a dénaturé ces documents, en violation de l'article 1134 du Code civil ;
ALORS QU'EN OUTRE le seul fait que M. X... travaillait sur la ligne de conditionnement le soir du sabotage ne suffit pas à caractériser sa responsabilité dans cette action tendant à faire obstacle à la production ; qu'en retenant néanmoins, dans de telles circonstances, l'existence d'une faute lourde imputable au salarié, la Cour d'appel a violé l'article L 223-14 alinéa 1er du Code du travail, devenu l'article L 3141-26 ;
ALORS QU'ENFIN la dégradation du matériel imputée à M. X... n'implique pas, par elle-même, son intention de nuire à l'employeur, qui doit être caractérisée de manière distincte ; de sorte qu'en se bornant, pour estimer que le licenciement de M. X... était justifié par une faute lourde, à relever que « cette action délibérée en vue de faire obstacle à la production caractérise une faute caractérisée de M. X... et sa volonté de nuire à son employeur », la Cour d'appel a statué par des motifs impropres à caractériser l'intention de nuire, en violation de l'article L 223-14 alinéa 1er du Code du travail, devenu l'article L 3141-26.